En voulant se payer une caution indé avec son label EA Original, Electronics Arts avait donné vie à un Unravel rafraîchissant mais pas sans défauts, et certainement pas aussi touchant qu’attendu. Vient alors le tour de Fe, développé par les équipes de Zoink et annoncé depuis maintenant deux ans. Si le jeu s’est fait attendre, c’est certainement grâce à sa direction artistique tape à l’œil et son mignon petit personnage qui en a fait fondre plus d’un. Avec des inspirations croisées, allant de Journey à Shadow of the Colossus selon l’aveu même des développeurs, Fe semble davantage s’apparenter à un Ori and the Blind Forest en 3D soutenu par une esthétique low-poly pleine de couleurs. Voyons ensemble si ce nouvel essai d’Electronic Arts parvient cette fois-ci à toucher notre corde sensible de la même manière que les illustres modèles de Fe, ou si le titre ne fait figure que d’ersatz dénuée d’émotions.
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ToggleChanteur en herbe
Dans un univers aussi intriguant qu’envoûtant, Fe nous embarque dans l’aventure d’une petite créature tout à fait adorable, parcourant la forêt qui l’entoure pour la délivrer du mal qui la ronge. Les animaux qui vivaient en harmonie se voient être peu à peu capturés et emprisonnés par les Silencieux, des êtres étranges à l’allure de robots, qui ne sont clairement pas là pour chanter sous les arbres. Afin de les délivrer, notre petite mascotte va justement devoir user de ses cordes vocales pour entrer en communion avec la nature et la libérer du joug des Silencieux, tout en essayant de découvrir les origines de ces ravisseurs. En parcourant le monde, vous trouverez diverses fresques peignant l’histoire de Fe, qui restera malheureusement beaucoup trop cryptique pour essayer d’en dégager un propos.
Vous l’aurez compris, votre seule et unique vraie capacité sera votre voix et les différents chants que pourra émettre votre animal. Fe s’articule comme un jeu de plateforme en 3D classique, dans la mesure où il vous faudra récupérer les six chants disponibles afin de pouvoir se frayer un chemin dans le monde qui nous est offert. A l’aide de ces sons, vous serez en mesure de communiquer avec les plantes pour débloquer de nouveaux chemins, mais aussi avec les animaux afin qu’ils vous accompagnent. On pensera notamment aux oiseaux, qui vous feront voyager d’un point à un autre ou bien encore les cerfs que l’on pourra chevaucher histoire de gagner un peu de vitesse. On note également la présence d’un oiseau qui restera à vos côtés durant toute l’aventure, et que vous pourrez appeler à n’importe quel moment en chantant le plus fort possible. Il vous guidera alors vers votre prochain objectif, afin de vous éviter d’errer sans but dans la forêt.
Communiquer avec l’environnement et les animaux permet de créer un bel instant de symbiose.
Cependant, ces animaux restent craintifs et les amadouer ne se fera pas en s’égosillant la gorge. Il vous faudra ne pas les brusquer ou les effrayer, et trouver la bonne fréquence de chant afin qu’ils acceptent de communiquer avec vous. Cela s’effectuera selon la pression que vous emploierez sur la gâchette, qu’il faut bien doser afin de ne pas brusquer les animaux. Nous avons testé le titre sur PlayStation 4, mais notez que la version Switch jouit des capacités des Joy-Con avec les vibrations HD, qui se déclencheront pendant que vous chanterez.
On sent ici clairement l’inspiration de Journey, où il fallait émettre des sons afin de communiquer avec les autres joueurs, sans jamais vraiment pouvoir leur parler. Cela offre de beaux instants de communion, surtout avec les chants de notre petit héros, tous aussi charmants les uns que les autres. Au nombre de six, ils diffèrent dans leurs intonations et ne sont utiles que selon votre interlocuteur et selon certaines situations. Vous pourrez donc gazouiller tel un oiseau pour attirer les bêtes à plumes, réer comme un cerf ou hurler comme un petit loup, donnant lieu à des symphonies agréables, qui évitent de justesse l’aspect cacophonique que le titre aurait pu avoir sur la longueur.
La symphonie de la forêt
Heureusement, puisqu’il aurait été dommage de ternir l’ambiance sonore du titre, qui est certainement son plus grand atout. En plus d’avoir un sound-design qui aide vraiment à l’immersion, Fe regorge également de compositions musicales enivrantes et planantes. Plutôt discrètes d’un premier abord, elles se révèlent au fur et à mesure du jeu pour gagner en impact. On parviendra sans mal à prendre du plaisir en parcourant les différents décors du titre accompagné de cette ambiance sonore délicieuse, qui en fera frémir plus d’un. Chargés en violon et très largement inspirés par les compositions de Journey ou bien d’Unravel, les morceaux du soft parviennent à nous rester en tête, malgré le fait qu’elle ne se détache pas clairement de leurs modèles. On reste en terrain connu ici, mais cela n’empêchera personne d’en prendre plein les oreilles, à condition de ne pas avoir déjà fait le tour de ce genre d’OST.
Cela nous amène à un autre aspect du jeu qui pourrait diviser, malgré sa relative réussite. Si la direction artistique fonctionne bel et bien, on ne peut pas crier au renouveau non plus. L’univers de Fe est certes absolument charmant et la palette de couleur utilisée rend parfaitement bien à l’écran, mais le style low-poly n’est pas des plus originaux dans les temps qui courent. C’est une question de subjectivité, puisque la plupart d’entre nous auront été séduits par l’onirisme qui se dégage du titre, mais là encore, on ne peut pas s’empêcher de se demander si l’on n’a pas déjà vu cela quelque part. En complément, on regrette également une technique pas toujours optimisée, qui nous fait voir occasionnellement quelques saccades assez vilaines. Le jeu reste fluide la plupart du temps, mais passer d’une zone de la forêt à une autre fera un peu trembler le framerate.
Bien que bourrée de qualité, la direction artistique du titre n’affole pas par son originalité, et les renvois à d’autres jeux peuvent ternir la construction d’une identité propre.
Il faut juste préciser que Fe nous propose un monde semi-ouvert, qui le devient complètement après la récolte des différents chants. C’est regrettable qu’il faille attendre la fin du jeu pour pouvoir l’explorer librement, puisque l’aventure reste quant à elle plutôt linéaire. On se retrouve rapidement à faire la même chose durant les trois courtes heures nécessaires pour terminer le titre, à savoir trouver les cages où sont emprisonnés les animaux et trouver la plante qui permettra de les libérer. Ce schéma constitue globalement toute l’aventure, mais vous aurez toute même la possibilité de vous écarter du droit chemin pour aller collecter les cristaux disséminés un peu partout dans le monde. Une fois récoltés, ils vous offriront l’accès à de nouvelles capacités bien utiles comme grimper aux arbres ou bien planer. Cela étant dit, en dehors des deux capacités citées à l’instant, aucune d’entre elles n’est indispensable pour compléter l’aventure. Elles ne servent qu’à faciliter l’exploration et ne sont pas liées à votre progression dans la quête principale. On aurait aimé qu’elles le soient, puisque partir à la recherche des cristaux après la fin du jeu ne relèvera pas d’un grand intérêt.
Imbroglio dans la partition
Elles auraient cependant été grandement bénéfiques si elles avaient été mieux implémentées dans l’aventure, puisque l’aspect plateforme n’est clairement pas des plus réussis. En dehors de sauts assez imprécis et de collisions pas toujours évidentes, le soft ne comporte pas de phases véritablement excitantes, si l’on excepte peut-être la fin du jeu et l’ascension d’un géant. Tout n’est pas à jeter cependant, puisque parcourir la forêt en sautant d’arbres en arbres reste particulièrement grisant, et les vols planés que l’on peut effectuer nous offrent bien souvent de jolis paysages à admirer, pardonnant alors quelque peu un level-design sans grande originalité.
Ce constat est à l’image des instants d’infiltration, qui peineront eux aussi à convaincre tant l’IA des Silencieux est étrange. Si vous vous retrouvez par mégarde dans leur collimateur, il suffira de courir dans un buisson pour qu’ils vous lâchent la grappe, ce qui est assez absurde. Cela dit, il faudra quand même courir très vite, puisqu’il leur faut par moment moins d’une seconde pour vous attraper. Finalement, l’équilibre n’arrive jamais à être trouvé, rendant ces phases mal optimisées. Il y avait pourtant de l’idée, puisque durant ce jeu de cache-cache, l’utilisation du chant devient très dangereuse. Cela permet d’ajouter un peu de sel à l’ensemble, ce qui vient surtout du fait que l’on ne peut pas appeler notre oiseau guide pour nous indiquer le chemin à suivre.
Les Silencieux sont soient trop rapides, soit trop stupides pour vous détecter, ce qui n’ajoute pas beaucoup d’intérêt à ces phases.
Tous ces défauts parviennent-ils à empêcher le plaisir de jouer ? Là encore, tout dépend de ce que l’on est venu chercher avec Fe. Difficile de vraiment le comparer à Ori and the Blind Forest, tant il ne survivrait pas à la comparaison à cause d’un aspect plateforme trop timide. Il aura également du mal à se tenir aux côtés de titre comme Journey, car le frisson qu’il essaye de nous faire ressentir n’arrive jamais à terme et ce malgré tous les efforts déployés. La meilleure façon de l’apprécier serait de ne pas avoir déjà fait l’expérience de ces deux modèles, ou tout du moins d’en faire fi, puisque le titre à tout de même de belles choses à proposer, imparfaites, mais qui sauront faire mouche chez les joueurs venus chercher un peu de rêve et de tranquillité.
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