Malgré l’arrivée imminente du remake d’un second volet adulé, on peut affirmer sans détour que Silent Hill était en situation de mort cérébrale depuis une dizaine d’années. Il y avait une pièce à miser sur son retour, mais personne n’aurait pu prédire quelle voie allait prendre Konami. Ainsi, ils sont nombreux, sur la décennie passée, à avoir essayé tant bien que mal de prolonger l’héritage de cette série disparue, en espérant, si ce n’est atteindre son niveau, lui rendre hommage d’une jolie façon. Hollowbody est de ceux-ci, choisissant peut-être un peu mal son créneau de sortie cela dit…
Développé par le studio indépendant Headware Games, dont c’est le troisième projet après un Chasing Static et un Guard Duty n’ayant pas fait grand bruit, Hollowbody s’inscrit dans une démarche nostalgique. Il embrasse non seulement l’héritage de la franchise susnommée de Konami, ce que nous ne manquerons pas de développer dans ces lignes, mais se positionne aussi comme une lettre d’amour aux Survival Horror des deux premières PlayStation. De quoi lui conférer un capital sympathie évident, d’autant plus dans la mesure où l’essai nous semble transformé.
Conditions de test : Nous avons passé environ sept heures sur le titre, via une version Steam envoyée par l’éditeur, ce qui nous a permis d’atteindre l’une des fins et de relancer le New Game + afin de nous essayer au mode de difficulté à débloquer. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
Melting Pot
Hollowbody nous plonge dans un monde dystopique, à une époque peu éloignée, mais néanmoins futuriste. La Grande-Bretagne a été le théâtre d’un incident sans précédent, laissant toute une partie de sa côte ouest enfermée derrière de solides murs d’apparence inviolables. Soixante ans plus tard, cette zone de non-droit est toujours interdite au public, et l’humanité n’a pas attendu pour s’armer de technologies toujours plus poussées. Ainsi, après une introduction peu engageante, mais néanmoins intrigante, on découvre brièvement des décors qu’on croirait presque tirés du Blade Runner de Ridley Scott, mis en scène d’une manière qu’il ne renierait pas.
Premier bon point, le titre de Headware Games sait poser son ambiance, et n’a pas peur de prendre son temps, malgré sa faible durée. Durée qui, de toute façon, demeure à relativiser, puisque Hollowbody est vendu moins de 20 euros. Précisons néanmoins qu’en ce qui nous concerne, nous avons atteint les crédits une première fois en environ cinq heures de jeu, sans nous presser. Mais nous n’avons néanmoins pas eu l’impression d’une fin abrupte, et sommes plutôt partis sur la sensation que le jeu avait raconté ce qu’il avait à raconter, un point c’est tout. À côté de cela, plusieurs fins sont disponibles, au même titre qu’un New Game + et un mode de difficulté à débloquer.
Autre point positif donc. D’autant que si le récit n’est pas ce qui se fait de plus élaboré dans le genre du Survival Horror, il bénéficie toutefois d’idées rafraîchissantes et d’une mise en scène réussie, essayant pas mal de petites choses. Tout n’est pas parfait, et on sent que le développeur a un brin tâtonné par moments. Mais la bonne volonté fait beaucoup dans ce projet qui déborde d’intentions. On notera par exemple de bonnes idées dans les placements de caméra, qui rappellent beaucoup ce que proposaient les Resident Evil de la PlayStation, ou Code Veronica. Et bien sûr cet aspect nébuleux que revêt la trame, et qui n’est pas sans évoquer Alone in the Dark ou Project Zero.
Les influences sont nombreuses, et il est impossible de ne pas faire le parallèle avec la franchise Silent Hill, encore une fois. Que ce soit au niveau de son bestiaire, limité mais réussi, de son aspect sombre et brumeux en extérieur, de son cadre urbain désertique, ou encore, plus évident, de son système de sauvegarde qui se pare d’un écran rouge intégral. Silent Hill 2 n’est pas loin, et c’est tant mieux, car derrière ces emprunts le titre n’a pas à rougir de son statut indépendant, et aurait parfaitement pu sortir sur une PlayStation 2 en pleine force de l’âge.
Colline silencieuse
Cela étant dit, tout n’est pas parfait, et la première impression laissée par le prologue jouable n’est pas excellente. La prise en main est perfectible, et la caméra non libre sonne plus Has Been que Old School, si vous saisissez la nuance. Ajoutez à cela les animations assez ridicules du personnage que l’on incarne alors, puis de l’héroïne principale, et vous obtenez de premières minutes un poil difficiles. À noter que les puristes pourront opter pour les contrôles Tank, façon Resident Evil sur PlayStation là encore. Une excellente idée, d’autant que cette possibilité se coche et se décoche simplement en entrant dans les options, à tout moment dans le jeu.
On comprend vite que le titre souffle le chaud et le froid niveau gameplay, avec une caméra qui perd souvent pied et peut nous mettre en difficulté. Mais aussi avec ses combats au corps-à-corps qui rappellent, et ce n’est pas un compliment, ceux du Silent Hill 2 de la PlayStation 2, qui sont rétrospectivement assez imbuvables. Heureusement, Survival Horror oblige, les ennemis peuvent la plupart du temps être esquivés, ce qui permettra de toute façon d’économiser de précieuses munitions. Cela étant dit, comme un petit aveu d’échec, le jeu dispense de nombreux items de soin, histoire de minimiser la frustration que ses affrontements un peu cassés peuvent engendrer.
En bon Survival Horror à l’ancienne, Hollowbody nous poussera malgré lui à fuir ses affrontements et à pester un peu lorsqu’ils seront inévitables. Mais il a heureusement de nombreuses cordes à son arc, avec pour commencer une ambiance qui fait rapidement mouche. On se sent seul, acculé, et les environnements, autant clos qu’extérieurs, font régulièrement froid dans le dos. Son univers est original, et si sa progression est relativement prévisible, la faute à une recette académique, cela n’empêche pas Hollowbody de surprendre par moments. Notamment à la fin, mais aussi en nous permettant parfois d’entendre des passages tragiques de la vie d’habitants de cette zone désolée.
À côté de cela, Hollowbody propose la recette classique du Survival de l’époque PS2. Avec une progression relativement linéaire, mais nous contraignant à explorer ses différentes zones de fond en comble avant de pouvoir avancer. Mais aussi avec des énigmes environnementales qui fonctionnent plutôt bien, même si nous émettons un petit bémol quand à l’utilisation du clavier numérique, dans le premier lieu clos que l’on visite. Enfin, le titre est aussi immersif, et jouit de belles idées visuelles, en dépit de sa technique dépassée, ainsi que de doublages en anglais de très bonne facture, favorisant l’implication dans cette histoire étrange.
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