En bouleversant les codes du J-RPG il y a près de 23 ans, Final Fantasy VII s’était imposé d’emblée comme un monument d’un médium finalement encore tout jeune, tout en laissant des souvenirs impérissables à ceux qui s’y étaient essayés et qui avaient été bouleversés par l’aventure de Cloud et des autres. Il n’a fallu que quelques années et l’avènement de nouvelles technologiques pour que ne germe l’envie d’un remake, qui rendrait encore plus honneur à cette expérience. Un défi pourtant considéré comme impossible il y a quelques temps, mais qui faisait encore rêver les fans, preuve de l’intemporalité de cet épisode.
Mais Square Enix n’a jamais abandonné l’idée, certainement conscient qu’il s’agissait là d’une poule aux œufs d’or presque assurée. Cinq ans après son annonce – ce qui est finalement dérisoire en comparaison avec le nombre d’années où ce remake n’était qu’un objet de fantasme, Final Fantasy VII Remake se concrétise enfin avec tous les espoirs qui l’entourent, tout en étant une épée de Damoclès si lourde que même Cloud aurait du mal à la porter, à l’image des controverses nées autour de son découpage scénaristique.
Et pourtant. Bien loin d’une simple resucée de cette épopée mythique, ce remake s’avère être une véritable réinvention du jeu qui en fera larmoyer de nostalgie plus d’un, tandis que les nouveaux venus sont accueillis dans cet univers par la grande porte.
Conditions de test : Nous avons terminé l’aventure principale en environ 35 heures, en effectuant quelques quêtes annexes au passage. Le jeu a été testé sur une PlayStation 4 standard.
Sommaire
ToggleUne réécriture soignée de l’histoire
Avant tout, il est essentiel de rappeler les faits : Final Fantasy VII Remake ne couvre qu’une partie de l’histoire originale, à savoir toute l’aventure se déroulant entre les murs de la mélancolique, sombre et majestueuse ville de Midgar.
Plus qu’un choix, ce format semble avant tout montrer le défi aussi bien économique que technologique que représente ce remake. Il n’empêche que malgré l’avertissement médiatique que l’éditeur a pu faire depuis l’E3 dernier, la confusion autour du titre peut lui porter préjudice, et un simple sous-titre aurait pu permettre aux moins avertis de faire plus attention. Certains pourront alors bouder leur plaisir ou affirmer que l’appât du gain était plus fort que celui de l’envie de bien faire, mais Yoshinori Kitase et son équipe n’ont pas lésiné pour leur démontrer qu’ils avaient tort.
Final Fantasy VII Remake débute bel et bien de la même manière que que son aîné et suit le squelette de son scénario avec une grande fidélité dans la majorité de l’aventure, mais il a tout de même plus de choses à nous raconter.
On y suit bien le combat de Cloud et des éco-terroristes du groupe Avalanche contre la compagnie Shinra, une société ayant la main-mise militaire et énergétique sur toute la mégalopole de Midgar. Un affrontement épique sous fond de propos sociaux, de lutte des classes, et teinté de propos écologistes, qui frappaient déjà les consciences en 1997 et qui sont d’autant plus actuels aujourd’hui. Mais c’est dans les petits détails que ce remake parvient à sublimer un récit que l’on pensait déjà tous connaître.
Des personnages plus intéressants
Cela passe essentiellement dans le soin accordé au développement des personnages principaux, plus humains et plus nuancés qu’auparavant. Cloud en est le meilleur exemple, bien loin de celui dépeint dans le jeu original et même dans Advent Children. Sous ses airs stoïques et assurés, il est souvent un peu gauche et plus attachant qu’il ne l’était auparavant. Même Barret – qui ne cesse de hurler – a droit à de jolies scènes, tout comme Tifa qui gagne en profondeur et dont la relation complexe avec Cloud est mieux représentée ici.
Le casting vocal y est pour beaucoup là-dedans, avec une VO impeccable et une VA très soignée. La VF s’en sort tout de même avec les honneurs malgré quelques errances et le fait qu’elle ne soit pas aussi réussie que celle d’un Final Fantasy XV, qui avait placé la barre très haut. Quoi qu’il en soit et peu importe la version choisie, on se délecte des interactions entre les personnages, qui n’hésitent pas à parler fréquemment même en plein combat (sans que cela soit agaçant), pour se soutenir ou s’envoyer quelques piques.
Mais histoire d’être plus consistant, Final Fantasy VII Remake offre enfin du crédit aux membres d’Avalanche, qui deviennent ici des vrais personnages à part entière, plutôt que d’être de simples PNJ que l’on oublie bien trop vite. On se prendra rapidement d’affection pour chacun d’eux, même le trop lourd (sans mauvais jeu de mots) Wedge, sans doute a contrario des personnages créés pour cet épisode, qui ne sont finalement qu’accessoires et peu marquants. Sans doute la faute à un script qui ne permet pas véritablement d’espace pour intégrer de nouvelles têtes fortes nous direz-vous, mais ce remake n’hésite pourtant pas à verser dans l’inédit, même dans son scénario.
Ainsi, de nombreux éléments d’intrigue dont nous tairons la nature surviennent ici nettement plus rapidement, tout comme des choses complètement inédites (qui font plus que combler les trous scénaristiques), afin de faire en sorte que cet épisode se tienne debout, seul, en dépit des remarques adressées à son découpage. Car même s’il ne couvre que la quête de Midgar, Final Fantasy VII Remake est loin d’être la moitié d’un jeu, et il le prouve en nous livrant un récit dense, haletant, rempli de clins d’œil, qui ne lui fait défaut que rarement lorsque l’écriture de certains dialogues semble poussive, voire datée.
La ville de toutes les joies et de toutes les peines
On lui pardonne bien vite cet écueil tant il nous en met plein les yeux, avec une ville de Midgar plus belle que l’on aurait jamais pu imaginer. Car en plus d’être incroyable à explorer, elle fourmille également d’une vie insoupçonnée, où chaque passant ou enfant semble posséder sa petite ligne de dialogue. L’ambiance n’en n’est que plus renforcée, et on prend un malin plaisir à arpenter les rues de la cité afin d’y découvrir comment y vivent les habitants.
Une ville riche à bien des égards, qui souffre parfois d’un manque de soin dans certaines textures grossières qui jurent un peu dans l’environnement, mais qui n’empêchent cependant pas d’admirer le paysage, même depuis les bidonvilles de la cité.
Les personnages sont quant à eux plus soignés, du moins du côté des protagonistes plutôt que des simples manants. On se délecte du soin accordé aux détails de nos héros, spécialement sur leur visage où l’on peut admirer le moindre grain de peau et constater à quel point la modélisation a été réussie.
Les voir en mouvement est d’autant plus agréable lorsque l’action s’emballe et que le titre dévoile sa vraie science de la mise en scène. Spectaculaire à tous les instants, elle magnifie surtout les combats de boss (découpés en plusieurs phases) en offrant des scènes qui deviendront à nouveau cultes, et des combats dont on aura du mal à se remettre, les mains encore tremblantes sur la manette et l’esprit obnubilé par les musiques qui ont rythmé ces joutes.
Une bande-son mémorable
Le travail de réinvention ne s’est en effet pas arrêté à des remises à niveau graphiques ou des arrangements scénaristiques, puisque la bande-son imaginée par Nobuo Uematsu a droit à un véritable hommage ici. La réorchestration des morceaux mythiques du titre fera frémir tous ceux qui ont joué au titre de 1997, et aucune vraie fausse note n’est à déclarer ici, même dans les pistes inédites qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble.
A bien des égards, la partition que nous offre Final Fantasy VII Remake sublime ce qui l’était déjà auparavant et s’inscrit comme l’une des meilleures bandes-son de ces dernières années. Impossible de rester de marbre lorsque le thème principal du jeu résonne pour la première fois, ou lorsque On Our Way vient à nouveau bercer nos oreilles. Un exploit qui n’était pas forcément simple à accomplir, tant les thèmes originaux trottent encore dans la tête de nombreux joueurs, mais même les plus conservateurs ne pourront que saluer ces reprises.
On les apprécie tout autant grâce à leur diversité et au mixage sonore bien rôdé, qui adapte le rythme des morceaux à ce qui se passe à l’écran. Cette musique évolutive va en effet accélérer son tempo lorsque qu’un combat s’enclenche, plutôt que de couper net et de passer au traditionnel thème des combats. Le résultat est remarquable, et nous fait oublier avec plaisir l’absence de la célèbre fanfare.
Action rime avec réflexion
Si vous ne l’aviez pas encore remarqué, la transition entre l’exploration et les combats et désormais inexistante étant donné que le jeu verse davantage dans le côté A-RPG. Exit le tour par tour, mais on ne le regrettera pas longtemps. Le nouveau de système de combat se révèle être aussi dynamique que profond, avec une emphase claire sur l’action tout en oubliant pas ce qui fait l’essence de Final Fantasy VII.
Ainsi, même si les combats se déroulent en temps réel, avec la possibilité d’esquiver, de frapper ou de parer, le cœur du système se trouve toujours dans la jauge ATB, qui se remplit doucement au fil des coups. Lorsqu’une portion de cette jauge est pleine, il est alors possible d’avoir recours à la magie ou à d’autres capacités qui feront bien plus de dégâts.
On notera également la spécificité de chaque personnage jouable, qui peut effectuer des coups spéciaux – avec la touche triangle – qui seront aussi d’une grande aide. Cloud peut ainsi modifier son style de combat en lançant des attaques plus efficaces, mais qui réduiront ses mouvements, tandis que Aerith peut générer un projectile plus puissant en se concentrant. Jongler avec les différents héros devient alors vite une habitude afin de profiter de la spécificité de chacun d’eux.
Freeze !
Tout cela va très vite une fois que l’on est plongé au cœur de l’action, et même si la présence de raccourcis pourra faciliter la tâche, la pause active (le « Mode Tactique ») devient rapidement essentielle lorsque l’on progresse. Cette dernière fige le temps, vous laissant alors la possibilité de choisir les actions de votre personnage et de vos compagnons. Une fonction d’autant plus utile pour éviter les soucis de caméras dans les endroits les plus exigus. En couplant cela avec la jauge ATB et à la difficulté de certains combats, ce système est finalement bien plus stratégique que l’on aurait pu le croire.
Il est aussi agrémenté d’une fonctionnalité que l’on retrouvait sur Final Fantasy XIII et qui avait fait ses preuve : la barre de Choc. Cette jauge, qui est visible sur tous les ennemis, augmentera au fur et à mesure de vos attaques. Elle progressera d’autant plus vite en visant les faiblesses de vos opposants ou en effectuant des coups bien spécifiques, vous permettant alors de les assommer durant un temps et de leur infliger beaucoup plus de dégâts. C’est d’ailleurs durant ce laps très limité qu’il ne faut pas hésiter à user des techniques de Transcendance, qui ne sont autres que les fameuses Limites propres à chaque personnage et qui effectuent leur retour ici.
Les impressionnantes invocations font également un come-back dans ce remake, mais pas sans nouveautés. Elles agissent désormais comme un véritable quatrième coéquipier, dont on peut décider des actions en puisant dans la jauge ATB de chaque personnage. Ne comptez cependant pas sur elles pour les combats contre le menu fretin, puisqu’elles n’interviennent que durant les affrontements contre les boss ou les ennemis spéciaux, histoire de ne pas trop déséquilibrer le rapport de force.
Fana de matérias
Ces invocations sont toujours représentées sous la forme de matérias, un système qui avait largement contribué à la popularité du septième épisode. Il répond à nouveau présent dans ce remake mais de manière plus simplifiée. Ces matérias évoluent au fil du temps et les combinaisons entre elles sont encore possibles, mais moindre que par le passé. Un léger manque de subtilité par rapport au jeu original, même si ce système conserve toujours sa grande malléabilité qui permet aux joueurs de construire les builds de leurs personnages comme ils l’entendent.
Ce que Final Fantasy VII Remake perd en profondeur au niveau des matérias, il le gagne dans l’évolution des armes. En progressant, chaque personnage gagne des points d’action qu’il est libre de dépenser dans l’amélioration de son arsenal.
Le tout ressemble parfois au Cristarium de Final Fantasy XIII, avec plus de liberté. Libre au joueur de décider de quelle façon chaque arme doit être améliorée, en orientant son évolution vers le build choisi (il est possible de ne favoriser que l’utilisation de la magie par exemple, ou d’augmenter les chances de coups critiques). Une touche de personnalisation agréable qui ne fait pas oublier au jeu ses racines de J-RPG.
L’homme à tout faire
Ce qui risque par contre de faire hurler certains fans – amnésiques – est l’aspect dirigiste et linéaire de l’aventure, qui se déroule essentiellement dans de longs couloirs ou des zones à embranchements peu ouvertes. Une sorte de grande fuite en avant, où revenir sur nos pas est impossible avant le endgame. Rappelons tout de même que Midgar était tout autant fermée dans le jeu original, et qu’au contraire, ce remake nous laisse entrevoir un peu plus de liberté, même si le tout est sur des rails dont il est difficile de dévier.
Pour autant, ce remake n’oublie pas de nous servir des petits à-côtés qui brossent les joueurs dans le sens du poil. On pensera au nombreux mini-jeux parsemées ici-et-là, ou encore aux phases spéciales comme celles à moto qui feront vrombir le cœur des fans.
Quelques quêtes annexes sont également présentes, mais celles-ci ne relèvent pas du plus grande intérêt et sont souvent d’une vacuité sans nom. Entre chasser des créatures anecdotique ou chercher des chats, Cloud a parfois de quoi remettre en cause ses choix de carrière de mercenaire. Le jeu fait quand même l’effort de bien nous récompenser en les achevant, avec des séquences inédites qui nous feront mieux avaler la pilule.
C’est le même constat pour les rapports de combats, qui nécessitent d’effectuer certaines actions afin d’obtenir de nouvelles matérias ainsi que des affrontements spéciaux contre les Espers, qui ne sont autres que les invocations qui vous accompagneront ensuite. Tout cela fait gonfler la durée de vie du jeu pour attendre une quarantaine d’heures en accomplissant la plupart des activités à faire, à un rythme de jeu normal, ce qui est loin d’être déraisonnable (surtout lorsque l’on compare cela à la durée de l’aventure principale du Final Fantasy VII original).
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