La prise en main destinée à un public plus casual, tout comme le jeu Buzz à son époque, saura réunir des personnes de tous horizons devant l’écran armés de smartphones, ou de tablettes tactiles. L’intention de Sony est d’ajouter les fonctionnalités bonus qu’un second écran pourrait apporter à la manière de jouer le jeu vidéo tel que nous le connaissons actuellement. En réalité, ce principe n’invente pas la roue car Nintendo aura déjà fait le pas depuis longtemps avec ses itérations portables estampillées DS ou encore la mablette de la Wii U qui permet d’étendre le plaisir du jeu non seulement sur l’écran de la télévision mais également dans le creux de nos mains.
L’utilisation est très simpliste à la portée de tous : observer les environnements pour déceler des indices, réagir aux Quick Time Events ou encore un journal de bord qui enregistre la progression de l’enquête ainsi que des informations additionnelles sur les personnages rencontrés et événements qui auront eu lieu durant l’investigation. Tout est mis à jour durant la partie sur le téléphone et pourra être consulté à n’importe quel moment durant la partie. Le jeu pourra se dérouler accompagné au maximum de six personnes devant l’écran TV, chacun devra se trouver dans la même salle pour jouer car les téléphones doivent partager la même connexion Wi-Fi que la PlayStation 4. Pas de partie partagée en streaming via le PS Share ni de manette PS4 pour jouer car tout se contrôle depuis le smartphone via l’application dédiée à cet effet.
L’expérience se doit d’être vécue et partagée par toutes les personnes présentes dans une même pièce
Le studio Supermassive Games aura bien peaufiné sa dernière production en proposant une enquête policière coopérative à multiples fins. Le jeu ressemble visuellement à un Heavy Rain (Quantic Dream) bien amélioré ou encore à Until Dawn dans son approche glauque, c’est-à-dire une trame narrative dans laquelle le(s) joueur(s) aura un impact conséquent sur le déroulement du scénario. Ces décisions à l’instar d’un effet papillon (ici appelées “Ripple Effect”) décideront du sort du ou des personnages. Contrairement aux jeux cités juste avant : impossible de bouger les personnages volontairement, ici il faut faire preuve d’analyse et de jugeote pour commanditer des choix. Cette impression d’être plus spectateur qu’acteur, sied parfaitement au concept du jeu qui se présente sous la houlette d’une série policière enquêtant principalement sur la piste d’un serial killer dont la signature sera de greffer des explosifs sur les corps des victimes pour éliminer des agents de police. Hidden Agenda propose de suivre l’investigation aux côtés de deux femmes, Becky et Felicity, représentant l’ordre et la loi au sein d’une enquête qui semble impossible à résoudre.
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ToggleUn smartphone pour les influencer tous
Deux modes de jeu sont disponibles dès l’écran titre :
- Le mode histoire qui laisse les joueurs unir leurs forces et décisions pour venir à bout de l’enquête sous forme de vote figeant l’action le temps de décider des actions à entreprendre. Quelques petits pics de stress viendront rythmer l’action par des décisions à prendre en temps limité en équipe, capharnaüm garanti !
- Le mode rivalité, quant à lui, à plus de sens à plusieurs joueurs en mode chacun pour soi dont un joueur aléatoire recevra un objectif caché à mener à bien sans se faire démasquer. L’objectif caché demandera d’influencer l’enquête dans une direction donnée afin d’engranger le plus de points.
Attention, les choix dans un mode ou dans l’autre sont définitifs : il n’y a pas de retour en arrière par un système de chapitrage. Si le déroulement de l’histoire ne convient pas, il faudra malheureusement s’en contenter sous peine de reprendre l’histoire de zéro.
Le plus dur au cours de l’enquête sera d’avoir assez de jus dans son smartphone …
Si les situations abordées de manière solo auront une saveur de jeu plutôt linéaire, une autre dimension vient s’instaurer sur les mêmes scènes à plusieurs joueurs découlant des conséquences à l’encontre de ce qu’il aurait pu être initialement choisi en solo. La force de ce cas de figure est de pouvoir argumenter sur la situation et décider de l’action à entreprendre : le plus grand nombre l’emportera sur la suite des événements.
Cependant, être accompagné par d’autres joueurs peut aussi apporter son lot de situations inconvénientes. Une partie se déroulant en nombre pair pourra se voir heurtée par un changement de décision d’un des joueurs dans le cas de figure d’une parité dans le choix des actions à entreprendre. La main forcée à changer son choix pour faire avancer l’action laisse tout de même une certaine frustration quant à la liberté de mener le scénario comme bon nous semble. Étonnante situation pour le coup obligeant à jouer en nombre impair pour naturellement faire pencher la balance en faveur du plus grand nombre ou encore effectuer une “prise de contrôle” pour prendre la main et décider du dénouement de la situation sans faire appel aux choix de ses coéquipiers.
Pour revenir sur l’aspect plus ou moins stratégique du mode rivalité : des objectifs cachés apparaissent au hasard sur le smartphone d’un joueur qui devra mener la barque dans son sens tout en argumentant sans donner l’impression qu’il se trame quelque chose sur son écran. Cet aspect du jeu social qui rappellera le “Loup-garou” reste très plaisant si tout le monde joue le jeu, mais la majorité du temps, on aura plus envie de voir l’histoire progresser plutôt que de prêter attention aux objectifs suggérés… connaître les personnes avec qui jouer au jeu mènera à des conversation épiques chacun essayant d’argumenter sur la situation du moment à coup de bluffs ou de réelles réflexions. Cela pourrait se retourner contre le joueur innocent n’ayant pas d’objectif caché à atteindre : suite à une argumentation bancale ou à un débat maladroit. L’aspect social est véritablement là, nous ramenant à l’époque du couch-gaming entre amis à se tordre de rire devant l’écran aux résultats de la soit-disant “coopération”.
Une coopération inégale
Résoudre l’enquête à plusieurs est un excellent choix sur le papier et argumenter pour faire pencher le choix premier d’un ami en sa faveur lors des décisions permet de rajouter une couche dans l’immersion à résoudre l’enquête. Dommage que ce système trouve rapidement ses limites : en effet, on peut très bien passer d’une attitude courageuse et téméraire à un comportement craintif et lâche durant deux actions consécutives. Ceci dû aux choix de la majorité des joueurs guidant la ramification du scénario vers des tournures assez surprenantes qui pourraient, au final, faire perdre le fil de l’aventure avec une sensation de détachement envers les personnages. Bien dommage pour un jeu qui se veux être un party game ! Pour pleinement profiter de l’histoire comme l’aurait fait Heavy Rain ou Until Dawn serait de plonger une première fois tout seul dans l’enquête pour mener l’histoire comme on l’entend la première fois. La durée de vie est, quant à elle, de seulement cinq chapitres et qu’il faudra environ une heure pour terminer chacun d’entre eux. Ce qui laisse une rejouabilité intéressante aux curieux qui souhaitent découvrir ce qui aurait pu arriver si les choix furent différents.
42 trophées dont 1 platine à débloquer !
Au final il est réellement dommage de ne pas avoir apporté plus de soin à l’écriture et à la personnalité des personnages qui auraient mérité plus de matière et des traits de caractère plus variés, voire humains avec lesquels interagir. Les dialogues se dévoilent assez bancals et perdent de leur poigne au fil de l’aventure et restent peu convaincants. Dans une ère où les séries avec des personnages bien écrits semblent fleurir sur Netflix (pour ne citer que ce média) le développement des personnages de Hidden Agenda fait tout de même peine à voir face aux séries actuelles « non-interactives » pour le coup. Le ou les joueurs se retrouvent face à une pléthore d’individus qui dégagent une aura négative d’emblée ne donnant aucune envie de s’intéresser à leur personne ou même de les aider au cours de l’histoire. La cerise sur le gâteau : rien n’arrive véritablement à surprendre le spectateur, à tel point que rapidement, la distinction entre innocents et coupables se fait sans claquage de synapses réduisant à néant le rebondissement final du scénario !
Une optimisation mal agencée?
L’aspect technique lui aussi pêche à de nombreuses reprises malgré des visuels enchanteurs et bien calibrés. Ne méprenez pas ce test, les visuels sont vraiment très beaux à voir et l’ensemble mérite d’être observé mais pas dans les moindres détails. Il est clair que le jeu tente de s’orienter vers le photoréalisme mais n’y parvient que partiellement. Par contre, la sensation de frôler ce qu’on appelle communément l’”uncanny valley” est bien palpable : dommage ! En effet, les modélisations propres souffrent d’un manque de crédibilité dans leurs expressions, parfois trop exagérées sans atteindre les écueils d’un Mass Effect Andromeda ou trop rigides comme ce qui pouvait nous être proposé sur une PS3 à ses débuts. On regrette la véracité des expressions d’un L.A. Noire même si l’ensemble n’était pas encore parfait.
La modélisation des visages est très soignées dévoilant beaucoup de potentiel quant à leurs animations et pourtant le résultat n’est pas vraiment à la hauteur de nos espérances et même L.A. Noire malgré sa parution en 2011 réussit à proposer des faciès plus crédibles. Le budget n’a peut-être pas été le même pour les décors qui se voient assez en retrait avec des textures parfois baveuses et manque parfois de finesse en opposition à des effets visuels de toute beauté sublimé par la délicatesse du rendu du moteur du jeu. L’expérience est inégale, également entachée par le simple choix du rafraîchissement d’images qui tourne constamment à 60 fps ce qui implique un vrai problème que de s’immerger dans une véritable expérience cinématographique qui se situe, et sans exceptions, 24 fps ! Trop fluide, pas assez naturel, la sensation que quelque chose ne se déroule pas comme ce qui devrait être devient assez frustrant pour les puristes du genre bien que l’histoire tente de nous tenir en haleine malgré les quelques défauts cités auparavant.
Une fois encore, Supermassive Games rapproche le jeu vidéo et le cinéma dans une ambiance oppressante allant prendre des risques en supprimant tout contrôle direct avec le personnage. Cette expérience dramatico-interactive à la sauce party game est bâtie sur une enquête noire trop classique pour en goûter toute l’amertume de son univers. Des choses intéressantes sont proposées comme le mode rivalité qui est tout somme fait un ajout passable qui a le mérite de proposer quelque chose de différent que d’être simple spectateur via l’interaction sociale qui influencera le cours de l’histoire et les mini-objectifs cachés. Le rythme est trop peu souvent ponctué de scènes dynamiques et un manque de choix plus variés vient ramollir l’intérêt de mener l’enquête. L’interaction est limitée avec son smartphone qui aurait pu être véhicule de nouvelles façons de jouer en utilisant l’appareil photo, le gyroscope ou encore taper du texte et j’en passe… Vendu une vingtaine d’euros à sa sortie, il serait bête de ne pas saluer cette tentative de changer la façon de jouer à un film interactif qui présage une piste possible vers de nouveaux party games plus complets à l’avenir. Croisons les doigts surtout pour un mode VR qui aiderait encore plus l’immersion pour les scènes de fouilles à titre d’exemple.
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