Le trailer d’Illusion : A Tale of the Mind aura su captiver l’attention avec une bande-annonce proche, au premier abord, de l’univers d’Alice : Retour au pays de la Folie. La formule attire la curiosité pour s’embarquer dans une aventure, découpée en trois chapitres, mêlant exploration et puzzle-game dans un univers fantaisiste sombre et surréaliste.
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ToggleLes méandres de l’esprit
C’est ainsi qu’on se retrouve aux commandes de la jeune Emma qui se retrouve captive dans l’esprit d’un homme torturé par les sombres dessins qu’engendre la jalousie. Frima Studios nous propose un récit beaucoup plus mature que ses visuels enchanteurs nous laissent paraître. Ici, nous sommes prisonniers au cœur d’un esprit malade qui nous permettra d’explorer des thèmes tels que le subconscient, la dépression, l’indifférence ou encore l’amélioration de soi. L’esprit humain est tout de même plus complexe et laisse apparaître des sujets auxiliaires tels que l’alcool, le deuil ou les ravages psychologiques que peut engendrer la guerre. Bien que l’essence du jeu soit peu joviale, la substance intellectuelle qu’elle aborde ne va pas assez loin dans son développement et laisse un arrière-goût d’un manque de volonté de creuser encore plus loin les thématiques. En collaboration avec Groupe PVP, la narration de cette aventure se voit projetée au rang de dark fantasy par sa formule ludique par l’exploration dans un environnement fermé et interagir avec quelques éléments du décor ainsi qu’une qualité audiovisuelle élaborée avec soin.
« Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, beaucoup se laissent tromper par les apparences. »
Au réveil d’Emma, elle est accompagnée par un petit lapin en chiffon (parfois agaçant, à la Navi..!) qui endosse le rôle de gardien protecteur et de guide. Les deux compagnons devront d’une part donner un sens à leur présence dans ce monde fantastique, d’autre part résoudre les nombreuses énigmes qui habillent les décors issus de l’esprit d’un homme qu’ils ne connaissent pas. Le level-design arbore un style surréaliste par l’interprétation des souvenirs et sentiments de cet homme appelé : Euclide (on peut comprendre sa dépression). L’irritante petite créature, appelée Toupin, interviendra parfois durant le jeu de sa petite voix innocente pour vous encourager dans la résolution d’énigmes ou vous donner un indice pour vous mettre sur le droit chemin. Outre le fait que Toupin n’est pas à 100 % fiable dans son soutien verbal il se peut qu’il soit complètement à côté de la plaque… mais comme on dit : l’important c’est de participer ! En quelque sorte c’est au joueur de se débrouiller et d’arpenter les décors à la recherche de la solution qui pourra dénouer la situation. Fort heureusement le niveau des énigmes n’a rien d’exceptionnellement compliqué une fois assimilée l’idée de leur résolution par la perspective ou de jeux de lumière : voire les deux.
Découvrir l’histoire des personnages et leur relation intrinsèque reste le fil conducteur du jeu malgré sa courte durée de vie.
Le level-design d’Illusion : A Tale of the Mind est plutôt solide malgré quelques fragilités dans sa conception. Le récit est fragmenté par une série de défis sous forme de casse-têtes à la difficulté croissante qui permet de progresser plus loin dans l’esprit du pauvre Euclide. Ces défis ont leur importance car c’est une métaphore envers les blocages psychologiques qu’un individu peut inconsciemment s’infliger après un chamboulement émotionnel. Les puzzles qui permettent à Euclide de se remémorer son histoire et progresser dans le scénario jonglent sur trois types de résolutions. La recomposition d’une figure désagencée sera la première forme d’énigme à revenir régulièrement sur le tapis, il faut simplement reconstituer l’image cachée dans la bouillie de formes et de traits que le défi présente à l’écran. Une variante de cette énigme consistera à utiliser la perspective de la caméra pour constituer les traits d’une image en surbrillance dans le décor.
La caméra n’est pas contrôlable, il faut alors trouver le bon angle de caméra prédéterminé en positionnant son personnage au bon endroit dans le décor pour pouvoir interagir avec la perspective. La deuxième forme de défi sera de reconstituer l’ombre projetée sur une surface pour dévoiler un objet en pivotant plusieurs instruments sur leur axe afin que la somme des ombres dessinent l’objet recherché. Et pour finir, la perspective sera une nouvelle fois utilisée pour le troisième forme de casse-tête mais un petit plus vient corser la donne : des petites balises colorées (sans doute des neurones) sont disposées dans le décor et interagir avec elles disposera certains objets différemment. Le fait de pouvoir faire bouger à des endroits prédéfinis certains éléments du décor permet, avec la perspective, de dévoiler des objets clés à la réussite de l’énigme ainsi que de pouvoir progresser dans l’aventure. Il y a pourtant une exception, deux casses-têtes sont présents uniquement dans le deuxième chapitre qui seront absents du reste jeu : un jeu de lumières à disposer adéquatement pour révéler un dessin et des machines qui émettent un son incompréhensible sauf si l’on tend correctement l’oreille et que l’on place Emma au bon endroit pour entendre clairement des aveux inavouables.
La frustration par les séquences où il faut déplacer Emma sans faute sur un chemin prédéfinis est indescriptible !
Chaque puzzle a un sens au sein du récit, ce sont des interprétations de l’état émotionnel d’Euclide qui s’est renfermé en lui même, dépassé par les événements et sombrant dans la dépression, ses souvenirs s’en voient détournés et disloqués.
L’émotion issue du vécu
Illusion : A Tale of the Mind est donc une aventure narrative avec une suite de péripéties bien intéressantes et surtout bien interprétées graphiquement. Ce que l’on pourrait reprocher à part un moteur technique parfois imprécis dans sa gestion de collision ou de programmation (crash windows), c’est que le cadre que le jeu propose n’est tristement pas des plus originaux. Le récit nous projette rapidement dans la ville de Paris stéréotypée des années vingt par son romantisme abusif décadent, mais également par l’univers du cirque et plus cyniquement celui de la Première Guerre mondiale. Le contexte rapidement mis en place par ces thématiques, se développe en une histoire d’amour touchante remplie de bons sentiments dépréciés par la convoitise, la rage et la rancœur. Une histoire qui arbore à tout point de vue les tons de bohème, d’une simplicité déconcertante mais vraie et candide se voit partir à la dérive et sombrer dans le vice du monde adulte.
« Lorsqu’il était en guerre, la seule chose ayant aidé Euclide à demeurer sain d’esprit était une photographie… »
De son regard innocent, la petite Emma se retrouve au beau milieu d’un drame de jalousie basée sur un triangle amoureux entre Euclide, une femme nommée Marion et l’illusionniste Francis. L’héroïne est au contact avec la perversion de l’âme adulte avec sa vision totalement vierge du concept de guerre ou d’alcoolisme et tente de comprendre la descente aux enfers d’Euclide sans pour autant réellement saisir les tenants et aboutissants des sujets. Ce triangle amoureux est un simple archétype maintes fois reproduits dans d’autres histoires du cinéma ou même de jeux : un vrai West Side Story vidéoludique ! Chacun des protagonistes devient attachant par son histoire, la sensibilité de l’écriture nous touche et parvient à nous renvoyer des émotions qui nous sont à tous reconnaissables tels que l’amour, la joie, la jalousie, l’amitié forte ou la haine.
« Pendant la guerre, Euclide faisait d’incessants cauchemars où Marion restait coincée sous de lourds débris suite à un bombardement. »
Petit à petit elle réussit à passer les obstacles qui se dressent sur son chemin par la pureté de sa bonté sans limites et plus tard, le courage qu’il lui faut pour regarder en face un vice qui ronge le subconscient d’Euclide, torturé par ses sentiments. L’esthétique surréaliste du monde forgé par l’esprit d’Euclide renvoie constamment à l’état psychologique de ce dernier. Les décors sont en accord avec le sujet et les sentiments pour créer un vrai labyrinthe dont il faudra trouver le moyen de s’échapper afin de donner la lueur d’espoir qui nous pousse tous à nous dépasser lors de la traversée parfois trop fastidieuse de la vie. Les états de corruption identifiables par les fluides noirs visqueux et des mains sectionnées rampantes au plancher sont le cauchemar de chaque phase d’exploration, notamment à cause d’une maniabilité bancale du personnage : la précision des déplacements reste la plupart du temps assez approximative…
Les phoniques ambiantes
L’aspect sonore d’Illusion : A Tale of the Mind est la partie la plus satisfaisante malgré sa discrétion trop prononcée ! La musique est principalement composée à base de notes jouées au piano nous propulsant instantanément dans un cabaret issu des années 1920. Les compositions mêlent la douceur des mélodies à la noirceur du contexte dépeint. Lorsque l’on y prête une oreille attentive, les transitions de musiques se font sans accrocs : l’évolution d’une musique calme à un thème beaucoup plus tendu réussit à définir la présence d’un personnage hors de l’écran. C’est une bonne chose d’avoir su faire vivre les cadrages par une ambiance sonore très réussie. Les prestations vocales sont de bonne facture, surtout en anglais avec cet accent français stéréotypé mais tellement bon qu’on leur pardonne notre dénomination de « french frogs ». La voix déformée du mal qui réside dans l’esprit d’Euclide est délectable tant elle transpire d’impureté et son désir de résider indéfiniment dans ces lieux en devient abject tellement c’est bien restitué. Emma et sa fidèle peluche restent en tout point de vue l’incarnation de l’innocence par leur voix fragiles résonant avec l’insouciance de l’enfance.
C’est en tout point un réalisation vraiment charmante dans son ensemble par la bande-son bien inspirée qui restitue une vague d’émotion à chaque note. Dommage malgré tout que Toupin soit doté d’intonations aussi agaçantes…
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