Il y a des jeux qui ne font pas du tout parler d’eux et qui pourtant sortent tout de suite ou quelques semaines après leur première apparition publique. On pense notamment à Hi-Fi Rush qui a eu droit à son shadow drop immédiatement après une conférence Xbox. Le cas qui nous intéresse aujourd’hui est un petit peu différent. Annoncé en grande pompe lors d’un State of Play signé PlayStation en février dernier, Humanity s’apprête à remplir notre disque dur sur PC via Steam, PlayStation 4 et PlayStation 5 dès le 16 mai prochain. Le jeu est également compatible avec les casques de réalité virtuelle PSVR et PSVR 2 de la marque nippone et sera inclus dès son lancement dans le PlayStation Plus Extra et Premium, chose assez rare dans l’abonnement de Sony.
Bien que l’on pense que ce projet sorte d’on ne sait où, on se rend facilement compte que cela fait désormais plusieurs années que les développeurs japonais de tha ldt. travaillent dessus, puisque l’on retrouve des traces de prototypes datant de 2017 sur le site officiel du studio. Un développement dans l’ombre donc, jusqu’au grand reveal dans la conférence de PlayStation. Il faut dire que son concept a de quoi étonner : des dizaines de niveaux différents où il vous faut guider des cohortes d’êtres humains errants sans but, dans un jeu hybride mélangeant puzzle-game et narration. Et on se rend compte aisément que ce projet un peu différent a finalement du chien.
Conditions de test : Nous nous sommes tordus les méninges durant environ 13h sur PlayStation 5, le temps de terminer le mode histoire de Humanity et d’essayer quelques niveaux de la communauté.
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Toggle« Un jour, je me suis réveillé dans le corps d’un chien »
Dans Humanity, vous contrôlez ce qui semble être un humain réincarné en un Shiba Inu, une race de chien provenant essentiellement du Japon, représenté tout en blanc sous la forme d’une âme errante, et transporté dans un monde parallèle étrange en vue de guider des hordes d’êtres humains égarés vers des puits de lumière. Ce postulat posé, on ne peut s’empêcher de faire tout un ensemble de métaphores relatives à des croyances notamment religieuses, bien que le jeu n’osera jamais vraiment mettre les pieds là-dedans.
Mais finalement, quand l’on creuse davantage l’histoire qui nous est exposée, on se rend vite compte qu’il s’agit plutôt d’un rite initiatique, sous forme d’épreuves, afin de prouver que notre conscience est pure et suffisamment alerte pour guider autrui. Nous vous divulguons volontairement la finalité de cette affaire mais force est de constater que le jeu cherche à nous faire prendre conscience de comportements inadaptés au sein même de notre civilisation, représentée ici par des êtres inanimés et ne possédant plus de conscience, suivant les indications tels des moutons, annihilés, acculés et même à la merci de machines impitoyables.
Au travers de plus de 90 niveaux, tous différents, vous allez devoir utiliser vos pouvoirs de suggestion pour indiquer aux cohortes d’êtres humains de vous suivre pour gagner le point d’arrivée. A vous d’utiliser votre palette de pouvoirs différents, débloqués au fil de l’aventure allant du simple virage à positionner, à l’arme pour se défendre, mais aussi des sauts, des arrêts etc., pour se frayer un chemin parmi les multiples dangers peuplant les plateaux de jeu, dont le principal, le vide, les niveaux ayant lieu en lévitation dans un espace aux décors changeants.
Rassurez-vous, faire tomber vos humains ne vous causera pas, pour la plupart des niveaux, de tort immédiat, hormis les niveaux où vous devrez sauver tous les humains présents. Ces milliers – millions même – d’humains apparaissant à l’infini par de petites portes immaculées de blanc. A noter que dans la plupart des niveaux, il vous faudra diriger ce flot ininterrompu vers l’arrivée pour valider les niveaux.
Mais il ne faut pas uniquement réduire Humanity à sa dimension casse-tête, parce que le jeu dispose d’un véritable scénario, qui n’est d’ailleurs, pas si désagréable et cliché à suivre que ce que l’on aurait pu croire. D’abord, car votre chien, vous, se demande pourquoi il est ici, qui sont ces gens et quelle est sa mission. Mais aussi parce qu’à de multiples reprises, vous allez engager une conversation avec de mystérieux noyaux, dotés d’intelligence et de parole, et qui se porteront en personnages omniscients, conscients de la mission qu’ils vous demandent.
Le mode histoire est découpé en un ensemble d’une petite dizaine de séquences, toutes au thème différent, incorporant de nouveaux pouvoirs ou de nouvelles obligations pour résoudre les puzzles. Certaines de ces séquences seront entrecoupées de niveaux de boss, dont deux « combats » plutôt bien fichus. Toutes ces séquences sont composées par ailleurs d’un fil conducteur vous venant au niveau final de celle-ci, avec plusieurs niveaux annexes, et donc non obligatoires, même si nous allons voir que ce n’est finalement pas exactement la vérité.
Un mal de tête en perspective
En effet, pour débloquer le niveau final de chaque séquence, vous allez devoir récolter des Goldy, sortes d’être humains en or, qu’il vous faudra ramasser grâce à vos humains téléguidés, mais aussi protéger des attaques ennemies, pour atteindre l’arrivée, certains niveaux étant exclusivement soumis à la récolte d’un ou de plusieurs Goldy. Ces récompenses faisant offices d’étoiles dans un jeu classique (valider le niveau vaudrait une étoile, puis chaque Goldy récolté vous rapprochant de la perfection), celles-ci vous aideront également à gagner divers gains pour progresser.
Au début, ces Goldy vous permettront de débloquer une caméra libre, mais aussi de mettre le jeu en pause, ou encore de débloquer divers skins pour vos humains pour un total de 150 Goldy, récompenses perdant malheureusement en saveur et intérêt au fil du jeu. Mais nous le disions donc, un nombre nécessaire de Goldy est demandé pour valider la séquence, ce qui vous forcera à rejouer les niveaux et même les facultatifs pour y parvenir, vous laissant finalement une part de liberté dans les niveaux que vous voulez réussir absolument, le nombre total de Goldy étant supérieur aux attentes.
Une fonctionnalité qui s’avère payante car nous forçant à réfléchir encore plus pour récupérer tous ces personnages faisant penser aux Oscars du cinéma, quitte à provoquer quelques maux de tête si vous réfléchissez pendant de longues minutes sur un puzzle. Et il y en aura des occasions de vous triturer la cervelle : zones de nage, attaques ennemies, ventilateurs, machines infernales qui vous foudroient sur place, plateformes mouvantes etc.. Tout est fait pour vous faire recommencer des tonnes et des tonnes de fois jusqu’à trouver la combinaison parfaite, y compris dans la rapidité des temps de chargement presque immédiats.
Heureusement, les développeurs ont pensé à tout et ont implémenté une option vous permettant de visionner une solution vidéo du puzzle en cours. Chaque solution visionnée est consignée dans vos statistiques histoire de ne pas vous venter pour rien, mais rien ne vous empêche de les visionner à l’envi pour vous en sortir. Certains pourraient penser que cela nuit à l’ambiance et à l’intérêt du jeu, mais chaque joueur et joueuse est ainsi capable de gérer son jeu (et sa frustration) comme il l’entend, ces aides étant bien entendues facultatives et non pénalisantes. A noter que ces aides vous montrent le chemin le plus direct pour accéder à l’arrivée en toute sécurité, mais que la plupart du temps, celles-ci ne vous montreront pas la solution pour obtenir tous les Goldy du niveau, ce qui reste un compromis somme toute pertinent.
Changeons de sujet pour notamment signaler qu’en marge de ce scénario qui vous tiendra en haleine au moins une douzaine d’heures si vous n’utilisez pas trop l’aide fournie, se trouvent des niveaux composés par la communauté. Pour l’heure principalement composé de niveaux produits par l’équipe de développeurs, ce mode a pour vocation de laisser parler la créativité des joueurs et joueuses pouvant mettre en ligne leurs productions, un peu comme feu-Dreams le proposait dans sa période active. A noter que vous pouvez également vous essayer vous-même à la création de puzzles grâce à l’éditeur de niveaux, complet et pas mal fichu, pour mettre en exergue votre sadisme envers vos compères.
Coupez-moi cette musique !
Au niveau de la technique, nous n’avons rien à dire concernant Humanity. Les développeurs de tha ltd. ont fait un beau travail d’optimisation, l’ensemble étant très fluide sur PlayStation 5 et sans aucun bug apparent. Les effets visuels sont magnifiques, les hordes d’humains, surtout lors des niveaux charnières sont incroyables également, bref du beau boulot relevant presque de l’artistique lors de certaines phases où les enchevêtrements des flots humanoïdes créent des formes satisfaisantes.
Néanmoins, nous pensons savoir pourquoi le jeu tourne uniquement sur PlayStation 5 : le nombre de personnages à l’écran étant sensiblement élevé, cela aurait pu nuire à la fluidité de l’aventure, notamment parce qu’il vous faudra parfois réagir vite, ou tourner la caméra dans tous les sens pour trouver la suite du chemin à parcourir, le compromis de la nouvelle génération est ainsi compréhensible.
Nous n’avons par ailleurs pas pu tester la version PSVR2 ou PSVR du titre, mais nous ne serions pas étonnés d’être confrontés par un ensemble de contraintes liées à la caméra ou à la maniabilité, comme cela peut déjà être le cas dans la version console classique.
Un point concernant ce qui nous a le plus déplu dans cette production qui dénote des habituels puzzle-game : la musique. Navrés mais nous avons à maintes reprises couper le son de notre téléviseur, tant les musiques choisies, peu nombreuses par la même occasion et répétant les mêmes accords et notes en boucle, nous déconcentraient et nous cassaient les oreilles à cause d’un mixage approximatif, loin de l’effet de calme recherché. Seule l’une d’elles étaient moins pénible à entendre, nous forçant à la changer manuellement (heureusement que le menu le permet), dès que nous le pouvions, alors qu’a contrario, le sound design est plutôt bon.
Dans un autre registre, nous l’avons vu, Humanity n’est autre qu’un gigantesque puzzle-game, qui n’hésite pas parfois à faire le parallèle avec d’autres monuments du jeu vidéo comme Tetris ou Snake. En effet, tantôt vous devrez demander aux humains de vous suivre, faisant une file indienne qu’il vous faudra contrôler, tandis qu’un puzzle vous demandera de composer un chemin à l’aide de pièces de différentes formes. Un petit clin d’œil sympathique puisque Humanity est notamment dirigé par le directeur artistique et designer Yugo Nakamura et le célèbre créateur de jeux vidéo Tetsuya Mizuguchi (déjà à l’œuvre sur Rez Infinite et Tetris: Effect notamment) pour le même éditeur.
Mais les références ne s’arrêtent pas là : telle une guerre des étoiles, vos humains (appelés les Uns quelquefois) devront se battre contre les Autres venus d’ailleurs pour les empêcher de rejoindre la lumière, à coup de ce qui semble être un sabre laser, quand il ne s’agit pas d’armes à feu. Au global, nous le disions, le discours est plutôt tourné sur la prise de conscience de l’être humain comme s’auto-détruisant et n’agissant pas forcément pour le bien de la communauté.
Le final, grandiose du point de vue technique et artistique, met un point d’honneur à exprimer l’importance de la conscience collective et du savoir-vivre ensemble, avec finalement, le même but pour tous : réfléchir ensemble pour sauver l’humanité de sa propre destruction. Comme quoi, finalement, ce n’est peut-être pas si difficile de vivre tous ensemble.
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