Queue de comète des exclusivités PlayStation 4, Ghost of Tsushima a la lourde tâche de boucler cette génération en passant après un The Last of Us Part II aussi brillant que clivant. Le studio Sucker Punch a rarement déçu avec les excellents Sly Racoon ou encore les sympathiques Infamous. Le studio prouve encore une fois qu’il peut élargir ses horizons en partant dans un tout autre registre avec un titre en monde ouvert rendant hommage aux films historiques japonais.
Conditions de test : Grâce à une clef fournie en avance par Sony, nous avons parcouru le titre en long et en large pendant des dizaines d’heures avec une difficulté « moyen ». De plus, nous avons uniquement joué sur PS4 Pro.
Sommaire
ToggleUne rétrospective des mondes ouverts avec l’héritage de Sony et du cinéma japonais
A bien des égards, on peut d’abord considérer Ghost of Tsushima comme un condensé de bon nombre de productions Sony sans oublier quelques grosses références à d’autres gros titres du même genre tels que The Witcher 3 et Assassin’s Creed Odyssey. Malgré tout ce que l’on peut reprocher à la licence d’Ubisoft, on retrouve ici son gros point fort, autrement dit un émerveillement sans pareil devant une période de l’histoire très encrée dans la culture populaire avec tout ce qui tourne autour des samouraïs.
Sucker Punch a adroitement reprit ce trait tout en l’accentuant par des mises en scène inspirées de films japonais les plus célèbres. Cet hommage est parfaitement illustré par le mode Kurosawa (en référence au réalisateur Akira Kurosawa) qui permet de passer l’écran en noir et blanc à l’image des long-métrages d’époque. Plus important encore, nous ne sommes pas devant un film interactif mais bien un monde ouvert complet qui se sert de ses inspirations cinématographiques pour appuyer sa narration.
Un bref résumé de l’histoire : elle prend place durant la période Kamakura en 1274 sur la grande île de Tsushima. Suite à l’invasion des Mongols, le territoire est en proie en chaos. Nous nous arrêterons à cette simple mise en situation afin de ne rien divulgâcher.
Nous incarnons Jin Sakai, seul samouraï ayant survécu à la plus terrible bataille contre l’envahisseur. Afin de sauver son île, il va devenir le fantôme de Tsushima. A l’instar du fantôme de Sparte, Jin est sans cesse confronté à la dure réalité de la guerre. Pour sauver son peuple, il est forcé d’employer des méthodes brisant parfois le code d’honneur du samouraï. Au cours de la progression, on assistera souvent à des remises en question et des introspections, notamment à travers le scénario principal, mais aussi avec les quêtes annexes faisant intervenir des connaissances qu’il découvrira sous un nouveau jour en temps de guerre.
Certains trouveront Jin un peu creux, mais il renvoie surtout une image très fidèle de la vision que l’on a d’un samouraï (droiture, honneur, justice…) et les parts d’ombre qui vont avec. Le développement du protagoniste est ainsi intelligemment amené grâce à ses interactions avec les PNJ majeurs du jeu que l’on suivra tout au long de notre aventure à travers plusieurs récits. Une manière très habile pour que l’on s’attache facilement à eux en plus de les rallier à notre cause. A titre d’exemples, les récits de Yuna et Masako sont d’ailleurs particulièrement réussis.
La culture japonaise et le contraste entre horreur et beauté
La culture japonaise va évidemment bien au-delà du jeu-vidéo, de la nourriture et de la japanimation. Comme notre beau pays, son histoire est riche, son art est sublime et ses paysages sont à couper le souffle. La plus grande force de Ghost of Tsushima est d’avoir réussi à étaler les pans de cette culture nippone grâce à de simples objectifs souvent rébarbatifs dans les mondes ouverts. Malheureusement, il n’y échappe pas totalement avec de nombreux collectibles assez banals.
L’île de Tsuhima est divisée en trois parties, chacune d’elles offre des biomes bien particuliers qui renouvellent sans cesse l’exploration. Ses panoramas vous décrocheront la mâchoire grâce à une direction artistique maîtrisée de bout en bout. A l’exception de la faune bien trop pauvre, la nature est quant à elle d’une richesse incommensurable. Jamais un mode photo n’aura été aussi pertinent dans un jeu Sony.
Une séance de grimpette à la Assassin’s Creed pour atteindre un sanctuaire Shinto vous récompensera d’une vue splendide tandis que les haïkus vous ferrons profiter d’un moment de sérénité dans un endroit calme en composant un beau poème. Cette beauté est en outre contrasté par les monstruosités de la guerre contre les mongols avec des ruines, des habitations brûlés, et des cadavres jonchant la route. Rendre un jeu aussi gore et beau à la fois visuellement est une belle prouesse du studio à n’en pas douter.
L’aspect technique irréprochable du titre nous permet de profiter de tout ça sans la moindre tâche d’encre. Votre console risque de passer en mode « réacteur d’avion » mais tout ça tient le choc. Dans le domaine artistique des exclusivités PS4, nous sommes sans doute devant le plus beau jeu à ce jour (au coude à coude avec God of War).
Allez viens J’t’emmène au vent sans marqueurs barbants
Comme pour le bras et la lame d’un bretteur, le gameplay est le prolongement de cette ode à la culture. Sucker Punch a bien compris que l’une des tares des mondes ouverts est la surcharge d’informations à l’écran : les icônes, les marqueurs, les menus, les points brillants… Ils ont ainsi réduit au mieux l’impact de tous ces petits détails pour que l’on profite au maximum de l’évasion. On regrette tout de même qu’il faille activer l’épuration de l’interface dans les menus pour en profiter. Sans doute les développeurs ont préféré jouer la prudence et ne pas chambouler les habitudes des joueurs.
Il faudra ainsi suivre les oiseaux pour découvrir des objectifs annexes, activer le vent directeur d’un simple mouvement sur le pavé tactile pour suivre un marqueur ou jouer de la flûte façon Link pour changer la météo. Toutefois, si le soft tient autant à varier les expériences selon nous, c’est pour amoindrir celui des objectifs très répétitifs. Pour faire simple, il est presque uniquement question de massacrez des mongols. Il est également dommage que la chasse soit autant sous-exploitée, car mise à part pour une ressource de craft, tuer un cerf relève souvent du meurtre gratuit.
De l’action qui tranche au vif
Ghost of Tsushima est magnifique et poétique grâce à ses ambiances, ses paysages et sa culture, mais il peut être aussi brutal, sanguinaire et impitoyable. Jin est un samouraï talentueux et en tant que fantôme, il va développer de nombreux autres talents face aux Mongols qui forgeront sa légende. Cette dernière représente d’ailleurs votre niveau de progression, chaque palier vous octroie un nouveau titre en plus de points de technique que vous pourrez dépenser pour affiner votre style.
Pour notre plus grand plaisir, il est l’un de ces jeux que l’on aime maîtriser afin d’exécuter des séries d’actions de plus en plus classes. Plus l’on progresse et plus l’on gagne de mouvements et d’outils afin de varier les plaisirs. Même si l’on se bat principalement au sabre, il est possible de privilégier l’arc, les gadgets à la manière d’un shinobi ou bien tout ça à la fois. Les différentes tenus et armures du jeu nous permettent de bien appuyer nos approches avec une armure de samouraï pour les combats frontaux ou une tenue de rônin pour les approches plus furtives entre autres.
Toutefois, il rate le coche sur ce dernier point. Visiblement, en plus des bons, il a également emprunté un des mauvais côtés d’Assassin’s Creed avec une infiltration assez pauvre. S’ajoute à cela, une IA des ennemis assez gentillette qui rend l’exercice encore moins satisfaisant. Cela reste en revanche une excellente manière de démarrer un affrontement.
On approuve par contre complètement le changement de postures emprunté à Nioh. Le gameplay est un bon exemple d’équilibre entre accessibilité et challenge. Si l’on fait n’importe quoi, on meurt en quelques coups à peine, mais en connaissant les rouages des mécaniques c’est un régal de coucher un tas de mongols à nous seul. Il faut ainsi zigzaguer entre les esquives, les parades, les techniques et les différentes postures pour briser facilement un type d’ennemi. C’est aussi particulièrement vrai lors des duels qui font office de boss particulièrement coriaces, avec une magnifique mise en scène cinématographique en prime.
Mention spéciale d’ailleurs à la physique des projections de sang, on vous conseille d’activer le mode photo durant un coup de katana bien placé pour observer l’excellent boulot des développeurs à ce niveau. Sans oublier les petits détails comme montrer son respect à ses adversaires avec un coup de pavé tactile vers le bas ou vers la droite pour enlever le sang de son sabre avant de rengainer.
Zoro ou Matt Damon ?
Le titre vous occupera entre 25 et 30 heures si vous cherchez uniquement à compléter l’histoire d’une traite, en revanche si vous zappez tous les éléments de l’interface tout en voulant explorer à fond l’île de Tsushima, vous pouvez facilement doubler ces chiffres. On salue également les options d’accessibilité qui semblent devenir une composante récurrente dans les jeux Sony après une The Last of Us Part II très complet à ce niveau.
Si l’ambiance sonore reste correcte mais sans plus (exceptés deux ou trois thèmes pour les moments forts du scénario), de même que le sound design, on apprécie particulièrement le large choix de doublages qui nous sont offerts. Comme d’habitude, les voix anglaises et françaises font un excellent travail, malgré tout on plébiscitera largement la version japonaise qui est objectivement la plus réussi (moins d’hésitation dans le jeu sur les termes japonais) de toutes car elle est évidemment de circonstance. Jin Sakai a en plus l’honneur d’être doublé par Kazuya Nakai, un habitué de ce genre de rôle puisqu’il prête également sa voix à Zoro de One Piece, Mugen de Samurai Champloo, et Hijikata de Gintama pour citer les plus marquants Chez nous, c’est Damien Boisseau (la voix de Matt Damon) qui prête sa voix au samouraï.
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