On peut dire que Runic a connu de nombreux déboires après la sortie de Torchlight 2 il y a de cela cinq ans. Après de multiples départs, le studio semble enfin sortir la tête de l’eau avec Hob, un nouveau projet ambitieux bien que reposant sur un petit budget. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les développeurs ont pris le temps de chouchouter leur nouveau bébé depuis son annonce, pour finalement le faire arriver fin septembre sur PC et PlayStation 4. Hob est donc un travail de longue haleine, aux augures de phénix pour le studio, qui compte sur cette jolie expérience pour repartir de plus belle. En nous proposant un monde fracturé, couvert de cicatrices, le parallèle avec l’histoire du studio est presque signifiant. Voyons ensemble si Hob saura bien recoudre les plaies.
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ToggleUne main de velours dans un gant de fer
Sous ses airs de petit chaperon rouge mixé au personnage emblématique de Journey, le petit Hob vit dans un monde en déperdition, dans lequel la nature semble être sous le joug d’un fléau mortel qui menace aussi bien les êtres vivants que les machines. A la suite d’un malencontreux accident, notre héros va perdre l’un de ses bras, mais sera aidé par un robot qui n’hésitera pas à sacrifier son propre bras mécanique pour le greffer au blessé. Maintenant armé d’un poing bien plus gros que lui, Hob va devoir prendre sa destinée en main pour parcourir le monde et mettre fin au cataclysme annoncé et réparer ainsi les rouages oubliés de Mère Nature.
Le jeu aurait parfois gagné à sortir de son silence ou à se montrer plus expressif, car le manque de narration se fait clairement sentir.
Par bien des aspects, Hob se situe dans la lignée narrative de nombreux indés populaires de ces dernières années, comme Ori and the Blind Forest, Journey et tant d’autres. En optant pour un jeu muet – si ce n’est quelques cris et exclamations, Runic nous plonge dans un univers mystérieux qui ne se laissera dévoiler que via l’interprétation, tant le flou autour de l’histoire de ce monde semble pousser. On regrette qu’à cause de son mutisme, l’intrigue ne donne pas plus d’indices sur le passé qui entoure cet univers, car si on peut sentir que de grands événements ont eu lieu, rien ne sera jamais confirmé ou même évoqué durant notre quête principale. La – double – fin rajoute à la confusion générale en étant presque bâclée et montre bien que Hob manque d’un souffle épique ou poétique qu’il aurait pu facilement insuffler. Quelques portes et fresques secrètes viendront quelque peu assouvir notre curiosité mais on sent clairement que le jeu aurait gagné à étoffer ne serait-ce qu’un peu sa narration, bien qu’elle ne soit pas le cœur du soft.
Une avancée dans le brouillard
Réparer le monde que nous offre le jeu constitue donc l’objectif principal, et amène avec lui de bonnes réjouissances. C’est à travers une suite de puzzles pas forcément retors, voire même assez simples d’accès, que vous serez amenés à progresser avec la ferme intention de remettre les circuits du monde en état de marche. Alors qu’il est aisé de comprendre comment fonctionne les rouages qui vous entourent, on ne peut pas dire que notre but soit, lui, bien établi. S’articulant comme un open world – avec de nombreuses zones à déloquer, l’univers de Hob peut parfois nous perdre un peu en nous proposant plusieurs chemins, sans jamais nous indiquer lequel est le bon. On finit par s’accommoder de cet état de fait, mais cela peut être assez déstabilisant durant les premières heures de jeu. D’autant plus qu’il ne faudra pas compter sur la carte, brouillonne et peu claire, et qui ne vous aiguillera pas davantage. C’est finalement à vous de tracer votre propre chemin, et une fois la surprise passée, on se laisse agréablement guider par notre instinct, si tant est qu’il ne nous conduise pas une énième fois dans un cul-de-sac.
Si le jeu peine à vous indiquer quoi faire exactement, il se révèle être plutôt intuitif lorsqu’il s’agit de résoudre les énigmes auxquelles nous sommes confrontés. Puisque tout est question de mécanismes, de leviers, d’électricité ou de flux d’eau, il vous suffit simplement de longer les lignes de courant présentes sur le sol pour éviter d’être trop déboussolé et perdu. En suivant l’un de ces bouts de circuits, vous tomberez forcément sur un casse-tête à résoudre, rendant l’exploration assez fascinante, vous laissant flâner d’une énigme à l’autre. Cette avancée naturelle apporte un petit aspect excitant à votre aventure, vous amenant à des endroits et des puzzles qui ne sont peut-être qu’annexes mais néanmoins si bien construits que vous aurez l’impression de continuer votre quête sans jamais en dériver. Un sacré bon point, qui ne conviendra pas aux malchanceux peinant à retrouver leur route.
Bien que relativement simples, les énigmes restent bien construites et la résolution de chacune apporte sa dose de satisfaction.
La relative simplicité de ces énigmes pourrait être considérée comme une faiblesse du soft, qui ne conviendra certainement pas aux plus exigeants, mais c’est pourtant toute la force de Hob. Rien n’est jamais véritablement facile, seulement logique. Avec cela, les puzzles parviennent à être résolus de manière complètement intuitive et sans jamais frustrer le joueur, en faisant toutefois appel aux neurones de ce dernier. Notre ami a aussi quelques atouts dans sa manche puisqu’il peut, grâce à son gant, se téléporter ou s’agripper sur certaines plateformes, ajoutant alors d’autres façons de progresser sans jamais engendrer de difficulté artificielle. Tout se fait naturellement dans Hob.
Le jeu a su trouver l’équilibre parfait auquel tant d’autres ne sont pas parvenus, et tout cela, il le doit à son level-design hautement réussi. Le monde qu’il présente est découpé en plusieurs parties, comme si les continents avaient été arrachés à leur base, vous laissant alors la tâche de rassembler toutes les pièces et de le reconstruire. En soi, le monde même est un puzzle, plus qu’un circuit électrique. Ce n’est qu’en reconnectant correctement les différentes parcelles que la nature pourra revivre et se remettre de ses fractures passées.
Il est temps de se poser un peu
Hormis la satisfaction d’avancer dans notre quête, soigner cet univers blessé apporte son lot de jolis paysages à découvrir, devant lesquels notre petit lutin à capuche ne reste pas insensible, et nous fait voir le lien qui l’unit à ce monde. A certains endroits, vous pourrez donc profiter d’une bulle de respiration devant une vue imprenable, magnifiée par l’excellente OST du titre qui rend parfaitement justice à l’onirisme visuel du titre. Même si elle est relativement discrète la plupart du temps, elle parvient à nous laisser quelques bouts de mélodies en tête, immédiatement reconnaissables. Un excellent cru qui ne faiblit jamais, et qui aurait peut-être mérité d’être davantage souligné durant les moments forts du jeu.
La bande-originale accompagne avec discrétion votre progression, mais saura tout de même vous rester bien en tête.
En revanche, malgré cette douce poésie qui flirte avec nos oreilles et une direction artistique inattaquable, on ne peut qu’être déçu de constater que le jeu souffre de gros soucis de framerate sur PlayStation 4 durant certaines séquences. Les passages contenant trop d’éléments à l’écran – notamment dans la zone de la forêt – font drastiquement baisser les performances du titre, à tel point qu’il en devient presque injouable si cela intervient lors des phases de plateforme. En témoigne la « cinématique » qui précède la confrontation finale, qui ne devait pas tourner à plus de quinze FPS sur notre console. Malgré cela, difficile d’en vouloir véritablement au jeu, car le monde qu’il nous propose possède une identité visuelle si forte et un level-design si remarquablement bien construit qu’on oubliera très vite les brefs soucis de performance.
J’ai plus d’un tour dans ma capuche
Mais Hob n’est pas que contemplation, puisqu’il recèle également d’éléments ludiques convaincants, bien que perfectibles. Pour progresser au sein de ce monde, le petit personnage ne fera pas que manœuvrer des leviers ou actionner des mécanismes, mais il devra aussi compter sur ses jambes frêles et sa toute nouvelle paluche. Le jeu ne met jamais véritablement l’accent sur le côté plateforme afin que ces phases ne paraissent pas trop superficielles, mais cet élément constitue une grande part du design de Hob. Ici, on reste sur quelque chose de simple, à l’instar des puzzles, en offrant une maniabilité agréable et rapide qui permet de progresser rapidement à travers les différentes plateformes. Malheureusement, quelques ombres viennent ternir le tableau comme le fait d’avoir opté pour une caméra fixe, qui complique artificiellement ces phases. Tomber et mourir à cause d’un saut raté car la caméra a du mal à rendre compte des distances et de l’angle du personnage est quelque peu agaçant.
L’autre pendant omniprésent de Hob, bien qu’optionnel, repose sur l’aspect RPG du titre et les combats qu’il nous propose. Encore une fois, cette facette du jeu est construite avec simplicité mais elle se révèle être finalement plus efficace que les phases de plateformes. Assez surprenants au début, les combats prennent vite une place importante dans notre aventure. On finit par s’habituer aux mécanismes basiques inspirés par des influences bien connues comme Zelda, mais aussi à être surpris par l’aspect viscéral – somme toute relatif – que peuvent prendre ces affrontements. Armé de votre épée que vous pourrez upgrader au fil du temps ainsi qu’un bouclier de fortune, vous serez amenés à confronter différents types d’adversaires, souvent bien plus imposants et résistants que vous, alors que rien ne vous oblige à les affronter. Aucun ennemi, si ce n’est un ou deux, ne vous bloquera le chemin, mais il serait dommage d’éviter cette composante qui donne un certain intérêt à nos pérégrinations.
Si les combats font bien partie de l’expérience globale du jeu, ils sont tout à fait annexes, bien qu’intéressants.
Comme dans tout RPG qui se respecte, vous aurez donc accès à de nombreuses compétences pour défaire vos ennemis en plus de votre lame mécanique. Cela ne suffit pas à donner une véritable profondeur au système de combat mais permet d’ajouter une dose appréciable de dynamisme et de complexité. De plus, Hob reste un être rachitique et plutôt faible, faisant de vous une proie facile et susceptible de tomber au moindre coup d’épée. Il n’est pas rare d’échouer et de perdre toutes nos barres de vies en recevant un simple coup asséné avec grande violence sur notre petit héros. La prudence est donc de mise, et chaque coup porté sera essentiel dans les batailles à mener.
Le jeu n’est pas punitif pour autant, puisqu’à l’inverse, il montre une certaine clémence lors des roulades et esquives, qui rendent notre personnage invincible si on sait aisément doser les distances. Votre toute nouvelle main ne vous aidera pas non plus qu’à ouvrir toute sorte de mécanismes, mais aussi à frapper vos ennemis pour leur ôter leur armure, ou bien encore pour vous téléporter instantanément derrière eux. Le constat à mener est donc globalement positif, bien qu’annexe. Cette particularité est tout à fait représentative du jeu en lui-même : Hob prend le pari de ne pas choisir de confondre la ligne opaque entre ce qui est principal et ce qui est secondaire, ce qui rend cette aventure incroyablement intuitive et propre à chacun.
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