Vous n’avez pas pu passer à côté de Hades, le jeu de l’année 2020, sacré dans nombre de rédactions à travers le monde, et bien entendu aux désormais célèbres (et non moins ridicules) Game Awards. Un Rogue-lite, couplé à du Hack’n Slash, le tout réalisé par un studio indépendant basé à San Francisco, que les succès critiques ne semblaient pas, jusqu’à lors, destiner à un avenir incroyablement radieux. Hades c’est donc le jeu qui a tout changé pour Supergiant Games, et c’est par ailleurs un titre qui a su redonner confiance et lettres de noblesse à une industrie parallèle, désireuse de briller aux côtés de la grande.
À notre grand désespoir, nous avions raté Hades. Pas que les occasions ne se soient pas présentées, mais il faut dire ce qui est : l’année 2020 n’a pas été de tout repos, avec des sorties dans tous les sens, et pas des moindres, ou bien sûr avec une certaine pandémie. Alors que l’arrivée de sa très attendue suite, sobrement intitulée Hades II, commence à se préciser, avec l’ouverture de son accès anticipé au mois de mai sur PC, nous avons choisi de revenir sur le premier opus afin de vérifier si, oui ou non, il méritait autant d’éloges, et bien sûr ce très convoité titre de jeu de l’année. Avec un peu de retard, voici notre verdict sur ce projet indé pas comme les autres.
Conditions de test : Nous avons passé près d’une centaine d’heures sur la version Nintendo Switch de Hades, temps que nous avons partagé entre des sessions sur TV, et d’autres en portable via une Switch Lite. Malgré la prescription, ce test est garanti sans spoiler.
Sommaire
ToggleVoyage au bout de la nuit
Hades, c’est l’histoire de Zagreus, jeune homme impétueux qui, comme beaucoup d’autres avant lui, rêve de s’émanciper de l’emprise paternelle. Projet aisé sur le papier, mais pas si simple une fois remis dans son contexte, puisque l’on parle du fils de Hades lui-même, dieu des enfers régnant sur son empire d’une main singulièrement autoritaire. Heureusement pour lui, Zagreus n’est pas seul, et sera notamment aidé par Nyx, déesse de la nuit, ou encore Achille, le héros légendaire de la guerre de Troie érigé en demi-dieu. De quoi lui offrir quelques infimes chances de quitter les bas fonds pour rejoindre la surface…
La première particularité du titre de Supergiant Games, c’est son contexte, mais surtout la manière qu’il a d’en gorger son aventure. Avant d’être un concept fort, Hades c’est un récit, qui va accompagner chacune de nos parties d’une manière plutôt habile. Ne vous attendez pas à de grandes et belles cinématiques dépeignant la progression de notre héros, ou encore à une expérience linéaire. Rogue-lite oblige, la mort est l’élément central de l’expérience, se traduisant par un retour au bercail, nous faisant passer inévitablement devant le dieu des enfers, qui se moque bien souvent de son fils et de son entreprise qu’il juge irréalisable… ce qui risque d’être aussi votre cas par moments.
Il faut dire ce qui est, l’histoire ne vole jamais bien haut en tant que telle. Mais il demeure difficile de lui reprocher cette simplicité dans la mesure où le titre fait énormément pour nous immerger dans son univers, empruntant tout ou presque aux mythes et dieux grecs, et leur offrant un habillage original, fort réussi. Ce que l’on apprécie dans Hades, ce n’est pas tant le scénario en lui-même, mais plutôt la myriade de personnages fort bien écrits qui nous accompagnent, les courts dialogues qui nous attendent après chaque mort, ou même qui pavent notre progression dans chaque run. À ce niveau, il est à rapprocher d’un Children of Morta, titre que nous recommandons chaudement.
À défaut d’une histoire plus complexe qu’un caprice d’adolescent, s’offrant certes quelques ramifications mais rien d’extraordinaire, ce que l’on retiendra avant tout du titre de Supergiant Games ce sont les interactions entre les dieux et déesses de ce monde habilement habillé. Le studio a imaginé un aspect neuf, à sa sauce, de chacun des protagonistes issus du folklore grec, et le résultat leur confère d’une part une âme indéniable, mais les rend par ailleurs attachants, couplé à leur petit caractère bien à eux, et à des doublages en anglais d’excellente facture. Si vous ne cherchiez qu’un gameplay, alors vous risquez d’être surpris.
Parce que le titre sait rendre ses dialogues et interactions délectables, mais surtout utiles à sa progression. Sans vous intéresser aux protagonistes qui vous attendent dans les enfers et ses niveaux, vous n’obtiendrez jamais les différents items pensés pour faciliter vos runs. Or, ce serait dommage car, Rogue-lite oblige, Hades n’est pas facile, et même plutôt ardu. Ainsi, chaque main tendue est la bienvenue, même si l’intérêt de son bienfait ne nous apparaît pas forcément, en premier lieu. Comme beaucoup d’autres avant lui, le titre de Supergiant encourage de toute façon à l’expérimentation, offrant de vastes possibilités d’approche.
Le tumulte des flots
Reprenant beaucoup d’éléments des trois productions imaginées par le studio Supergiant avant cela, à savoir Bastion, Transistor et Pyre, Hades est un jeu d’action en vue du dessus, sur un plan isométrique, empruntant au Hack’n Slash. C’est vrai qu’à première vue, sans avoir la manette entre les mains, le titre ressemble à s’y méprendre à un clone de Diablo, Titan Quest ou Path of Exhile, avec un visuel nettement plus coloré cela dit. Nonobstant, là où ces trois titres font tourner toutes leurs mécaniques de gameplay autour de cooldown, ralentissant de fait les affrontements, Hades, lui, est plus à rapprocher d’un Action-RPG, s’orientant vers l’action frénétique d’un Twin-Stick Shooter à la Ruiner.
Tout un programme qu’il est difficile d’expliquer à quelqu’un qui n’a jamais pu toucher au jeu, mais qui coule de source une fois la manette entre les mains. Ce qu’il faut retenir, puisque c’est le plus important, c’est que le titre propose un gameplay facile d’accès, avec deux touches pour attaquer, une pour effectuer un lancer, et une pour esquiver. N’importe quel joueur, même parfaitement néophyte, pourra y trouver ses marques assez aisément. Et cela tombe bien, puisqu’il va être obligatoire de maîtriser à fond les déplacements de notre personnage et ses différentes attaques pour espérer atteindre l’objectif final.
En termes de progression dans chacune de ses runs, Hades ne réinvente pas la roue, reprenant finalement une recette assez proche de ce que proposait The Binding of Isaac neuf ans plus tôt. Autrement dit, vous allez devoir enchaîner les salles, chacune proposant un challenge différent, ainsi qu’une récompense, et le tout est organisé de manière aléatoire. Ce qui permet, d’une part, à chaque partie d’être différente de la précédente. D’autre part, c’est un moyen habile de laisser au joueur un certain choix, assez grisant, dans sa récupération de bonus et autres items. Car s’il n’est pas toujours permis de s’orienter, on vous offre néanmoins régulièrement la possibilité de décider de la prochaine salle que vous allez explorer, en fonction de la récompense qu’elle contient.
Hades ne jouissant pas d’une génération procédurale de ses environnements, on finit bien entendu par avoir l’impression d’avoir fait le tour de ses décors et salles, ce qui constitue assurément un défaut. Mais, que les plus tatillons se rassurent, ledit défaut n’en constitue un qu’après plusieurs dizaines d’heures de jeu, dans la mesure où, dans le feu de l’action (qui est toujours ou presque endiablée) on ne prête que peu d’attention à ce qui entoure Zagreus, à l’exception des ennemis, pièges et projectiles dangereux. D’autant que le titre sait rendre ses affrontements différents, ne serait-ce qu’avec son bestiaire.
À la manière d’un DOOM (celui de 2016), Hades propose une variété d’ennemis qui l’honore, mais surtout qui permet à ses situations de changer modérément, afin d’éviter autant que faire se peut le sentiment de redite. La composition d’une salle indique assez rapidement, à un joueur chevronné, quelle approche il devra choisir. Certains ennemis vous foncent dessus, quand d’autres transforment la salle en Bullet Hell façon Nier Automata. D’autres encore adoptent des postures changeantes, vous poussant tantôt à préférer le corps-à-corps, tantôt à esquiver prudemment et à distance raisonnable. Un point central de l’expérience, que l’on retrouve aussi face aux différents boss, qui adaptent leurs patterns d’une partie à l’autre.
La mort dans l’âme
Si vous aviez l’impression que nous étions dithyrambiques jusque-là, préparez-vous à déchanter, puisque nous nous apprêtons à traiter des deux plus grosses qualités du titre, à commencer par sa générosité. Comme dit plus haut, Hades sait rendre chacune de ses runs différente de la précédente. Ce qui passe par une gestion aléatoire du bestiaire présent dans chaque salle, et des salles elles-mêmes, nous l’abordions aussi. Mais pas seulement. En effet, le plus important demeure finalement tout ce qui viendra aider notre héros, avec en premier lieu les différents bonus conférés par les dieux de l’Olympe, apparaissant après certains affrontements.
Des bienfaits qui seront passagers, puisque disparaissant après une run, mais surtout qui s’emboîtent à merveille entre eux. Les compositions sont très variées, et vous avez, si vous le souhaitez, toutes les cartes en mains pour tester différentes approches. En augmentant vos dégâts d’attaque par exemple, ou en vous offrant une esquive supplémentaire, bien pratique. Mais aussi, pourquoi pas, en repoussant tous les ennemis chaque fois que vous assénez un coup puissant, ou en les empoisonnant lorsque vous effectuez un lancer. Non seulement le choix est vaste, mais en plus certaines compositions sont nettement plus puissantes que d’autres. Mais pour le découvrir, il va vous falloir expérimenter.
Ce qui vous prendra du temps, d’autant que Hades propose six armes différentes, qui n’ont absolument pas le même maniement en jeu, ou bien les mêmes effets, du reste. Vous commencez avec Stygius, la lame des enfers, pas la plus aisée à manipuler. Par la suite, vous pourrez récupérer un arc, une lance ou encore un bouclier. Vous l’aurez compris, certaines vous permettront de rester à distance, quand d’autres seront plutôt tournées vers le corps-à-corps, et les différents bienfaits à récupérer vous aideront à affiner vos préférences. Tant et si bien que lorsque le sentiment de redondance s’annonce, après quelques runs passées à utiliser la même arme, il suffit d’en changer pour s’en départir instantanément.
Quant à cette seconde qualité que nous évoquions plus haut, il s’agit du sentiment de continuité et de montée en puissance que le jeu permet. Il le doit avant toute chose à des possibilités de customisation de vos capacités plutôt enivrantes, passant par l’utilisation d’une monnaie spécifique se cumulant après chacune de vos runs. En vous admirant dans le gigantesque miroir présent dans votre chambre, vous pourrez faire gonfler vos points de vie de base, augmenter les dégâts que vous infligerez à un ennemi de dos, ou encore faire grimper vos chances d’obtenir des bienfaits de valeur lors de vos runs à venir. Tout un programme.
Par ailleurs, le titre permet la collection d’un certain nombre d’items, qu’il nomme « souvenirs », agissant grossièrement comme des bonus passifs. Items qui seront à récupérer via les interactions sociales, puis peuvent être améliorés en combattant longuement avec. De riches idées, pourtant d’une simplicité déconcertante quand on y pense, qui atténuent grandement la frustration ressentie à la mort de Zagreus. Puisque l’on revient au bercail avec différentes monnaies d’échange, qui nous permettront d’upgrader notre héros, nous n’avons pas fait tout ce chemin en vain. Et de cette sensation précise naît l’addiction.
Parce qu’à l’image de nombre d’autres Rogue-lite, parmi lesquels on pourrait évidemment citer quelques références telles que Faster Than Light, Darkest Dungeon ou Slay the Spire, Hades marque autant l’esprit qui y accroche parce qu’il le rend accro. Ce qu’il fait donc en trois temps : d’abord avec ses interactions sociales, ensuite avec son gameplay, et enfin avec ce sentiment de progression. Sentiment que les moins téméraires, ou les moins chevronnés, pourront aussi ressentir en activant le mode Divin, qui peut simplement être qualifié de mode facile, dans lequel chaque mort confère plus de résistance au protagoniste. Là encore, une riche idée.
Enfin, un petit mot sur la version Nintendo Switch que nous avons personnellement testé. Il est bon de noter que des ralentissements peuvent parfois survenir, et que certains temps de chargement sont assez massifs. Constat qui est surtout valable pour la Switch Lite, d’ailleurs, console qui semble cracher ses poumons en permanence sur le jeu de Supergiant Games. Ainsi, on ne saurait vous recommander de lancer Hades sur ce modèle exclusivement portable. Bien sûr, le titre demeure jouable, mais l’expérience est évidemment altérée, et le rythme du jeu en devient saccadé, ce qui ne joue absolument pas en sa faveur…
Cet article peut contenir des liens affiliés