Sur le papier, Heroland vend du rêve. Son équipe est constituée, entre autres, d’anciens de Mother 3 et des Shin Megami Tensei. Et l’influence du premier se ressent clairement mais un casting de rêve donne-t-il forcément un bon jeu ?
Conditions du test : Nous avons joué à la version Switch du jeu, principalement en mode portable en faisant d’autres choses à côté ce qui explique pourquoi nous n’avons pas la moindre idée du temps de jeu.
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Heroland, c’est à la fois le nom du jeu et celui du parc à thème qui lui sert de décor. Il y a bien longtemps, un groupe de quatre héros a vaincu le terrible Dark Lord. Depuis, ce parc a été fondé pour permettre à ses visiteurs de vivre l’aventure de leurs sauveurs, recréée dans les moindres détails les plus sordides. On vous laisse un instant pour imaginer l’horreur d’un tel projet s’il devait être fait avec l’Histoire réelle.
Si Heroland est un endroit de rêve pour ceux qui le visitent, ceux qui y travaillent sont clairement des esclaves. Et oui, le jeu est clairement anticapitaliste. On incarne un employé que l’on nomme mais que tout le monde appelle Lucky parce qu’il ne mérite pas mieux qu’un nom de chien. Ici, les pauvres mascottes servent littéralement de punching balls aux touristes qui paient pour les frapper.
L’autre protagoniste est le Prince Elric. Ancien prince héritier, il est devenu dix-huitième dans la ligne de succession après l’intégration des enfants illégitimes (Aïe). Il passe juste après Philip, le meilleur personnage du jeu et accessoirement un chien (Premièrement : Re-Aïe, deuxièmement : Quoi ?). Celui que l’on surnomme désormais 18 vient visiter Heroland dans l’espoir de vaincre le véritable Dark Lord et récupérer son trône promis.
Pour faire passer la pilule, Nobuyuki Inoue, scénariste du jeu et directeur de Mother 3, va dans l’outrance pour que la cruauté et l’accumulation deviennent comiques. L’humour est d’ailleurs le principal attrait du jeu. Comme on suit des gens qui jouent à être des héros de JRPG, on se moque allègrement du genre et on multiplie les références. Puis autant briser le quatrième mur vu qu’on n’est plus à ça près.
Chaque phrase est une blague ou un moment absurde. Tout ne marche pas forcément et beaucoup vont trouver le jeu horriblement lourd. D’autres n’auront pas les références. Et c’est partir du principe que vous êtes bilingues puisque le jeu est uniquement disponible en anglais. Le contraste entre l’horreur des événements et le fun du jeu est brillamment renforcé par les designs de Nobuhiro Imagawa, lui aussi venu de Mother 3 puisqu’il en était le directeur artistique.
Il y a un Jean qui rit, il y a un Jean qui pleure
Le gameplay risque lui aussi de diviser puisqu’il s’agit d’un JRPG mais avec un twist. Notre héros Lucky est un employé, il ne prend donc pas part aux combats. L’équipe est gérée par l’IA et l’on peut seulement donner des consignes. On peut indiquer une stratégie globale telle que « Concentrez-vous sur la défense », mais aussi choisir la prochaine action d’un des personnages ou utiliser un item.
Le souci, c’est qu’une fois la consigne donnée, il faudra attendre un certain temps pour intervenir de nouveau. Il y a donc toujours un risque de se mettre soi-même dans une situation difficile car on a utilisé son action un peu trop tôt. De plus, tout le monde ne va pas forcément nous écouter (ou ne pas soigner le perso qu’on vient de soigner…). Concrètement, on a l’impression de regarder quelqu’un jouer en essayant de lui donner des conseils sans la ou le saouler.
D’ailleurs, remporter les combats est presque secondaire vu l’importance de satisfaire les visiteurs. Les personnages gagnent de l’xp en tuant des monstres, Lucky en gagne grâce à la satisfaction des clients en fin de donjons. Il faut donc s’assurer qu’ils sont en bonne santé, qu’ils achèvent des ennemis et les couvrir de cadeaux. Au final, on est presque à la frontière avec l’idle game et la touche la plus importante est celle qui triple la vitesse du jeu.
Attention, cela ne veut pas dire que le système de combat est simple pour autant. Il y a tout un tas de subtilités mais c’est juste qu’on ne met pas vraiment les mains dans le moteur. Notre rôle est surtout de composer la meilleure équipe avec le meilleur équipement malgré les conditions imposées. Les personnages ont chacun droit à trois capacités : une attaque normale et une capacité spéciale qui dépendent de l’arme puis une technique propre à chacun.
Pas d’exploration, les donjons sont une succession de cases où l’on nous demande parfois de choisir le prochain adversaire. On enchaîne quelques combats d’une minute et c’est plié. Tout se joue à la composition de l’équipe et surtout au grind qui a précédé. Même si l’on arrive à accrocher à la passivité du jeu et à son univers, son rythme très découpé rend Heroland insupportable sur de longues sessions.
Car le monde est tout petit
Puisqu’on parlait du grind et de la durée des sessions, autant arriver au cœur du problème : Heroland devrait être un jeu mobile. Lors des missions, il y a toujours au moins un personnage imposé. Et vu la vingtaine de héros jouables, cela veut souvent dire qu’il faudra farmer l’xp pour mettre tout le monde à niveau. Et cela tombe bien puisque les ennemis ont une chance de faire tomber des objets plus ou moins rares.
Ces objets servent à faire monter l’amitié des combattants avec Lucky mais aussi débloquer l’achat d’armes plus puissantes. Pour rester dans l’idée que le parc nous exploite, il faut payer de la poche ce qu’utilisent les visiteurs. Avec en plus de grandes chances que les armes cassent à la moindre utilisation. Les niveaux d’amitié permettent de débloquer les quêtes secondaires qui représentent les deux tiers du contenu du jeu.
Entre le farm, le gameplay qui permet le manque d’attention et le style graphique sympathique mais minimaliste, il est étonnant de retrouver Heroland non pas sur mobile mais sur console et PC. Surtout au tarif de 40 euros. Beaucoup penseront qu’on peut trouver une expérience équivalente gratuite sur mobile et avec une licence chère à son cœur. Et comme sur mobile, la mission principale semble passer à toute vitesse si on oublie le grind.
Les musiques de Tsukasa Masuko (Shin Megami Tensei) sont agréables mais il vaut avouer qu’on coupe rapidement le son. En effet, elles énervent assez vite en vitesse fois trois. Et surtout la voix des personnages est créée avec des sons, à la manière d’Animal Crossing. Impossible de dire si cela vient d’un souci de rythme, de variation ou quoi que ce soit d’autre, mais c’est ici insupportable. Tant pis mais cela renforce l’impression que le jeu est fait pour être une activité annexe.
Finissons avec la technique. Heroland tourne parfaitement bien même en mode portable sur Switch ce qui semble évident vu sa simplicité et l’absence de gros effets. Vous pouvez d’ailleurs vous-même le constater en regardant les configurations indiquées sur Steam. Encore une fois, vu la nature du jeu, on vous recommande fortement la version Switch surtout pour y jouer en mode portable, sauf si vous pouvez attendre une baisse de prix et/ou une sortie mobile.
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