Le deuil est un passage de la vie inévitable, dur et qui forge assurément nos personnalités. Encore plus dur à représenter quand il s’agit de l’appliquer dans une œuvre, qu’elle soit cinématographique ou encore vidéoludique. C’est ce qu’a tenté de faire Kyle Banks, un développeur indépendant basé à Edimburgh après qu’il ait déménagé de Toronto à l’époque du COVID, avec son premier jeu commercial, Farewell North, édité par Mooneye Studios. Le jeu est sorti le 16 août dernier sur PC via Steam, Nintendo Switch et Xbox Series X/S au prix de 23,99€ et nous avons pu le terminer, quitte à y laisser quelques plumes.
Conditions de test : Nous nous sommes baladé dans l’archipel des îles écossaises de Farewell North durant environ 7h, le temps de faire le tour complet de l’histoire, mais aussi de ce qu’il fallait voir et récupérer, le tout à la manette sur PC via Steam.
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Farewell North, c’est l’histoire d’une jeune femme écossaise et de son chien, ou plutôt du chien de sa mère, disparue depuis peu. Chesley, de son nom, est un border collie aimant et très démonstratif comme vous pourrez le voir pour avancer dans l’histoire. C’est même lui le personnage principal de l’histoire, puisque vous le contrôlerez environ les trois-quarts du temps de jeu. Sa maitresse, en plein processus de deuil, va alors vouloir parcourir un cheminement très spirituel et important pour elle et sa mère parmi les lieux que fréquentait cette dernière de son vivant, jusqu’à rejoindre sa sépulture au coeur des îles inspirées des Highlands écossais et des célèbres îles des Orcades et de Saint-Kilda.
Disposant d’un rythme un peu different de la plupart des productions, et a fortiori indépendantes, Farewell North ne cherche pas la surenchère du gameplay exotique, des retournements de situations ou des tirades à rallonge. Non, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un jeu sur le deuil, les étapes pour l’accepter tel qu’il est, aux travers ici de paysages tous plus enchanteurs les uns que les autres, sans autre tirade interminable ou cinématique superflue.
Farewell North est un peu bavard cependant, mais il sait surtout placer les instants de silence là où le faut, pour laisser les joueurs et joueuses percevoir les émotions décrites et perçues par Cailey mais aussi par Chesley, laissant aussi les joueurs et joueuses faire leur propre interprétation des événements, des souvenirs et des sujets abordés ; des thèmes abordant donc la perte d’un être cher, de sa mémoire et des souvenirs, mais aussi la rédemption d’actes passés au coeur d’un récit assez bouleversant et très introspectif qui ne pourra plaire à tout le monde.
La structure de Farewell North sera finalement la suivante : au coeur d’un archipel composé d’une quinzaine d’îles, vous accosterez avec votre canoë sur chacune d’entre elle pour y accomplir soit votre quête principale (identifiée par un halo jaune quand vous naviguez), ou une quête annexe (identifiée par un halo bleue). Cinq chapitres vous attendent sur autant de grosses îles, tandis qu’une douzaine d’îles annexes prolongeront l’aventure avec des énigmes, de la recherche d’animaux perdus, mais aussi de zones à découvrir pour compléter des succès.
Un semi-monde ouvert au poil… mais un peu redondant
D’une durée d’environ 5h en ligne droite (comptez environ 2 à 3h de plus pour tout trouver et tout faire), Farewell North ne laisse pas vraiment le temps à l’ennui, mais tout juste, car l’on aurait bien aimé quelques séquences qui différaient de temps à autre pour renouveler l’expérience. En tant que bon border collie, vous « troupoterez » quelques animaux, vous suivrez des traces de pattes, vous irez chercher un bâton pour jouer etc., mais finalement peu d’énigmes viendront border votre chemin.
Farewell North disposera de plusieurs îles à visiter, séparées par de larges étendues d’eau. Disposant toutes d’une colorisation grisâtre, vous allez devoir leur redonner leurs couleurs originelles en accomplissant différentes actions. Pour cela, Chesley dispose d’un « pouvoir » activable autant que vous le voulez, qui donne des couleurs dans un environnement proche. A vous de repérer les fleurs pouvant redonner vie à l’environnement pour faire pousser des plantes qui, une fois cueillies, permettent pendant quelques secondes de redonner des couleurs aux paysages que vous traversez.
Les jeux jouant sur la couleur sont décidément plutôt mis en avant cette année, comme en témoignent le récent Eté ou le prochain remake d’Epic Mickey dans un registre sensiblement différent. Farewell North, lui, dispose d’une patte artistique assez simpliste, qui prend toute son ampleur lorsqu’on l’éveille, même si dans l’ensemble, cela semble un peu tristoune jusqu’à la bouffée d’air frais de la libération d’une zone.
Une façon de symboliser un espoir perdu quand tout s’effondre, et une manière de rappeler une nouvelle fois, la bienveillance de nos animaux de compagnie, qui vivent autant ces moments durs de la vie que nous autres, humains. Nous l’avons dit, Farewell North n’a rien de « joyeux », est même mélancolique, tout comme le fut l’excellentissime jeu français The Wreck l’an passé sur des thèmes proches et à la fois si différents.
J’ai une poussière dans l’œil
Cependant, même si les thèmes abordés le sont de manière très juste, la faible durée de vie et le peu d’îles à visiter renforcent le sentiment minimaliste de l’œuvre qui aurait mérité d’être un peu moins redondante dans sa boucle de gameplay, d’autant plus que les décors la plupart du temps assez ternes nuisent un tant soit peu à la lecture de l’environnement. Un environnement qui ne cherche qu’à être exploré, à votre rythme, sans aucune pression de temps ou de game over, quitte à trouver des petits secrets bien cachés, tout comme certaines énigmes, nécessitant une bonne observation, dans le bon sens, pour affronter la perspective et libérer des passages.
Car en plus des 12 bancs de pierre, des 5 phares, des 30 feux follets et des 8 notes de musique concluant en la réminiscence d’une mélodie chantée par la mère de Cailey quand elle était enfant, vous trouverez ci et là plusieurs passages un peu dérobés menant à de magnifiques panoramas ou des succès cachés. Rassurez-vous, une fois l’aventure terminée, vous aurez le loisir de revisiter les lieux grâce à une exploration libre, qui d’ailleurs dénote dans sa cohésion par rapport à la scène finale que nous ne vous dévoilerons pas.
Nous l’avons dit, les environnements sont assez ternes la plupart du temps sur les îles visitées, nos personnages étant représentés en blanc. Mais quand tout s’éclaire, les paysages dessinés à la main par ce seul développeur sont d’une beauté infaillible et méritent le respect, tout comme les effets de lumière et la bande-son accompagnant tout ce joyeux monde (et composée par John Konsolakis), même si on peut déplorer le manque de recherche d’un sound design copieux pour les interactions globales.
Côté maniabilité, il nous faut avouer ne pas avoir du tout été convaincus par celle du canoë dirigé par Cailey, nécessitant l’utilisation des gâchettes de notre manette, auxquelles on préfèrera le mode « simple » disponible dans les menus et demandant uniquement l’utilisation du joystick pour avancer, permettant de mieux profiter des environnements. Nous n’avons enfin pas rencontré de problème particulier, hormis quelques bugs de collision dans des endroits exigües, encore une preuve d’une œuvre de bonne facture par ce développeur solo.
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