Entre l’annonce de son nom de code « Project Athia » et sa sortie officielle, Forspoken a davantage dilué l’excitation du public qu’il ne l’a stimulé. Un peu plus de deux ans, autant de reports, une démo peu convaincante et un aperçu dubitatif plus tard, le sort de la nouvelle IP majeure de Square Enix s’entourait d’une inquiétante brume, à l’approche de sa sortie.
À plus forte raison lorsque la promesse fut, entre autres, de livrer un open world d’une qualité visuelle inégalée, et où des artistes chevronnés ont aidé au développement, comme Amy Hennig, Bear McCreary ou encore Garry Schyman. Une ambition portée également par la communication appuyée de PlayStation à l’égard de son exclusivité console temporaire.
Enfin la présence de Luminous Productions au développement ne pouvait que donner envie, tout du moins sur l’aspect visuel, tant on sait le studio fier de son Luminous Engine, à l’œuvre sur Final Fantasy XV et, il est vrai, créateur d’effets lumineux et de particules impressionnants. Production dont on pense ce que l’on veut mais qui, lui aussi en tant qu’open world, aura pu aider à maîtriser l’élaboration de ce format pour Forspoken.
Tout ça avec l’idée d’inclure une jeune new-yorkaise dans un monde fantastique, où liberté et spectacle visuel sont au rendez-vous grâce à la présence de systèmes de combat et de parkour alléchants, pour un résultat « modern fantasy » qui se veut rafraîchissant. Alors qu’est-ce qui peut bien faire que le titre nippon, arrivé sur PS5 et PC le 24 janvier dernier, gâche ce potentiel ?
Conditions de test : Nous avons joué à la version 1.001.000 puis 1.002.000 de Forspoken sur PS5 pendant 70 heures, en mode Normal. L’histoire, les missions annexes ainsi que le post game ont été complétés en ratissant au passage l’intégralité des points d’intérêt de la map. Tout l’équipement a été récupéré, Frey a été montée au niveau max et tous les sorts ont été appris et améliorés. Le test contient des spoils sur les trois premiers chapitres ainsi que sur la structure globale du jeu.
Sommaire
ToggleFrey au Pays du Scénarium
En premier lieu, ce n’est clairement pas son introduction qui aide à se mettre dans le bain. On le sait depuis longtemps, Alfre « Frey » Holland est avant tout une new-yorkaise bien loin de toute contrée fantastique. Jeune adulte au passé et quotidien tumultueux, Frey s’est construite seule, en multipliant les petites combines douteuses autour de fréquentations pas moins véreuses. Et son rêve ? Quitter la Big Apple et entamer un nouveau départ avec sa chatte Homère, loin de ce quotidien précaire.
Ce passage dans le monde réel est étonnamment long alors que l’on a qu’une envie, c’est de faire la connaissance d’Athia et de ses mystères, ainsi que les facultés dont Frey héritera. Mais cela aurait pu être acceptable si l’introduction n’était pas, en plus, mal fichue.
Un tuto un peu bricolé pour nous initier au parkour (alors que nous n’avons aucun pouvoir mais que nous allons passer le jeu entier à en user), des gros warnings pour nous faire comprendre que Frey vaut mieux que ça, qu’elle doit mettre ses talents au service des autres, notamment chez la juge dont elle ressort après avoir dû répondre d’actes illégaux, ou encore une ou deux références à Alice au Pays des Merveilles calées au chausse-pied, on a connu plus subtil.
Le comble est atteint lorsque, la nuit précédant son départ libérateur, Frey est réveillée par l’odeur de l’incendie criminel propagé dans son appartement par une bande de malfrats. Son sac de dollars plein à craquer, près de son lit, semble pouvoir être ramassé histoire d’évacuer en vitesse. Pas maintenant nous dit Frey, car Homère est introuvable et demeure prioritaire (nous sommes entièrement d’accord).
Sauf qu’en allant le chercher dans la cuisine, mince alors, l’accès à la chambre s’embrase. Adieu l’argent, adieu la nouvelle vie, et après deux jours dans la rue, Frey réfugie son chat chez la juge puis, à la suite d’un gros moment de doute, une lumière intrigante guide la jeune femme vers un local abandonné où repose un bracelet magique. À peine l’accessoire enfilé, la voilà, enfin, catapultée au royaume d’Athia.
Athia, ton univers impitoyable
Malheureusement, l’entrée en matière s’étire encore davantage. On fait bien entendu la connaissance du fameux Krav, entité reposant à l’intérieur du bracelet et compagnon pour toute l’aventure à venir, puis on participe à un autre tutoriel, cette fois de combat, pour finalement être arrêtée par méfiance par les soldats de Cipal, la seule cité sur pied de Athia. Une nouvelle fois jugée, cette fois par le Conseil des lieux, Frey est sauvée de sa captivité par Auden, une femme qui croit en elle et au fait qu’elle s’est retrouvée là par mégarde, dans l’incompréhension totale.
C’est alors qu’une séquence d’infiltration, peu inspirée, nous tire hors des hauts quartiers pour trouver refuge dans la ville basse. À l’abri dans la taverne, on apprend que Frey est la seule capable de sauver Athia car elle est insensible à la Brume, un fléau qui a rasé toute vie sur Athia, transformant ainsi les animaux en bêtes corrompues et les humains en zombies.
Ce n’est pas de gaieté de cœur que la new-yorkaise décide de s’y coller, mais elle n’a aucune piste pour rentrer chez elle, son objectif numéro 1, alors soit. Et passé un autre tuto où l’on fait la connaissance de l’open world de Forspoken et des exemples de points d’intérêt que la map nous réserve, on apprend alors que la source de ce fléau est tirée des Tantas. Les Tantas sont les dirigeantes des quatre grandes régions d’Athia. Chacune est détentrice d’un pouvoir particulier, et on comprend assez rapidement qu’il va falloir visiter chacune des régions, approcher et défier la Tanta puis récupérer son pouvoir afin de devenir plus forte et être en mesure de battre la prochaine.
Forspoken : Les premiers tests de la presse sont là et les avis sont mitigés
Et à partir du moment où nous sommes enfin lâchés dans Forspoken, soit à la moitié du chapitre 3, on goûte tout doucement à la recette du jeu qui va nous accompagner des dizaines d’heures : parkour, combat, exploration. Les débuts sont d’ailleurs un peu balbutiants dans tous les compartiments. On apprend à gérer les déplacements de Frey, assez limités au tout départ, ainsi que la magie violette, elle aussi seule arme à notre disposition au début de l’aventure.
Cela donne lieu hélas à des situations où l’on aimerait grimper quelque part mais on remarque une structure qui laisse entendre que l’on ne dispose pas des compétences nécessaires pour atteindre son sommet. De la même manière, les ennemis du jeu, qui répondent à un système de vulnérabilité/résistance aux différents types de magies, ne sont donc pas tous bons à être affrontés, et on passe donc notre chemin dès que l’on voit un mob relativement imposant.
On peut même rencontrer assez tôt des Mutants, des versions élites de certains pans du bestiaire, qu’il est primordial de laisser tranquille avant d’avoir un peu boosté les capacités de Frey. Notre envol se révèle alors un peu entravé par ces freins de game design, mais les premières heures suggèrent quand même de belles possibilités.
Magie, magie, ces idées ont du génie ?
Heureusement au fil du scénario et à mesure que l’on apprend les autres magies, le potentiel va davantage s’exprimer en nous permettant par exemple de grappiner des points d’accroche pour se hisser ou se catapulter, de flotter pour prolonger un saut ou atterrir en douceur, ou encore de franchir de courtes distances rapidement avec des petits bonds. De ce point de vue-là, on prend goût de plus en plus à maîtriser les timings, à optimiser des déplacements et enchaîner.
Des imprécisions sont à noter tout de même, quand par exemple Frey a tendance à prendre appui sur tout et n’importe quoi, alors qu’on aimerait juste aller tout droit. Un fait qui nous oblige donc à laisser tomber cette touche Rond que l’on utilise tant pour filer à toute vitesse, dès l’instant où l’on souhaite par exemple grimper les escaliers d’une tour, ou juste ouvrir un coffre dans un recoin de ruine. On regrettera aussi les moments où le jeu veut nous obliger à utiliser un pouvoir bien précis ou à faire un grand tour pour accéder à un endroit hors de portée, en désactivant le grappin à une certaine hauteur de paroi, alors qu’avec un peu de débrouille on serait parvenu à y arriver sans le chemin « obligatoire ». Compréhensible mais dommage.
Du côté des sorts, le bilan s’avère aussi mitigé. Ils bénéficient clairement d’un soin au niveau de leurs animations, proposant une belle variété visuelle parmi les sorts disponibles. Leurs effets ne se marchent pas non plus trop sur les pieds et on sent bien qu’il y a sur le papier une volonté pour chacune d’arborer un style propre. La magie violette, ou tellurique, que l’on pratique de base, est plutôt polyvalente, celle du feu se voudra résolument offensive en usant du corps-à-corps, tandis que l’électrique se révèle efficace pour concentrer des dégâts sur un ennemi, ou à l’inverse lancer une attaque de zone redoutable autour de nous.
Et nous ne parlons ici que des attaques « basiques ». À cela s’ajoutent les magies de soutien, bien plus nombreuses, qui garnissent considérablement la palette de Frey. Tourelle, bouclier, clones, pièges au sol, attaques qui clouent sur places les adversaires où les enferment dans des prisons élémentaires, les sorts secondaires font grimper le nombre de magies à 105, mouvements de parkour compris. Un total qui impressionne, parfois trahi par un souci de lisibilité dès lors que plusieurs sorts sont actifs en même temps, où que l’on lance les magies d’afflux, attaques ultimes et spectaculaires de Frey.
Avoir autant de coups disponibles cache aussi un problème de confort. Nous l’avons évoqué, les ennemis sont vulnérables à des éléments et résistent à d’autres. En possession des quatre magies du jeu, il n’est donc pas rare de switcher selon la menace afin d’être le ou la plus efficace possible. Et la manière dont les roues de magies s’affichent et se parcourent à l’écran donne souvent lieu à de la confusion. Une touche pour les sorts d’attaques, une autre pour ceux de soutien, les deux en même temps pour changer d’élément, et jongler entre tout cela est loin d’être évident. Le petit moment de slow motion aide à ne pas se faire submerger, sauf qu’on y perd en dynamisme.
Il faut beaucoup de pratique pour se rappeler précisément où sont les sorts mais même en connaissant par cœur ces emplacements, il n’existe aucun moyen de savoir par exemple si telle magie a eu le temps d’aller au bout de son cooldown afin d’être réutilisée. Ainsi, nous sommes toujours plus ou moins obligés de couper régulièrement l’action pour le vérifier. En définitive, on apprécie l’apprentissage grandissant des sorts aussi graduellement que la confusion ne s’ajoute à leur usage.
Beaucoup de chemin à parkourir
Heureusement, une petite gourmandise donne toutefois envie de tous les essayer au moins une fois : la Sorcellerie. Cette mécanique permet de booster l’effet d’un sort en arrivant au terme d’un défi. Il faut d’abord se rendre auprès d’une des bibliothèques dédiées, puis de choisir jusqu’à trois défis simultanés. Citons Aspiration, qui retire l’altération d’état Poison. Par trois fois, si on l’utilise alors que nous sommes victime d’empoisonnement, le sort conférera à l’avenir, en plus de la guérison, un petit boost de récup de santé sur quelques secondes à chaque utilisation.
Hormis quelques défis pénibles, améliorer à fond tous ces sorts, ou au moins ceux que l’on préfère, constitue une activité assez plaisante pour peu que l’on soit en plus complétionniste, et c’est une pratique qui prend encore plus de sens du côté du parkour. Perfectionner les sorts de déplacement nous change la vie, en permettant à certains mouvements de ne plus consommer d’endurance, voire d’en restaurer une partie ou carrément la totalité. Parkourir à l’infini, voilà une bonne nouvelle qui vient gommer une de nos principales craintes liées à la gestion de l’endurance.
Et ce n’est pas du luxe en considérant l’immensité du monde d’Athia, qui assurément propose des heures et des heures de voltige afin d’explorer entièrement les quatre régions et d’atteindre toutes les zones d’intérêt disséminées un peu partout. Inspecter des monuments à la gloire des Tantas afin d’augmenter ses stats, vider des ruines ou des villages abandonnés de plusieurs vagues de monstres, pour gagner de l’expérience ou de l’équipement, ou encore participer à des défis chronométrés en obtenant des ressources en fonction de notre score, représentent une petite partie de ce que l’on peut faire.
Oui mais voilà, après en avoir fait quelques-uns de chaque type, ce qui peut ressembler à une curiosité devient dans le meilleur des cas un point à nettoyer machinalement, à l’image des open world génériques typiques de ce que le paysage vidéoludique a pu connaître y a 10 ans. Récupérer des chats magiques très bien modélisés est mignon, quoique purement « cosmétique », mais 20 fois ?
Les labyrinthes scellés, seuls vrais donjons à part entière, n’ont de labyrinthe que le nom en ne contenant finalement que des couloirs tout droits composés d’un ou deux chemins optionnels pour y récupérer des ressources, avant de se frotter au boss de fin de zone. Les tours de guildes abritent bien souvent des morceaux d’histoire à retrouver dans le menu Archives, mais le manque d’inventivité pour faire vivre son monde ouvert ne se résout pas à coups de documents. Parmi les rares endroits incontournables, on retiendra surtout les fontaines de mana, qui recèlent des sorts assimilables uniquement à leur source.
La vie, c’est comme les coffres de Forspoken
Le vrai choc survient en ouvrant la map du jeu quand on s’aperçoit du nombre absolument hallucinant de coffres, dans tous les coins. Ces coffres symbolisés par des points violets, demeurent ironiquement peu intéressants pour la plupart d’entre eux. Bien souvent, on y trouve des ressources à utiliser pour crafter et améliorer capes et colliers, entre plantes, minerai et autres cristaux.
Sauf que ces ressources peuvent aussi être lootées sur les ennemis vaincus ou tout simplement dans la nature, pour les plus communes d’entre elles. Le pire arrive au moment où le coffre fraichement ouvert contient une herbe dont nous sommes déjà blindés. Le point restera donc violet sur la carte et, 30 minutes après, en vadrouille sur la map, on aura oublié s’il s’agit d’un coffre à ouvrir, ou bien ouvert mais plein.
Le pompon s’atteint quand on réalise que les points violets concernent aussi bien les coffres normaux que légendaires. Les légendaires sont fermés par un verrou, prenant la forme d’un puzzle, et contient majoritairement des ressources particulières, les pièces anciennes. utiles pour débloquer des cosmétiques ou des objets et améliorations pour Frey. Elles font partie des ressources les plus intéressantes, dans un premier temps, au même titre que les plumes ou les pépites, qui permettent d’augmenter la capacité de stockage de ressources et de potions de soin. Or, ces plumes et pépites s’obtiennent elles dans des coffres « normaux ».
Bref, tout est mélangé dans cette immense varicelle de loot. Pour vous dire, nous avons ouvert pas moins de 1106 coffres et il en reste encore tout un paquet à piller. Dans la même famille, on pourrait y glisser les effusions de mana. Le mana sert à acquérir des sorts et s’obtient déjà en montant de niveau ou en réussissant des défis, mais cette énergie s’obtient également à l’unité en marchant sur ces effusions. Littéralement les « patounes » de Forspoken, elles infestent les lieux. et il est quasi impossible de ne pas en croiser une toutes les deux minutes, quand elles ne sont pas par paquet ou ne forment pas un chemin à suivre.
Dans le but de donner une idée de l’absurdité de la quantité disponible, débloquer toutes les magies d’un type coûte, à la louche, 800 mana de moyenne. Quatre types nécessitent donc un total de 3200 points de mana pour tout obtenir. En ayant acquis l’intégralité des sorts, en faisant tout ce que le jeu a à proposer et en ramassant un nombre important d’effusions, nous avions 3500 mana de rab, et Dieu sait qu’il en reste encore une grande quantité sur la map.
De cape et DPS
Cette profusion touche également, comme nous l’avons rapidement évoqué, les ressources nécessaires à l’amélioration de l’équipement de Frey. Car les capes, tout comme les colliers, peuvent se renforcer de différentes manières dans l’un des nombreux refuges d’Athia. Au début, on ne peut toucher qu’à la santé ou à la magie violette de Frey, et en fonction de l’avancée du jeu et des sorts de fabrication débloqués, toutes les caractéristiques sont en mesure d’être upgradées.
En ramassant régulièrement un peu de tout, on arrive vite à se construire une base solide pour toute l’aventure, sans compter les gaps volontairement bloqués dont le passage s’effectue par l’acquisition d’une nouvelle magie. Le problème, c’est que le jeu contient au total une quarantaine de capes et colliers, et qu’en monter à fond deux ou trois représente déjà un joli coût en ressource. Mais pas de panique, puisque toutes ces pièces d’équipement partagent les mêmes effets. Que vous montiez votre cape de base où celle récupérée au fin fond de l’open world après un labyrinthe scellé âpre, vous disposez du même plafond de stats atteignable.
De la même manière, les effets que l’on peut greffer à une cape ou un collier, comme « Défense + 5% » ou « Les attaques au corps-à-corps infligent des dégâts supplémentaires » s’appliquent sur n’importe laquelle de nos pièces d’équipement, et s’interchangent à l’infini, pour peu que l’on dispose des matériaux nécessaires. Certes, l’acquisition d’une nouvelle cape ou collier donne la possibilité d’ajouter un effet inédit à n’importe quel autre vêtement, mais in fine, l’utilisation de telle ou telle apparence constitue un choix davantage cosmétique que stratégique.
Reste la possibilité de se créer différents builds mais, soyons honnêtes, en mode Normal, dès lors que nos stats tendent vers le maximum, qu’importent les effets supplémentaires installés, on se balade sans trop de difficultés face à la grande majorité des ennemis, sans compter le nombre de ressources nécessaires pour se constituer trois, quatre sets d’équipements améliorés à fond.
Surtout qu’à côté de notre attirail vestimentaire, Forspoken héberge une étonnante mécanique de vernis. Là encore, contre des matériaux, Frey peut se décorer les ongles et obtenir des bonus à la fois pour la main droite et pour la main gauche. Simple prolongement des capes et colliers mais une feature sympathique qui offre l’opportunité de devenir encore plus puissant (s’il le fallait) tout en affichant son style parmi les 30 sets d’ongles disponibles.
Définitivement, le titre de Square Enix en propose bien plus que nécessaire. Déjà que ce genre de composante light-RPG n’est pas toujours en odeur de sainteté en raison d’un usage régulièrement inadapté ou maladroit, en témoigne le récent Gotham Knights par exemple, Forspoken n’en sera certainement pas un bon ambassadeur non plus, avec cette uniformisation à outrance de sa mécanique globale d’amélioration d’équipement.
L’appel du vide
En traversant ces différentes couches de Forspoken, une question s’impose : les développeurs ont-ils eu peur à ce point que les joueuses et joueurs peinent ou se retrouvent bloqués dans leur progression ? Pourquoi proposer autant d’équipement à gagner ou aller chercher si tout peut se situer statistiquement au même niveau ? Pouvoir apprendre entièrement l’arbre de compétence d’une nouvelle magie deux minutes après son acquisition, grâce à du mana stocké à la pelle, n’est pas ce qu’on appelle un rythme de progression léché. Et s’il n’est pas nécessaire de tout ramasser, pourquoi nous le permettre ? Il paraît évident que placer des éléments constamment à quelques mètres de Frey attire notre attention. Une telle disposition des collectables rythme forcément notre manière d’avancer dans l’open world.
Un choix contre-productif au possible, puisqu’au lieu de foncer à toute vitesse la plupart du temps, on s’arrête finalement à droite et à gauche toutes les 30 secondes, pour des choses dont nous n’avons plus besoin au bout de quelques dizaines d’heures de jeu. Et si on fait abstraction de ces éléments dispensables dressés sur notre route pour nous donner un sentiment de monde rempli, et bien fatalement, on le trouve bien vide. Même traitement pour les ennemis, que l’on peut finir aussi par ignorer dès qu’on réalise que l’exp de Frey est inutile une fois tous les sorts appris et améliorés, à moins d’avoir besoin de ressources de craft spécifiques. À tellement avoir peur que le joueur s’ennuie, c’est justement ce qui finit par arriver.
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L’open world de Forspoken et son fonctionnement ne se résument donc qu’à un gros coussin joliment orné mais rempli d’air. Un tel format n’établit qu’un prétexte à l’exploitation d’un système de parkour, lequel finit desservi dans son exécution par ce même open world dont l’exploration ne s’articule que par une map décorée comme un sapin de Noël. Un anti-Elden Ring/Breath of The Wild et un bon gros high kick dans la tête qui nous ramène plusieurs années en arrière.
Mais que voulez-vous, ce type de monde ouvert, frappé d’un simplisme déconcertant dans sa conception, détient ce quelque chose d’absorbant, où certains ne supportent pas de laisser de côté un marqueur visible ou un lieu non visité, tandis que l’horloge défile à grande vitesse. Et qu’on se le dise, les ratisseurs de carte les plus confirmés, qui n’ont pas eu peur de nettoyer un The Witcher 3, un Far Cry 4 ou un Assassin’s Creed Odyssey se présenteront devant le boss final du remplissage.
Puis il faut dire que nos escapades s’accompagnent continuellement de musiques tout à fait correctes, et que les décors, bien que vides, sont globalement réussis avec une identité bien marquée entre les régions, donnant parfois lieu à de superbes panoramas. Et ce en dépit d’une qualité visuelle pas aussi incroyable qu’espéré, en s’éloignant de la claque des premiers trailers malgré, rappelons-le, de belles animations de sort. On distingue du clipping de textures durant les séquences de parkour, la crédibilité des animations faciales s’avère un peu inégale et le HDR fait l’objet d’une gestion approximative. Ne parlons pas des diverses config PC, qui ont dû composer au lancement avec les problèmes d’optimisation du jeu.
Néanmoins, Forspoken peut s’appuyer sur un mode Performances relativement solide, même si des ralentissements sévères arrivent dans les rares cas où des foules massives d’ennemis se mêlent à des sorts chargés visuellement. Hormis cela, le jeu mérite d’être parcouru via ce mode graphique, ne serait-ce que pour la fluidité des déplacements de Frey. Et la quasi-instantanéité des chargements fait beaucoup de bien au rythme de jeu et s’inscrit dans cette faculté à continuellement prolonger notre session, malgré les nombreuses embûches.
Enjoy the silence
Si ces obstacles affectent quasiment tous les compartiments du jeu, la narration aurait pu relever le niveau. Cependant, elle ne passe pas à travers les mailles, en témoigne avant toute chose le traitement de Frey, qui aura bien du mal à s’assoir à la table des Jesse Faden, Amicia ou Aloy. Elle atteint des sommets d’antipathie comme rarement vu pour un personnage principal de jeu vidéo. On perçoit bien où le studio a voulu nous emmener avec son développement de personnage, sauf qu’à aucun moment on a l’envie de se mettre à sa place ou de s’attacher à elle. Bien au contraire, en dehors de quelques moments-clés de l’intrigue et d’une fin alternative involontairement hilarante, Frey fait preuve d’un comportement exagérément détestable, que les vaines tentatives d’humour ne parviennent au mieux qu’à faire écho à la qualité affichée dans les productions du Marvel Cinematic Universe.
Les Tantas, dont la prestance est indéniable grâce à un design recherché et réussi, n’occupent l’écran que trop peu de temps. Seule Sila arrive réellement à instaurer un climat de méfiance, en montrant notamment à Cipal un aperçu de sa puissance et de la crainte qu’elle inspire auprès du peuple athien. D’ailleurs, Cipal aurait justement pu être mieux mise en valeur, passé les quatre premiers chapitres. Au lieu de ça, elle reste le théâtre de quelques Détours, des quêtes annexes oubliables dont les plus fréquentes consistent à suivre un chat jusqu’à un collectible.
Les autres petites scénettes ou dialogues dans la ville, censées amener un petit peu de vie, s’avèrent mollassonnes et abusent de fondus au noir. Mentionnons tout de même le mini-jeu de danse qui, obligatoire dans un premier temps, devient lui aussi une quête annexe, pas plus marquante pour autant, bien qu’il ait le mérite que son existence nous surprenne. Restent Auden et Johedy, deux personnages secondaires plutôt réussis, même si le doublage français ne leur rend pas vraiment honneur.
Souvent en manque de justesse, les dialogues en VF finissent même par être insupportables entre Frey et Krav, son bras droit. Plusieurs semaines avant la sortie officielle du titre de Luminous Productions, nous avions déjà eu des aperçus de la relation entre les deux acolytes. Et les craintes s’avèrent justifiées, à notre grand désespoir. Au bout de trois ou quatre heures dans le monde ouvert, on n’en peut déjà plus d’entendre pour la énième fois les mêmes répliques. Pas d’autre choix que de réduire le duo au silence en mettant la fréquence de dialogues sur Minimale, où l’on assiste qu’aux dialogues principaux ou à des réactions au sujet des points d’intérêt. Question de survie.
L’occasion pour nous d’aborder l’accessibilité. Outre les paramètres classiques de lisibilité, on dispose également de modulateurs de gameplay. Switcher les sorts automatiquement, étendre la durée au sol des ennemis étourdis, réduire le délai de récupération des magies de soutien ou encore modifier la gravité des dégâts reçus, l’assouplissement de l’expérience nous enlève une belle épine du pied. La palme revient au ramassage automatique des objets, véritable game changer. Maintenant, l’existence de certaines de ces fonctionnalités sous-entend quand même une conscience en interne de soucis rédhibitoires à la longue, mais nous ne ferons pas la fine bouche.
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