Chaque année, c’est un peu la même chose, l’industrie dévoile sa masse de Metroidvania parmi lesquels seulement une poignée d’élus parviennent à sortir du lot. Le projet Gestalt : Steam & Cinder des équipes de Metamorphosis Games compte bien laisser sa marque. Outre son univers steampunk finalement peu représenté, c’est bien en mettant l’accent sur la narration que le soft va se démarquer
Au point de se départir d’éléments pourtant intrinsèquement liés au genre. Inspiré par diverses licences bien connues des périodes 16 et 32 bits, Gestalt pioche à droite à gauche tout en apportant une certaine radicalité, dirons nous.
Conditions de test : Nous avons joué sur PC via Steam pendant 11 heures. Une durée suffisante pour atteindre le bout de l’aventure et prendre le temps de réaliser plusieurs quêtes secondaires, ainsi que dénicher coffres et secrets.
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ToggleLa Cité des chiens perdus
L’étiquette Metroidvania a beau faire un minimum sens ici, compétences à débloquer pour atteindre des zones inaccessibles de lieux précédemment traversés et gain d’expériences sont effectivement au menu, néanmoins, dans les faits Gestalt : Steam & Cinder ne l’est pas totalement. A la différence de beaucoup de jeux du genre, le soft de Metamorphosis Games mise davantage sur son intrigue et sa narration. En résulte une expérience plus linéaire et cadrée que ce à quoi nous sommes habitués.
L’aventure va ainsi régulièrement s’interrompre au profit d’une courte séquence narrative mettant en scène des personnes de pouvoirs et définissant les enjeux à l’œuvre dans le monde de Gestatl : Steam & Cinder. Des séquences qui, par ailleurs, se déroulent assez loin des considérations de notre héroïne, Aletheia. Ce qui peut se montrer déroutant, qui plus est en sachant que durant la majeure partie du jeu notre protagoniste porte bien peu d’intérêt à l’intrigue et à ce qui se joue.
Cependant, cela semble désiré par les développeurs. Aletheia, que nous incarnons, est une forte tête, bornée et sûre d’elle qui, jusqu’à ce que le « destin » intervienne, se contentera de suivre ses propres intérêts. Elle ne cesse de refuser cet appel, mais l’aventure vient la chercher. Ce choix narratif peu laisser un sentiment bizarre en parcourant Gestalt, l’impression que deux intrigues distinctes évoluent parallèlement. Aletheia va heureusement se développer un minimum au fil des rencontres, surtout via les discussions qu’elle alimente.
Cela n’engage que nous, mais nous avons senti un manque de proximité émotionnelle avec notre héroïne. Le fait de constamment mettre en scène divers personnages qui, tous, sont suffisamment approfondis, ne fait qu’apporter un léger déséquilibre vis-à-vis d’Alethetia. La conclusion scénaristique n’aide d’ailleurs pas en laissant un arrière goût de déception. Dommage car, malgré un récit sans grande surprise, l’écriture et la galerie de personnages ne sont pas inintéressants, il est plutôt question d’un soufflet qui retombe trop vite sans tenir les promesses narratives qu’on pouvait attendre de Gestalt : Steam & Cinder.
Steamgirl
Cela étant dit, et même si des choix des développeurs ne plairont pas à tout le monde, l’initiative reste bonne. Imparfaite dans son exécution, certes, mais réalisée avec cœur et envie. L’écriture est aussi convaincante, la traduction également. En revanche, l’absence de doublage comme de mouvement et de variété dans les animations des personnages rend le tout assez lourd à encaisser par moment.
Gestalt est un jeu bavard. Ce n’est pas Persona non plus, cependant, pour un jeu vendu avec une étiquette Metroidvania, c’est peu commun. Sans cinématique ni mise en scène digne, les lignes de dialogues, au design empruntant au visual novel, manquent cruellement de vie. Piocher du côté de chez Phoenix Wright n’aurait pas été de trop. Les amoureux de liberté de mouvement et d’exploration, ceux qui sont là pour le frisson de l’aventure et pour l’ambiance auront de quoi déchanter.
Oubliez l’approche à la Castlevania post SOTN, Hollow Knight ou encore Blasphemous. Si votre délire c’est de vous laisser perdre dans une map labyrinthique obligeant constamment à revenir sur ses pas, Gestalt n’est potentiellement pas pour vous. Comme énoncé plus tôt, il y a bien des capacités à débloquer via un arbre de compétences, double saut, tir chargé pour détruire des murs de cristaux bloquant le chemin, etc., mais c’est très limité.
Le backtracking est presque inexistant puisque, quand il y en a, c’est le jeu qui nous force la main. Peu de chance d’être perdu dans la cité à vapeurs donc. Le soft opte pour une linéarité que nous trouvons rafraîchissante, justement parce que les jeux du genre pullulent et que, la plupart, restent attachés à cette philosophie de découverte, à cette liberté d’action laissée aux joueurs, joueuses. Composante que l’on peut estimer indissociable d’un Metroidvania, mais Gestalt en décide autrement.
Aletheia de la vallée de la vapeur
Gestalt : Steam & Cinder est un peu l’opposé d’un Afterimage ou d’un Metroid. Le chemin est balisé et entravé de situations narratives destinées à contextualiser comme il se doit l’univers du jeu. En se penchant sur le personnage d’Aletheia, on remarque que son caractère colle avec le récit et le rythme de l’aventure. En tant que mercenaire, notre héroïne est guidée par les missions du tableau des primes (consistant exclusivement à éliminer un type d’ennemi spécifique) et par la recherche de réponses, ou par l’argent.
Et quand son passé la rattrape, que les révélations apparaissent, Aletheia ne pense plus qu’à elle. En tant normal, cette dernière n’a aucune raison de s’éloigner de ses objectifs personnels, aucune raison non plus de partir en expéditions et perdre son temps à aider la veuve et l’orphelin. Les studios ont su faire preuve de cohérence dans leur game design, que ce soit sur l’écriture de l’héroïne, l’intrigue, ou encore la linéarité du titre.
Trop de liberté offerte aux joueurs, joueuses impacte le récit, l’histoire se dilue et ne peut alors compter que sur une narration cryptique, avec des conversations réservées aux rares PNJ croisés et/ou par le biais de la narration environnementale. En découle une intrigue demandant d’être déchiffrée par les plus curieux, mais qui, souvent, sera mise de côté par les joueurs et joueuses en recherche d’action, et du plaisir manette en mains.
En donnant autant d’importance à l’aspect narratif, les équipes de Metamorphosis Games devaient obligatoirement limiter les mouvements des joueurs, joueuses. La plastique soignée du soft qui propose des décors jolis et variés, ainsi qu’une très bonne OST nous accompagnant, affine l’univers et pose une ambiance des plus appréciables.
L’Etrange cas de la femme mécanique
Au niveau du gameplay, une fois de plus c’est du classique qu’on nous propose ici. Si ce n’est que notre protagoniste peut se battre à l’épée ou au revolver. Pour le reste, dash et double saut vous attendent et, d’entrée de jeu, Aletheia sera même capable de virevolter d’un mur à l’autre ou de glisser contre les parois, telle un Ryu Hayabusa. Les affrontements sont réussis, les feedbacks sont là, les combos aussi, cependant difficile de trouver pertinent un arbre de compétences ne laissant que trop rarement l’opportunité de pleinement s’exprimer.
Les attaques et enchaînements permis dans Gestalt ne servent malheureusement pas vraiment. En effet, dans la pratique, les combats demandent de ne pas excéder deux ou trois coups afin de se laisser le temps d’esquiver. Or, l’esquive dépend d’une fine jauge d’endurance n’autorisant pas plusieurs esquives successives. Il faut compter deux bonnes secondes de recharge pour réitérer l’action.
Combattre plusieurs adversaires à la fois devient vite dangereux malgré l’épée et le revolver à disposition. Constat similaire avec les portails de téléportation. Au nombre réduit, ces derniers seront finalement à peine utilisés dans cette aventure linéaire. En revanche, les checkpoints ont le mérite d’être convenablement dispatchés sur la map avec, toujours, un point de sauvegarde à proximité d’une salle de boss.
Au moins, l’aventure ne s’éternise pas, bien que deux ou trois heures supplémentaires n’étaient pas de refus. Gestalt : Steam & Cinder peut se boucler en une dizaine d’heures à peine. Le challenge n’a rien d’insurmontable, au contraire, et ce ne sont pas les boss qui nous contrediront en ne ponctuant pas l’aventure comme attendu. Le soft préfère soulager son expérience et gentiment nous guider au bout de son récit. Nous sommes ici pour passer un bon moment, pour se plonger dans un univers steampunk, ni plus ni moins.
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