FAR : Changing Tides est le deuxième titre du studio Suisse Okomotive, et la suite de leur premier jeu FAR : Lone Sails, sorti en 2018. Ce dernier avait d’abord été développé comme sujet de thèse à l’Université des Arts à Zurich par Don Shmocker (directeur du studio) en 2015.
La série des FAR se présente comme des puzzle/platformer 2D oniriques, contemplatifs, et aux thématiques écologiques, dans lesquels vous incarnez un personnage qui doit s’assurer du bon fonctionnement de son véhicule pour avancer. Là où le premier épisode nous mettait aux commandes d’une locomotive hybride dans des décors sec et stériles, c’est cette fois ci un navire/sous-marin que nous devrons apprivoiser afin de traverser un monde en ruine et englouti par les eaux.
Conditions de test : Nous avons joué à FAR : Changing Tides sur un PC équipé d’une carte graphique Nvidia 3060Ti, d’un processeur Ryzen 7 5800x et de 16go de ram. Nous avons terminé l’aventure en à peu près 5h.
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ToggleSeul au monde
C’est dans une ville détruite et à moitié submergée que le voyage débute avec notre petit personnage solitaire. Il n’y a pas âme qui vive dans le monde de Far : Changing Tides. Vous êtes probablement l’unique survivant de la catastrophe, et l’objectif sera de partir en quête de terres plus accueillantes dans votre vaisseau rapiécé. Jonchée d’obstacles et d’énigmes à résoudre, l’aventure se parcourra aussi bien aux commandes du bateau qu’à pied ou sous l’eau à la recherche de ressources diverses destinées à alimenter en carburant votre moyen de transport, sans lequel vous n’auriez aucune chance de survie. La volonté du studio de personnifier la gigantesque machine est évidente. Vous n’êtes pas seul, puisqu’elle est là, et son moteur ronronnant demeure le seul symbole d’espoir dans ce monde dystopique.
Votre unique but est d’avancer. Toujours avancer de gauche à droite, et on se prend à constamment espérer l’apparition d’une terre salvatrice, au fur et à mesure que nos ressources s’amenuisent, de peur de ne plus pouvoir aller de l’avant. Poétique jusque dans son gameplay, et dans sa bande son adaptative selon la vitesse du navire et les situations rencontrées, Changing Tides ne se résume pas à un beau voyage dont on serait le simple spectateur. C’est avant tout un excellent jeu vidéo, au sens le plus strict du terme.
Les mains dans le cambouis
Dans FAR : Changing Tides, vous contrôlerez en permanence votre petit personnage. Pour être plus précis, vous ne prendrez jamais le contrôle direct du vaisseau. Se dotant d’améliorations diverses au fil de votre progression, ce dernier peut avancer à l’aide de ses voiles que vous devrez tendre vous-même en actionnant quelque mécanismes (en faisant bien attention au sens du vent), ou bien à l’aide de ses rames qui devront être alimentées en carburant via le four à charbon. Ce carburant prend la forme de petits objets disséminés sur votre route, reliques du passé flottantes à la surface ou perdues dans les fonds marins, auquel cas il vous faudra stopper le navire et en sortir afin d’explorer les profondeurs pour ramener les précieuses ressources. Heureusement, un scanner est intégré au véhicule, vous permettant de sonder les environs en quête de fuel si vous tombez en panne sèche.
Parfois, et de façon non scriptée, certains éléments tomberont en panne et seuls de petits kits de réparation vous sauveront de cette mauvais passe. Changing Tides vous demande d’économiser vos ressources au maximum, ce qui résonne comme un écho à son message écolo. Il y’a toujours un moyen de s’en sortir, et le titre fait habilement appel à notre sens de la débrouille et de la déduction, sans jamais rien nous expliquer. Tous les boutons activables sont en bleus clairs, et, à force de tâtonnement, le fonctionnement de la machine infernale devient instinctif et de plus en plus évident. Le jeu est en effet dépourvu d’interface classique, cette dernière étant sous vos yeux, à portée de main.
A vous d’organiser votre périple comme bon vous semble. On court à droite à gauche pour réparer, refroidir les surchauffes, sauter sur la soufflerie pour alimenter le feu, courir au sommet en pleine tempête pour déployer ou rétracter sa voile, sortir pour explorer les fonds marins en quête de carburant… Cette micro gestion qui fonctionne à l’intuition, s’avère jouissive et dynamique, d’autant plus que c’est à vous de décider comment gérer votre rafiot. On se sent oppressé, toujours acculé par des conditions environnementales de plus en plus complexes, mais on en sort toujours grandit et plus habile de nos mains. Et fatalement, on en vient à considérer notre embarcation comme un être aussi vivant que fragile auquel on s’attache irrémédiablement.
Une réussite artistique et ludique
FAR : Changing Tides distille ses panoramas et ses moments de grâce avec soin. L’accent est résolument placé sur notre infinie petitesse face aux dangers d’une mer(e) nature déchainée, et le moindre évènement venant à bloquer la progression résonne comme une catastrophe ou un défi insurmontable. D’une subtile poésie bien dosée, le jeu alterne régulièrement les moments de calmes contemplatifs et les situations désespérées. La bande son se manifeste par envolées enchanteresses qui graveront dans le marbre certains instants mémorables.
Artistiquement, le jeu dispose d’une patte plutôt unique, où les tons pastels se mêlent à une touche picturale reposante pour les yeux et l’esprit. Le titre n’est techniquement pas irréprochable, mais il n’en a pas la prétention. Seule la direction artistique compte ici, et les animations, détaillées et d’une touchante mignonnerie achèvent de rendre cohérente la proposition visuelle.
Les énigmes croisées sont toutes inventives et ne vous bloqueront jamais plus d’une vingtaine de minute. Changing Tides dispose de cette formidable faculté à rendre les choses limpides et intuitives sans jamais rien afficher d’autre que ses décors et ses boutons bleus activables. S’instaure alors un rythme de croisière aussi plaisant qu’exaltant, où énigmes, calme introspectif, situations critiques et moment d’émerveillement s’entremêlent de manière fluide, et dont le game design transpire l’intelligence et la simplicité. Les quelques errances d’un personnage parfois un brin flottant (vous pesterez notamment contre certaines échelles) ne suffisent pas à briser la merveilleuse routine d’un titre qui ne vous prend pas pour un imbécile, et vous laisse seul maitre à bord. Et ça, c’est bien trop rare.
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