Le secteur des jeux AA peut être cruel, entre les ambitions souvent limitées par un manque de moyen et des joueurs qui espèrent une qualité se rapprochant des grosses productions, la tâche est rude pour ces studios qui souhaitent se démarquer. Toutefois, des jeux comme A Plague Tale Innocence ont récemment prouvé qu’il était possible de créer des petits bijoux d’ingéniosité malgré tout. C’est d’ailleurs une autre production française éditée par Focus Home Interactive dont il est question aujourd’hui puisque nous vous parlons de Greedfall, le dernier titre du studio Spiders. Que vaut donc ce RPG ambitieux ?
Conditions de test : Nous avons joué une quarantaine d’heures sur la version PC avec une configuration « haute » (AMD Ryzen 5 2600, 16Go de RAM DDR4 et GeForce GTX 1660 Ti).
Sommaire
ToggleGreedfall : Colonisation, politique, et fantaisie
Malgré les défauts de The Technomancer, la précédente production de Spiders, on ne peut pas lui enlever l’originalité de son univers science-fiction. Il faut dire que les Français ont toujours été doués dans le domaine et Greedfall est une autre preuve de ce savoir-faire. Il plante son décor avec une grosse base historique empruntée à l’Europe du XVIIe siècle en prenant énormément de libertés tout en y incorporant de nombreux éléments provenant du domaine du fantastique.
Autant dire que le mélange donne un résultat surprenant mais très original, le titre ne se revendique pas du tout comme historique mais s’inspire grandement des enjeux de cette époque, notamment celui des empires coloniaux. L’intrigue met les pieds en plein dedans puisque l’on va évoluer sur une île immense où plusieurs factions se sont implantées avec différents objectifs en tête. En tant que protagoniste principal (homme ou femme au choix), vous démarrez dans la Congrégation des marchands : il s’agit d’une faction neutre qui a surtout un rôle diplomatique et qui fait le lien entre les autres factions.
Un point de départ idéal pour se forger puisque Greedfall est avant tout un RPG qui nous laisse une liberté d’action plutôt large, que ce soit dans la narration ou le gameplay. Le studio français reprend une fois de plus son système de compagnon à la Dragon Age pour incarner ces factions qui sont au nombre de six en tout. Comptez donc sur cinq camarades pour vous aider en combat mais aussi pour réagir en bien ou en mal à vos différents choix de dialogue.
En plus de donner un certain cachet à l’univers, cela a le mérite de bien développer les personnages qui nous accompagnent, et pour cela Greedfall s’inspire des plus grands. On parlait de Bioware, mais il a également pioché énormément dans The Witcher 3, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Bien que le héros ou l’héroïne soit bien moins charismatique que Geralt, on y retrouve le même soin concernant les quêtes qui sont toutes scénarisées et qui donnent énormément de matière au lore. Même chose pour la mise en scène, certains aspects « enquête » ou encore le contre-champ de la caméra lors des dialogues.
Cela s’applique surtout aux compagnons qui sont un bel exemple de cet approfondissement. Chacun propose son lot de quêtes secondaires qui nous donnent énormément d’informations sur les protagonistes, sur les factions en général, et même sur l’intrigue principale. En plus de nous rapprocher d’une faction, ces accomplissements nous rapprochent de nos compagnons pour y développer potentiellement des liens plus intimes.
Super Malicor
L’île de Teer Fradee est une terre fraîchement colonisée par les six factions mais elles n’ont pas toutes le même statut ni les mêmes ambitions, et certains cultivent même des conflits démarrés sur le continent. Toutefois, on retrouve tout de même un objectif commun qui est de trouver un remède au Malicor, une maladie mortelle qui frappe le continent. Rien n’est vraiment simple puisque des tensions éclatent un peu partout avec les natifs de l’île, un peuple primitif et mystérieux.
Siora est la représentante de ces derniers dans notre groupe et ses interventions lors des dialogues (que l’on peut laisser faire ou non) illustrent bien toutes les manières d’aborder des quêtes. Etant donné que vous ne pouvez emmener que deux équipiers à la fois, cela vous oblige à connaître un minium la situation et ses acteurs pour appréhender les événements comme on le souhaite. L’autre point qui vient compléter ces choix est l’attribution de talents. Charisme, intuition, intimidation, la palette de traits est assez large.
Greedfall profite donc d’un univers riche et cohérent que l’on découvre plus en détails avec les nombreuses quêtes, cela nous permet aussi d’observer les factions à la loupe afin de prendre parti pour un camp au détriment d’un autre.
Une direction artistique sublime
Comme pour A Plague Tale, une direction artistique qui prend ses racines dans les peintures des plus grands maîtres du siècle exploré est définitivement un gage de qualité. Sans oublier toutes les inspirations culturelles et historiques qui se ressentent dans les costumes ou l’architecture des villes, c’est un vrai plaisir de se balader dans ces beaux décors. Greedfall est visuellement magnifique, la technique est à saluer et nous avons droit à des jeux de lumière très impressionnants qui nous permettent d’apprécier le teint des différents moments de la journée. Les extérieurs bénéficient même d’un effet de volume très agréable bien que nous ne soyons pas devant un monde ouvert.
Même si le studio a fait des efforts de ce côté-là, on ressent encore une grosse rigidité dans les animations faciales. Plus généralement, les visages ne sont pas très beaux à voir mis à part pour quelques personnages triés sur le volet. Seuls les natifs profitent d’un chara-design réellement inspirés, mais en réalité c’est toute la partie fantastique qui l’est. Tout le génie graphique du jeu réside dans cette « triforce » : histoire, cultures et créativité.
Nous avons ainsi droit à des panoramas splendides, variés et surtout très détaillés : des forêts, des villages, des ruines… Même le bestiaire est accrocheur, le seul souci est qu’il a du mal à se renouveler tout au long de la progression. Puisque l’on est dans le domaine de l’art, parlons de la bande-son composée par Olivier Derivière. Toujours aussi polyvalent suivant le titre dont il s’occupe, il n’en démord pas ici avec des musiques de qualité. Selon la ville, ou plus précisément selon la culture que l’on explore, le son de cloche sera toujours à propos en plus d’être agréable à l’oreille. On retient aussi les thèmes de combat qui ont un caractère sauvage très plaisant à la The Witcher.
Les doublages sont corrects dans l’ensemble, surtout en ce qui concerne les compagnons. Certain regretteront une absence de doublages en français, mais il faut bien reconnaître qu’un RPG à moyen budget peut difficilement se le permettre, en particulier avec autant de lignes de dialogue. Si c’est un argument majeur pour vous, vous voilà prévenu.
La diversité mais pas la longévité
A l’image de The Technomancer, Greedfall a des bases solides en matière de gameplay sauce RPG. Les archétypes (guerrier, technique et magie) et les nombreuses armes donnent une foule de possibilités au joueur pour adopter le style qui lui convient, la personnalisation est de surcroît renforcée grâce à un arbre de compétences très complet et fourni. Le craft, de même que l’alchimie, sont toujours de sérieux acquis que l’on a plaisir à exploiter. Il y a eu de sérieuses améliorations par rapport au titre précédent, la caméra est désormais bien plus propre et la pause tactique est définitivement une bonne idée car il faut bien l’avouer, c’est souvent le bordel sur le champ de bataille.
De nombreux outils sont là pour varier les joutes, mais ils n’échappent malheureusement pas à la répétitivité qui nous gagne assez rapidement. L’excellente narration comble quelque peu ce défaut, toutefois si vous êtes bien plus portés sur les combats, vous risquez d’être déçus. Cela n’est pas trop dérangeant lorsque l’on manie un Geralt solitaire, mais ici nous avons des partenaires à nos côtés. Impossible de les contrôler ou de leur donner des ordres, ils font presque office de distractions pour les monstres. Notre seule marge de manœuvre réside dans les équipements qu’ils portent.
Il y a clairement du mieux, mais ça manque de combos, de jeu d’équipe et les animations sont encore assez rigides entre les coups portés. Pour ne rien arranger, la difficulté est assez mal gérée, si vous souhaitez du challenge, mieux vaut opter pour le mode difficile. Quel que soit votre style de combat, une simple répétition d’esquive suffit à faire face à n’importe quoi les mains dans les poches.
Cet article peut contenir des liens affiliés