Bien que tout le monde n’ait pas une culture très poussée du jeu vidéo, et que finalement assez peu de joueurs semblent s’intéresser aux équipes derrière leurs titres phares, tout indique que la plupart d’entre vous a déjà entendu parler de Game Freak. Il faut dire que le studio japonais compte parmi les plus connus à travers le monde, et ce pour une raison simple : il s’agit de l’entreprise à l’origine de la série Pokémon. Néanmoins, saviez-vous qu’il lui arrivait aussi de plancher sur d’autres jeux ? En effet, si les amoureux des Pocket Monsters attendent certainement de pied ferme Épée et Bouclier, prévus sur Switch pour la fin d’année, Game Freak annonçait en septembre dernier travailler sur Town, un énigmatique RPG au design très coloré. Avant cela, en 2017, sortait Giga Wrecker, un Metroidvania fort discret, jusqu’ici exclusivement disponible via Steam. Ce mois-ci, le titre revient sur PS4, One et Switch dans une édition améliorée sous-titrée Alt.
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ToggleL’avenir est un long cauchemar
À en croire les spécialistes, ou encore une bonne partie des œuvres de science-fiction, qu’elles soient cinématographiques ou bien littéraires, l’avenir ne s’annonce pas radieux. Réchauffement climatique ou son contraire, disparition des ressources planétaires, holocauste nucléaire, éradication de la vie par l’explosion d’un super volcan ou la collision d’une météorite gigantesque, prise de contrôle de l’humanité par une intelligence artificielle peu recommandable… Les scénarios sont nombreux et ne se ressemblent que sur un détail : la disparition de la race humaine. À l’instar d’un certain Terminator, pour ne citer que lui, Giga Wrecker prend le parti d’une nouvelle race dominante, les robots, décidés à en finir avec ce qui est fait de chair et de sang.
Ici, comme dans beaucoup de scénarios de SF, l’humanité vie ses dernières heures.
La différence avec le film d’action de James Cameron, c’est qu’ici les robots n’ont visiblement pas été engendrés par l’humanité, et sortent un peu de nulle part. Inspiré de plusieurs œuvres de SF majeures, le titre de Game Freak part donc d’un postulat relativement mystérieux, indiquant que notre race est au plus mal, tantôt éradiquée par l’envahisseur, tantôt mise au travail forcé jusqu’à en mourir de fatigue. Dans ce contexte, Reika, notre jeune héroïne, tente tant bien que mal de survivre, se nourrissant des restes qu’elle grappille dans les décombres. Malheureusement, aussi discrète soit-elle, un escadron de robots finit par lui mettre la main dessus et l’envoyer dans une sorte de prison, où l’on devine sans mal que son sort n’a rien d’enthousiasmant.
Alors que Reika semble s’être résignée, elle reçoit la visite d’une jeune femme inconnue dans sa cellule, qu’elle imagine être venue la délivrer. Néanmoins, elle était visiblement loin de la vérité, puisque celle-ci la met en joue et lui tire dessus, réduisant l’un de ses bras en charpie. Elle se fait toutefois attraper par les machines avant d’avoir le temps de porter le coup fatal. Laissée pour morte, l’héroïne sera finalement sauvée par un scientifique, le docteur Kozuki, qui lui propose de vivre en échange de quelques modifications de son cru. Une fois remise sur pieds, Reika est désormais pourvue d’un bras robotique, et doit s’enquérir de sa dette en partant fouiller les ruines de son monde pour le solde de son sauveur.
L’histoire se révèle étonnamment captivante, et connaît de surprenants retournements de situation.
Bien que l’on regrettera sa mise en scène minimaliste, qui fait avancer l’histoire à coups de dialogues parfois longuets et d’artworks agréables à l’œil, force est de reconnaître que Game Freak a fort bien travaillé le scénario de Giga Wrecker. Coincé dans une progression relativement linéaire, le titre sait captiver l’auditoire, notamment en levant peu à peu le voile sur son chouette univers post-apocalyptique, ou en narrant au compte goutte le passé des protagonistes, de quoi nous permettre de nous attacher sans peine. À l’image d’un Metroid, notamment Fusion, série dont il s’inspire beaucoup ne serait-ce que dans ses mécaniques, le titre joue par ailleurs la carte de la surprise, avec plusieurs retournements de situation bien ficelés. Enfin, il s’attaque avec talent à quelques sujets que ne renierait pas Asimov, notamment le transhumanisme.
Du Metroidvania de haute volée ?
On connaît bien Game Freak pour sa capacité à se renouveler, proposant à chaque itération de la série principale Pokémon un lot de nouveautés et de changements. Néanmoins, difficile d’imaginer le studio sur autre chose qu’un RPG au tour par tour avant d’avoir posé les mains sur le restant de son travail. Une fois fait, il apparaît clairement que l’entreprise nippone jouit de quelques talents qu’il ne sera pas possible de lui enlever aisément. Notamment coté design, principalement au niveau des personnages. Chez sa licence phare, il n’est nul besoin de présenter les qualités du coup de crayon de ses équipes, quelle que soit la génération sur laquelle on se penche. Ici, le character design est une nouvelle fois un franc succès, et contribue beaucoup au fait que l’on s’attache aux protagonistes. Quant à sa bande-son, le titre n’a jamais vraiment d’éclair de génie, mais dispose de quelques chouettes mélodies.
Dommage que cela s’accompagne de quelques écueils, notamment côté level design. Giga Wrecker est un Metroidvania, autrement dit un titre mélangeant plateforme, exploration et RPG, le tout dans un environnement 2D en scrolling horizontal. Sa petite particularité, c’est qu’il joue aussi dans la cour des jeux de réflexion. À ce niveau, chaque énigme est plutôt bien pensée, et le titre parvient aisément à se renouveler au cours de son aventure. Nonobstant, on remarque assez vite que la physique des objets du décors, souvent indispensables à la progression, est assez hasardeuse. Par ailleurs, en dehors des phases de réflexion, le titre souffre, si l’on puis dire, de quelques choix dommageables dans sa direction artistique. En partant sur des décors en 2D assez quelconques, avec des arrières plans superposés, le développeur a fait chuter la lisibilité de certains passages. Une lisibilité qui fait aussi défaut, tant qu’on en parle, à une carte qu’on mettra du temps à apprivoiser.
Sa recette est efficace, mais son level design est assez inégal.
Grâce au concours de son nouveau bras cybernétique, Reika est désormais en capacité d’utiliser des aptitudes inédites, volées aux Ajiths, l’autre nom de ses ennemis tout de métal. La première, et non des moindres, fait l’effet d’un aimant sur les pièces des robots tombés au combat, et sur les roches destructibles qui ont été éclaboussées par l’équivalent de leur hémoglobine. Grâce à cet amas de déchets, l’héroïne peut frapper plus fort et plus loin, mais aussi construire, notamment, des cubes faisant office de plateformes précaires. Il s’agit là d’un concept plutôt original, pour lequel il faudra néanmoins un petit temps d’adaptation, en bonne partie parce que les capacités de Reika souffrent elles aussi des problèmes de physique du titre. Force est de reconnaître que malgré ce petit détail, qui nous contraint parfois à recommencer une énigme ou un combat, la recette fonctionne parfaitement bien.
Metroidvania oblige, Giga Wrecker embrasse quelques notions de jeu de rôle. Ainsi, au cours de sa quête, Reika pourra récolter des orbes bleus qui font plus ou moins office de points d’expérience. Ceux-ci permettent d’obtenir des points de compétence, qu’il faudra ensuite dépenser sur un arbre. Très classique, mais toujours efficace. Dommage que la majeure partie des cases propose des améliorations bateaux, comme faire augmenter sa barre de vie. On aurait aimé une petite touche de fantaisie à ce niveau. Quoique, le titre est pourvu d’une difficulté impressionnante, qui sévira aussi bien lors des énigmes (de plus en plus retorses à mesure que l’on progresse dans l’histoire), qu’en combat (d’où l’intérêt de faire grossir sa barre de PV). À ce niveau, d’ailleurs, on notera que le principal ingrédient du challenge repose sur un timing toujours plus serré. Ainsi, bien que l’on aurait habituellement tendance à encourager la complexité, celle du titre de Game Freak se révèle malheureusement souvent frustrante. Elle permet toutefois au titre de gagner en durée de vie, ce qui n’est pas un mal, puisqu’il est plutôt court.
Giga Wrecker est pourvu d’une grande difficulté qui se révèle frustrante pour de mauvaises raisons : il s’agit plus souvent de timing trop serré que de problème de skill.
Quant aux nouveautés ?
Jusqu’ici, nous nous sommes attelés à démontrer qu’en dépit d’une physique hésitante et d’une difficulté frustrante, Giga Wrecker disposait de nombre de qualités. Mais qu’en est-il de cette nouvelle édition, qui débarque en ce mois de mai sur PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch ? Eh bien fort des talents de sa version d’origine, ce portage quelque peu amélioré fonctionne toujours aussi bien. Le passage du clavier/souris à la manette s’est effectué sans heurt, quoique les déplacements du personnage sont encore un peu trop rapides pour permettre une précision sans faille dans les moments de stress. Il aurait toutefois mieux valut choisir une autre touche que la direction du haut pour utiliser certains objets du décor, car on a vite fait de les déclencher sans trop s’en rendre compte… On notera que Game Freak n’a pas souhaité revenir sur les checkpoints, pourtant parfois affreusement mal situés, ni sur les graphismes, qui restent dans la norme des titres en 2D de sa trempe.
Le gros intérêt de Giga Wrecker Alt. se situe finalement, au delà du fait qu’il soit accessible à plus de joueurs, dans son contenu. Cette édition embarque en effet tout ce que proposait le jeu d’origine, et y ajoute une vingtaine d’énigmes inédites. Par ailleurs, afin de permettre au plus grand nombre de trouver ses marques dans son aventure ne manquant pas de challenge, le développeur y a ajouté un nouveau personnage, Dölma, un petit robot qu’il sera possible de consulter dans le cas où l’on ne parvient pas à passer une séquence. Une riche idée, qui permet de se débloquer au besoin, mais surtout qui rend le titre moins frustrant. À contrario, la dernière des nouveautés vous propose de vous opposer à une campagne plus complexe dans un mode difficile. Dommage qu’aucun bonus de fin de partie n’ait été ajouté, le titre se bouclant assez vite. Heureusement, il est proposé au tarif plutôt attractif de 24,99 euros sur ses trois nouveaux supports.
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