Les jeux faisant la part belle à la créativité ne sont pas si fréquents que cela. L’un d’entre eux, Dreams, a permis la démocratisation de ce genre ces dernières années. Cet été, les équipes québécoises d’Impossible Studio nous délivrent leur premier jeu basé sur la peinture et la représentation de cet art au sens large dans Été, un jeu narratif disponible depuis le 23 juillet sur PC uniquement via Steam. Présenté au grand public durant notre édition 2023 de l’AG French Direct, Été se veut être un jeu où la détente et l’évolution à son rythme l’emportent sur le frénétisme et les mondes ouverts aux symboles remplissant l’espace. Equipez-vous de votre plus beau pinceau et pénétrez dans cet univers artistique singulier, coloré et mélodieux.
Conditions de test : Nous avons terminé l’histoire principale et une bonne partie des quêtes annexes de Été en environ 11h de jeu, sur Steam. Toutes les régions ont été bien avancées et environ 80% des autocollants ont été découverts.
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ToggleSe promener dans Montréal, c’est tiguidou !
Dans Été, vous incarnez un jeune peintre qui veut tenter l’expérience de la magnifique ville de Montréal pour les vacances d’été. Accueilli chez Marianne qui a une façon bien à elle de vous mettre à l’aise dans son « appartement » en location. Après avoir nommé votre personnage et lui avoir attribué un pronom pour l’identifier, vous voilà prêt à explorer la ville et ses différents quartiers.
N’ayant pas encore eu l’opportunité de nous rendre dans la ville québécoise, difficile d’être catégorique sur la fidélité des lieux traversés. Tout ce que l’on peut dire, c’est que l’ensemble respire l’ouverture d’esprit, la tolérance, le côté feel-good des habitants, tout en restant assez classique et finalement assez peu identifié, hormis quelques éléments évoquant le Québec, sans que cela soit réellement dérangeant, les conversations avec les habitants vous rappelant que vous vous trouvez bien de l’autre côté de l’Atlantique.
Composée de 7 zones distinctes, la ville vous mènera à travers une voie de chemin de fer, un marché, une ruelle d’habitations typiques ou encore un parc magnifique. Toutes les zones (exceptés l’appartement et le studio plus contenus et faisant office de hub à décorer et à se reposer, nous y reviendrons) sont relativement ouvertes et vous proposeront de nombreuses dizaines de minutes pour être complètement fouillées et libérées de cette colorimétrie grisâtre.
Mais avant d’aborder le cœur du jeu qui consiste à peindre les environnements que vous traversez d’une manière très poétique, abordons assez rapidement l’aspect narratif du titre, clairement pas l’un des points forts du jeu. Représentant en quelque sorte un fil rouge vous menant à posséder votre propre studio d’artiste et à votre première exposition au grand public grâce à une certaine Peggy, l’histoire se déroule en ligne droite en peu ou proue 5 à 7h de jeu avec une possibilité de poursuivre selon le même schéma en end-game et d’évoluer librement par la suite.
Assez court certes, mais il faut toutefois nuancer cela en prenant en compte que cette quête principale ne constitue donc pas la quintessence de l’expérience, plutôt tournée vers la découverte des environnements se colorant au gré de vos envies, mais aussi des habitants et de votre propre sensibilité créative.
Faut pas avoir peur d’avoir de la broue dans le toupet
Car il y en aura des choses à faire dans Été. Sous ses allures de jeu plutôt court et au gameplay très simple à comprendre, il vous suffira de soulever quelques couches pour apercevoir la quantité de choses à régler. Que ce soit tantôt votre propre condition de peintre en devenir, ou encore l’aide apportée à de nombreux villageois qui passeront commandes de tableaux originaux, ou tantôt la découverte de pigments vous permettant d’utiliser de nouvelles couleurs dans vos œuvres (et pour la plupart très bien cachés), etc., vous pourrez passer de nombreuses heures pour tout trouver.
D’autant plus que, nous le disions plus haut, chaque quartier est à l’origine intégralement grisâtre, recouvert d’un brouillard épais (sauf les PNJ qui sont, eux, colorés). À vous de viser avec votre pinceau et d’appuyer sur une touche (sur votre souris ou votre manette) pour peindre la surface visée, jusqu’au ciel. Chaque objet, du plus petit au plus gros, peut être peint et regagnera sa couleur originelle après cela, hormis les surfaces de type routes ou murs des bâtiments, pour la plupart n’accrochant pas votre peinture. Vous êtes cependant limité dans le temps de peinture avant que votre pinceau ne soit vide et se recharge en quelques petites secondes.
A chaque fois qu’un objet récupère sa couleur, un petit son vous indique votre réussite et vous octroie de petites bulles de couleurs qui traineront à proximité de l’objet. Récolter ces billes vous permettra à force d’engranger des pétales qui vous donneront la faculté de peindre en un seul coup une zone plus vaste et ainsi d’aller plus vite dans votre quête de couleur. Ces pétales étant précieux, il vous faudra jongler entre peinture classique et pétales pour redonner vie aux environnements traversés.
Une sorte de PowerWash Simulator si vous préférez, mais avec un aspect poétique et organique supplémentaire qui fait tout à fait son effet. Certains ou certaines pourront se lasser sur la longueur, car chaque quartier dispose de nombreux objets à peindre, mais cela en vaut la chandelle pour les plus patients ou patientes d’entre nous, le tout formant de fantastiques panoramas une fois bien colorés, qui changent drastiquement des paysages rencontrés au début.
D’autant plus qu’il n’y a aucune limite de temps, aucun chrono, aucun game over, vous pouvez vous laisser porter et juste flâner ou avancer plus rapidement. La seule limite ici est la présence d’un cycle journalier d’environ 20 minutes, allant du matin au coucher du soleil en passant par le midi, l’après-midi et la soirée, avec des événements ou des personnes différents selon les endroits, avec obligation de retourner vous coucher à la fin de la journée. S’il y avait un reproche à faire sur cet aspect, ce serait clairement le manque d’un pourcentage de complétion, pour se rendre compte du reste de la tâche à parcourir pour terminer un quartier tandis qu’un cycle journalier plus long n’aurait pas été déplaisant.
Ne pas oublier la boite à malle
Au fil de vos pérégrinations dans la ville, vous rencontrerez divers PNJ qui vous donneront donc des missions en rapport avec des œuvres à peindre. Que vous soyez un véritable artiste né ou encore un néophyte en la matière, vous trouverez forcément votre compte dans Été. Les tableaux pouvant être validés dès qu’ils contiennent tous les éléments demandés par le donneur de quête, nul besoin de vous appliquer sur chaque œuvre, sauf si l’envie vous prend. À noter que contrairement à ce qui avait été annoncé notamment lors de l’AG French Direct, les personnages ne disposent pas d’un doublage en français québécois et cela se ressent malheureusement.
Peindre des tableaux peut se faire de manière illimitée, au sein de votre appartement dans un premier temps, appartement que vous pouvez décorer à votre guise en achetant des objets dans la boutique de Marianne notamment. A noter qu’il semblerait que certains objets complétant votre collection ne seront disponibles qu’à l’achat et non dans l’espace ouvert. Votre studio pourra aussi être décoré avec de multiples objets, ajoutant une dimension housing assez sommaire, mais qui plaira aux fans du genre.
Une fois ces tableaux peints, vous pourrez soit les stocker dans votre inventaire, soit les exposer. Pour les exposer dans votre chez-vous ou dans votre studio, vous aurez besoin de cadres vides disponibles à l’achat eux aussi, ou alors gratuitement dans un restaurant du marché pour les proposer à la vente et ainsi vous faire de l’argent pour réhabiliter votre studio en ruines, ce qui ne constitue malheureusement pas une condition très bloquante à la quête principale.
Les tableaux en aquarelle se créent par un fond que vous pouvez définir en trouvant des pigments et par l’ajout de milliers d’autocollants que vous débloquerez en colorant pour la première fois l’objet en question dans le monde à explorer. Ainsi, la boucle est bouclée, les missions vous poussant à explorer et l’exploration vous permettant d’avancer dans vos missions. Un système simple, mais qui marche vraiment à tel point que les heures passent très vite une fois l’aventure bien lancée.
Heureusement, pour vous simplifier l’exploration, des racks à vélos seront disposés dans chaque quartier, permettant un voyage rapide entre chacun, tandis que vous disposez d’un sprint pour vous déplacer plus vite. On regrettera l’impossibilité d’augmenter le rayon de peinture par le biais d’accroissement des compétences, ou encore la possibilité de se poser où l’on veut dans le monde pour y déployer son chevalet et peindre en pleine nature, mais des raisons techniques ont dû empêcher cela.
Le chaud et le froid
Une technique en dent de scie sur certaines de nos sessions, effectuées avant la sortie officielle du jeu, et pouvant aller d’une fluidité parfaite à des lags assez importants lors des changements de temporalité, associés à des chargements très longs entre certains lieux (plus d’une minute en moyenne !) surtout après plusieurs heures de jeu d’affilée, y compris à l’ouverture de certains menus de sélection des estampes (les « autocollants ») alourdissant la création des tableaux. Nous vous recommandons d’ailleurs le combo clavier-souris, bien qu’à la manette ce soit tout à fait gérable, si tant est que l’on se met presque à rêver d’un mode VR.
Nul doute que sur des PC très haut de gamme le jeu doit tourner comme sur des roulettes, mais sur notre bécane de milieu de gamme, ces écueils ont été assez présents, tandis qu’un crash et un passage à travers le décor sont également à déplorer. Ceci relève cependant du détail puisque, dans la majeure partie de l’aventure, tout s’est déroulé de manière tout à fait correcte.
S’il est par contre un point sur lequel nous avons été complètement conquis, c’est bien évidemment la patte artistique du jeu. Intégralement représenté sous forme d’aquarelle comme peinte à la main, chaque découverte de nouveau lieu, et a fortiori sa forme colorée, fut un festin visuel. Le tout magnifié par des animations un peu irrégulières pour les PNJ, certes, mais complètement enivrantes pour les éléments naturels comme les animaux (qu’il nous faudra parfois suivre pour découvrir leurs secrets) ou encore le vent dans les arbres, par exemple.
Une vraie bouffée d’air frais aussi visuelle qu’auditive, la bande originale simple mais bucolique collant parfaitement à l’atmosphère résolument cozy du jeu, pour notre plus grand bonheur. Bravo aux équipes du studio Impossible pour leur travail artistique (et ludique) qui reste une vraie réussite, en tentant d’apporter quelque chose de différent de ce qui se fait habituellement, et c’est aussi pour cela que l’on aime autant les jeux indépendants.
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