Garage est un jeu violent, infesté de zombies, imaginé par les développeurs indépendants de Zombie Dynamics et distribué par tinyBuild Games ; sorti en exclusivité sur Nintendo Switch le 10 mai 2018. Dès les premiers pas dans le jeu, l’aspect rétro par un traitement d’image en pixel art tel qu’on aurait pu trouver sur un téléviseur cathodique des années 90, son aspect 2D en vue plongeante fait écho à une ribambelle de jeux de cette époque, sont les points forts d’un jeu qui aurait pu devenir culte.
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ToggleBienvenue au Garage
L’identité de Garage puise son imagination dans les films de série B des années 80 pour obtenir un jeu de tir sanglant, malsain et dérangeant. Butch, un trafiquant de drogues se retrouve dans un monde rongé par la décrépitude et la corruption, il devra affronter des hordes de morts-vivants seul dans un gigantesque sous-terrain appartenant à l’entreprise Smith Investments. Des créatures sordides, de la vermine pure issue de mutations, des zombies putréfiés, des expériences douteuses nichent au coin des couloirs et chaque porte peut dévoiler des horreurs révoltantes et puissantes. Peu d’indices sont à disposition quant à la nature de la présence de Butch, ce qui est sûr : c’est qu’il ne compte pas séjourner dans les bas-fonds de l’enfer.
La noirceur de Garage affecte nos sens et surtout notre concentration car la mort peut arriver plus vite que de tirer sur la gâchette vers la menace immédiate. Garage se laisse découvrir à tâtons : les nouvelles zones explorables se dévoilent à mesure que les portes claquent d’un grand coup de pied. Si Butch se débrouille très bien en combat rapproché armé de ses simples poings, rapidement, une décapitation bien placée ou un tir de précision à la chevrotine semble bien plus efficace que les quelques bleus qu’il pourrait laisser sur son passage. L’exploration de l’environnement se fait en slalomant les flaques de sang et en shootant du pied les quelques rats mutants aux dents bien trop acérées à son goût. Rien ne laisse à croire que des hommes vivaient ici, pourtant, dans les recoins des salles secrètes, des notes à lire abandonnées viennent nourrir notre curiosité pour compléter petit à petit le puzzle scénaristique disloqué qu’abrite cet endroit lugubre. Les quelques survivants ne font pas long feu ou tirent eux aussi sur tout ce qui bouge : vaut mieux ne pas se retrouver dans leur ligne de mire. La survie dans cet endroit hautement hostile n’est pas une mince affaire entre les morsures, les lacérations, les coups de fusils, les brûlures et j’en passe ; on comprendra Butch qui aura besoin de motivation via un remontant sucré ou des substances à l’opposé des vertus catholiques pour retrouver ses forces afin de poursuivre sa descente aux enfers…
L’équipe de développement s’amuse en ponctuant le dédale de quelques sursauts tirés de l’état piteux de l’environnement qui profite, à son tour, de la pénombre des lieux. Il s’avère difficile en réalité de distinguer les éléments qui pourraient nuire à la santé du héros. Le monde de Garage est friand de petites touches d’humour qui viennent détendre l’atmosphère ; issues des films auxquels il fait allusion et c’est un véritable succès lorsque, avec le petit sourire en coin, on comprend la référence.
Le rétro survival renaît
La caractéristique principale du jeu réside dans son immense brutalité, ce sera avant tout par son style graphique par lequel il faudra passer avec un rendu qui arrive viscéralement à nous retourner dans son interprétation d’un monde sanglant où la moindre erreur peut être fatale. En effet, durant toute l’aventure, des lignes de balayage persistantes viennent nous remémorer les bons vieux écrans cathodiques sur lesquels on se tuait les yeux mais également quelques petits effets spéciaux additionnels tels que les parasites magnétiques que l’on pouvait retrouver durant la lecture d’une VHS (comment ça vous ne connaissez pas ?!) ou les crépitements statiques si désagréables d’antan. Oui, tous ces « bons » souvenirs sont réutilisés à merveille dans Garage pour développer son univers et rendre l’ensemble dérangeant. Dommage que cela contraste trop avec le traitement graphiquement des portraits des personnages lors des dialogues ou encore la belle image léchée de l’écran titre qui annonçait une toute autre couleur.
Butch, le dealer de drogue, sait tirer parti des substances illicites à son avantage qui lui permettent de développer ses sens au-delà de ce que l’être humain est doté, comme acquérir la capacité de sonar comme un dauphin pour détecter des pans de murs affaiblis et qui, par la même occasion, va complètement changer graphiquement la perception du monde qui l’entoure par des effets psychédéliques d’un style artistique à tomber à la renverse. Tous les codes changent, les couleurs également ce qui rend difficile la perception de l’environnement par un traitement graphique à la hauteur des substances illicites consommées. Quand on vous dit que la drogue c’est pas bien : en voici la preuve dès la première ingestion ! D’ailleurs, les quelques apparitions qui peuvent survenir durant cette grande évasion semblent hanter notre personnage dans son état second.
Garage s’inspire également de Hotline Miami par son récit rétro et sa bande son pleine d’audace. Les musiques à la fois discrètes et beaucoup plus rythmées engagent le joueur à pénétrer dans l’univers avec des émotions s’apparentant à de la tension et au stress par des distorsions sonores qui grésillent dans nos oreilles. Le bruitage est lui aussi bien pensé bien que minimaliste : ce qui le rend diablement efficace. Les effets sonores ont leur rôle à jouer dans chaque situation : prévenir d’un danger immédiat, signaler un objet à proximité ou une interaction possible. Le plus mémorable sera le cri strident de chaque créature bien distincte, ce qui permet de se préparer mentalement à affronter au mieux l’ennemi seul ou au pire une horde de zombies se ruant sur Butch prêts à goûter un bon tartare humain.
L’horreur sous contrôle
Le monde impitoyable de Garage ne fait heureusement pas le poids face à la maîtrise parfaite des Joy-Con. En effet, bien que les contrôles soient des plus classiques : le stick gauche pour se déplacer et le stick droit pour diriger le regard ainsi que le ligne de visée. La synchronisation des deux sticks est la clé de la survie, la mécanique de base plus difficile à maîtriser qu’il n’y paraît car au fur et à mesure de la progression : des ennemis plus intelligents qui portent de l’équipement renforçant leur résistance et même des armes demanderont de la précision en mouvement…! Le système de vision de Butch est limité à un angle de vision humain d’environ 180 degrés, en conséquence tout ce qui n’est pas à portée de vision est invisible à l’écran. Les objets, munitions et surtout ennemis ne sont affichés que lorsqu’ils se trouvent dans le champs de vision de Butch ; ce qui peut être très fastidieux encerclé par de nombreux ennemis : pointer dans la bonne direction pour contenir la menace le temps de l’éradiquer est souvent la meilleure option. La visée est tout de même difficile à maîtriser, réussir à allier le déplacement du personnage et viser avec précision est le plus gros défi de ce jeu.
La menace peut se manifester à tout moment et sous toutes ses formes. Les rats sont les premiers ennemis d’apparence inoffensive mais en nombre c’est la panique à bord, les zombies sont rapides et peuvent vous courir après sans relâche facilement gérable avec un coup de hache bien placé ou quelques balles mais il faut bien viser : en aucun cas le démembrement ne mettra fin à l’obstination de croquer un bout de Butch. Durant la progression, d’autres ennemis viendront rappeler que les premiers chapitres n’étaient qu’une mise en bouche et qu’il réside des menaces beaucoup plus puissantes et astucieuses au sein des sous-sols. Il faudra se montrer bien plus létal avec l’armement de « fortune » trouvé aux pieds des anciens propriétaires, en effet, rapidement on se retrouve avec une hache, un pistolet automatique ou encore le bon fusil à pompe que tout bon jeu de zombies se doit de posséder. Une roue de sélection des armes s’enclenche par simple pression du bouton à cet effet, mettant en pause la partie le temps de choisir le bon fusil au bon moment. Cependant les munitions sont assez rares et il faudra savoir tirer parti de l’environnement pour tendre quelques « pièges » avec un timing hors du commun. Tirer sur des tonneaux explosifs, trouver le bon angle de tir pour faire tomber un ennemi dans une zone enflammée, lancer des débris sur les mines terrestres et j’en passe ; la créativité est certes limitée en matière d’exécutions mais le peu d’occasions de mettre un terme rapidement durant un affrontement pour économiser des balles sont rares.
Pour parvenir au bout de ce dédale infernal, Butch pourra compter sur sa dextérité à esquiver les coups et projectiles qui feraient pâlir Spider-Man. Des clés, des fusibles pour alimenter les générateurs ou observer des images de vidéosurveillance pour avoir un avantage tactique sur ce qui attend, des codes secrets ouvrant des caches contenant des bonus, ou encore des lettres qui étoffent l’histoire sont aussi au menu durant l’aventure. Butch tombe par occasions sur un véhicule encore en état de marche qui vient changer le rythme de l’histoire ce qui permet de relâcher la tension avant la prochaine étape plus ardue. Ces petites interludes et les points de contrôle réguliers empêchent de repasser par les lieux précédemment visités. Ce n’est pas trop grave car les zones sont facilement nettoyées de tout objet d’intérêt pour poursuivre la partie.
D’un point de vue technique, le plus décevant à pointer du doigt serait les temps de chargement bien trop longs pour un jeu de cet acabit. Les niveaux se chargent lentement (environ une trentaine de secondes) bien que la reprise d’une partie suite à un game over est pratiquement instantanée. Le jeu est court en mode facile mais rien que le mode normal (je n’ose même pas parler du mode difficile) saura calmer le speedruner vétéran au cours des treize chapitres du jeu. À noter une pointe de ralentissement lorsque trop d’éléments surviennent à l’écran, il s’agit vraiment d’une micro seconde mais assez notable pour casser le temps d’un instant l’immersion. L’expérience reste très plaisante que ce soit en mode dock ou nomade, le jeu n’a pas de mal à faire la transition dans les deux modes, bien que les Joy-Con soient un petit bijou technologique, rien de mieux que la bonne manette pro pour prendre la situation en main.
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