S’il est une chose à laquelle l’on commence à être habitué, c’est bien l’ambition des jeux de Paradox Interactive. Avec Imperator Rome, sorti ce 25 avril 2019, le studio suédois compte bien remettre le couvert en nous proposant un titre toujours aussi puissant. Le jeu nous plonge dans la montée en puissance de la république romaine, où vous devrez aider le pouvoir en place. Reposant sur des mécaniques politiques, militaires et stratégiques, le joueur aura moult moyen de s’élever et faire grandir la puissance de sa nation. Le désir de faire toujours plus des développeurs continue d’exister à travers ce nouvel opus. En effet, la carte se montre encore plus détaillée, allant de l’Irlande jusqu’aux confins de l’Inde. Dès lors, on comprend très vite que le soft de stratégie en temps réel emprunte énormément à ses grands-frères.
Europa Universalis IV, Crusader Kings II, Victoria ou encore Hearts of Iron, cette nouvelle proposition reprend moult bonne idées et mécaniques à tous ces titres. Mais, ce mix de toutes ces idées prend-il vraiment ? Avons-nous là le titre le plus complet de l’histoire du studio, ou bien sommes face à une tentative ratée, où vouloir trop en faire a ruiné le titre ?
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ToggleImperator Rome, le melting pot de Paradox ?
Avec un fond semblable à EUIV, les populations de Victoria, la gestion des personnages de CKII et la gestion des armées de HoI, Imperator Rome a tout pour réussir. Mais, si le titre arrive avec la même quantité d’éléments à gérer qu’EUIV, un problème apparaît très rapidement. En effet, pas mal des outils présents dans les autres jeux ont disparu, perturbant grandement les habitudes des joueurs chevronnés du studio. Et malheureusement, ce sont des outils très utiles au déroulement d’une partie, comme « l’annuaire » des nations par exemple. D’ailleurs, des menus plutôt importants, comme le soutien ou non du Sénat sur vos décisions sont enfouis dans les tréfonds d’autres sous-menus parfois bien compliqués à (re)trouver.
De ce fait, légion d’informations deviennent peu visibles, ralentissant et cassant le jeu à chaque fois qu’il faut se mettre en quête de détails. Bêtement, trouver des informations sur chaque unité ou chaque bâtiment devient chronophage et plutôt casse-gueule. Donc oui, l’interface d’Imperator Rome est probablement la plus grosse faiblesse du titre. Fort heureusement, Paradox Interactive a rendu cela coutume, les jeux ne cessent de s’améliorer à grands coups de mises-à-jours et de DLCs. Reste à voir quand est-ce que cette reconstruction de l’interface aura lieu.
Ce faux-pas est partiellement rattrapé grâce au système de combat de cet opus. Au diable les « qui a la plus grosse ? » et bonjour un système plus poussé. Avec un joli nombre de types d’unités, allant de l’infanterie légère aux éléphants, chaque unité possède ses spécificités et il sera nécessaire de tout bien gérer afin d’envoyer la bonne armée combattre l’ennemi. Des tactiques peuvent aussi être choisies pour octroyer bonus et malus à vos troupes. Ces dernières sont influencées par les unités présentes dans l’armée en question.
Dès lors, le jeu privilégie l’observation, la préparation et la tactique lors de la guerre. Les bonnes unités et la bonne tactique peuvent rapidement vous donner l’avantage contre un ennemi plus nombreux. De quoi rendre chaque nation intéressante et proposer des challenges bien différents. Cependant, le joueur sera assez rapidement livré à lui-même pour découvrir toutes ces spécificités.
En effet, le tutoriel passe en revue les informations importantes, mais n’entrera jamais dans le détail. C’est comme si l’on vous apprenait à dessiner sinus et cosinus, sans jamais vous dire ce qu’est une abscisse et une ordonnée. D’ailleurs, ne comptez pas sur le soft pour vous expliquer comment jouer avec les tribus ou les monarchies, car seule la république sera proposée dans le tutoriel. Choix plutôt étrange lorsque l’on sait que les trois types de gouvernements ont des caractéristiques et offrent des choix bien différents. Quoi qu’il en soit, c’est au joueur d’apprendre presque tout de son propre chef.
De plus, l’énorme carte proposée ne facilitera pas la vie des nouveaux arrivants. Par contre, on peut dire qu’un pareil terrain de jeu rend chaque instant plus intense. Le nombre de «cases» présentes sur la carte est bien supérieur à ce que l’on peut voir habituellement, et chaque région recèle de surprises qui pourront faire changer le cours d’une bataille. Bonus/malus de terrain et attrition seront le maître de mot lors de la préparation des combats, mais aussi de vos voyages dans les territoires de vos adversaires.
Et, pour ajouter une note positive à ce monde bien détaillé, chaque région rend hommage à l’endroit où elle se trouve. Des territoires verdoyants de Rome, jusqu’aux déserts arides et meurtriers bordant le Nil, les détails n’ont pas été oubliés. Ajoutant une petite impression d’immersion dans le jeu, la carte reste aussi un élément tactique à ne pas sous-estimer, surtout lorsque l’on s’extasie devant la beauté des territoires grecques. Voici l’une des grandes forces d‘Imperator Rome, à n’en pas douter.
La politique, le cœur de ce lancement
Si nous avons déjà pu préciser que l’aspect politique joue un énorme rôle dans Imperator Rome, ce dernier est extrêmement poussé et très bien pensé par le studio. Il suffit de voir à quel point le Sénat peut vous mener la vie dure lorsque vous décidez d’incarner Rome pour le comprendre. Entre opposition à vos guerres ou lois, vous assurer leur soutien est la pierre angulaire de votre réussite. Si cela peut parfois sembler lourd niveau gameplay, c’est un très bon moyen d’ajouter de nouvelles choses à faire lorsque vous n’êtes pas en guerre. Après tout, la conquête de territoires est toujours le centre de vos activités, mais la paix est parfois nécessaire.
C’est en ce sens qu’Imperator Rome est plus abouti que son grand-frère EUIV puisqu’il sait occuper le joueur dans toutes les circonstances. Rome doit maintenant rendre le Sénat satisfait, les chefs de tribus doivent maintenir leurs chefs de clans heureux et les monarchies s’attirer les bonnes grâces des autres nobles, tout en assurant leur succession. Si cela peut sembler simple, il n’en n’est rien. Les multiples mécaniques développées autour des relations avec les autres personnages sont bien construites et savent se montrer intéressantes. Sans parler du risque continuel de guerre civile qui pèse sur votre nation si vos rivaux parviennent à obtenir de nouveaux partisans.
Sans oublier un autre élément essentiel : la loyauté. Si la présence de cette dernière pour les personnages reste tout à fait dans la continuité de Crusader Kings II, en est-il de même pour celle des troupes ? En effet, à mesure que vos unités resteront sous la coupe de l’un ou l’autre de vos généraux, vos troupes pourront lui devenir fidèles. Très délicate à gérer, cette mécanique vous empêchera de diviser vos troupes, et fera baisser la loyauté de votre général en fonction du nombre de troupes qui lui seront fidèles. Si ce dernier dirige une part trop importante de votre armée, il pourrait alors se rebeller pour prendre le pouvoir à votre place.
Pour vous assurer leur loyauté, envoyez-les combattre, mais faites attention à ne pas trop les couvrir de gloire et de louanges. Offrez leur des cadeaux, mais ne vous mettez pas à leurs pieds. Du côté de Rome, cela peut paraître quelque peu secondaire, mais pour les autres nations, cette composante ajoute pas mal de challenge à votre campagne. Dans le cas d’une monarchie, vous pourriez décider de mettre uniquement vos héritiers à la tête de vos armées, mais est-ce bien prudent d’exposer ainsi votre successeur au danger ? Après tout, vous risqueriez de mettre à mal l’avenir de votre nation. Prenez donc vos décisions judicieusement !
Dès lors, on comprend aisément à quel point la guerre et la politique sont liées dans Imperator Rome. Ne prêter attention qu’à un et non à l’autre n’est pas possible et ne vous apportera que des ennuis. Et ces deux concepts deviennent encore plus intéressants lorsque l’on y ajoute la tyrannie. Il s’agit d’une autre mécanique vous permettant d’imposer vos décisions envers et contre tout.
A gérer avec précaution, cette tyrannie peut s’avérer un être un grand allié mais peut aussi faire s’effondrer tout ce que vous avez bâti jusque-là. Assez simple au premier abord, cette composante deviendra vite complexe lorsque vos rivaux viendront se mêler de vos affaires. Si une chose est certaine, c’est que cet ajout ne fait certainement pas de tort au titre, qui s’en voit devenir encore un peu plus complet et ouvert aux différents styles de jeu.
Des mécaniques qui gagneraient à être approfondies
S’il n’y a rien à dire de la majorité des mécaniques présentes dans le titre, quelques autres attirent notre attention. En effet, on remarque clairement que les développeurs ont porté leur attention plus amplement sur certaines nations et leur gouvernement que d’autres.
Prenons simplement l’exemple des tribus migratoires. Si ces dernières peuvent se déplacer à travers la carte, la majorité ne le fait pas, l’IA semblant laisser cette composante du titre de côté. Il en va de même pour les troupes créées par vos chefs de clans. Ces dernières peuvent prendre énormément d’attrition sans raison et ne se comportent pas toujours de façon logique. Patcher ces deux défauts s’avère réellement important pour qui souhaite réaliser une vraie partie avec une tribu. Autrement, l’expérience s’en retrouve négativement impactée.
Malgré tout, quoi de plus excitant et gratifiant que de jouer une tribu et l’aider à s’élever jusqu’au rang de royaume ? En effet, vous pouvez tenter de centraliser les pouvoirs et vous civiliser pour changer de rang et, pourquoi pas, mettre en place une nouvelle république. La route est longue pour réaliser cela, et le joueur devra effectuer moult actions pour y parvenir. C’est bien plus plaisant qu’une réforme comme on peut la voir avec les Incas sur Europa Universalis, où cliquer sur un bouton après avoir attendu suffisamment longtemps s’avère efficace. Oui, j’en rajoute mais c’est pour vous monter à quel point c’est bien pensé, réaliste et jouissif à effectuer !
Par ailleurs, chaque nation possède ses propres possibilités tactiques, militaires et politiques. Il en va de même pour les décisions de lois et autres technologies, que le joueur est libre de choisir en fonction de sa façon de jouer. De ce fait, jouer avec un focus sur le commerce ou sur la puissance militaire est possible, et un mix des deux l’est encore plus. A vous d’adapter le jeu à votre façon de jouer et de vous adapter en fonction de comment Imperator Rome réagi à vos décisions.
En parlant de commerce, sachez que chaque unité demandera une ressource bien précise pour être formée. Ainsi, ouvrir des routes commerciales pour accéder à l’un ou l’autre matériel sera nécessaire. C’est de cette manière, et uniquement comme cela que vous pourrez avoir une armée variée et fonctionnelle. Et, pour rajouter un peu plus de challenge, avoir une ressource dans une province ne vous permettra de former l’unité que dans cette région, pas dans toute votre nation. De quoi vous pousser à réfléchir également aux endroits où vous ouvrirez telle ou telle route commerciale.
Car oui, chaque province n’aura qu’un nombre très limité de routes commerciales. Et y importer/exporter des ressources pourrait être délicat. C’est donc directement votre façon de gérer votre recrutement qui devra se mouler à vos possibilités. Et si vous n’avez pas la ressource, faites une croix sur le recrutement de l’unité désirée. Alors tâchez de ne pas trop énerver la nation qui vous fourni ou faites en sorte de récupérer des territoires qui en produisent.
En bref, tous ces aspects sont très poussés, bien travaillés et apportent au titre une saveur que ses grands-frères n’ont pas. Bon, en même temps cela peut se comprendre vu qu’Imperator Rome reprend toutes les bonnes idées de ces derniers.
Quand la populace s’en mêle
En outre, Imperator Rome approfondit également la gestion du pays avec les populations. Ayant une classe sociale, une culture ainsi qu’une religion, ces dernières ont chacune un rôle spécifique. De ce fait, vous devrez chercher à obtenir une bonne balance entre ces populations puisqu’en avoir trop, ou trop peu, peut vite déstabiliser votre territoire. Niveau rôles, une population permet d’augmenter votre réserve militaire et contribue à votre commerce, une autre s’implique dans les recherches, tandis qu’une autre encore maximise vos revenus.
Avec ces populations, viennent des événements dédiés. Comme tous les autres, ces événements auront un impact significatif sur le déroulement du jeu. Prendre les mauvaises décisions pourra vous porter un gros préjudice. En effet, relâcher des esclaves et en faire des hommes libres gratuitement via un événement peut paraître très intéressant. Mais qu’en sera-t-il une fois que cette conversion de classe sociale fera s’écrouler votre économie ?
Bien entendu, acquérir de nouvelles populations n’est pas chose aisée. Et, si vous ne désirez pas étendre votre nation de façon exponentielle, mettre les cités ennemies sans dessus-dessous reste toujours un bon moyen de faire prisonniers les populations qui y habitent. Après tout, vous êtes tellement libre de jouer comme bon vous semble que déclarer des guerres dans le but de rapatrier leurs esclaves n’a rien d’étrange.
En bref, même jouer une petite nation peut devenir intéressant. Attaquer vos voisins sans chercher à vous étendre afin de faire croître votre économie et votre population peut vite s’avérer payant. Le seul souci demeure dans les grandes puissances, où la démultiplication des territoires et populations rend la gestion au cas par cas délicate. En effet, chaque action liée à la population se fait en clics. Promouvoir un esclave n’aura pas d’impact sur les autres et il faudra alors que vous réitériez l’action de nombreuses fois à travers vos diverses provinces. De l’ordre du détail au début de partie, cela peut vite devenir casse-tête une fois arrivé au statut de grande puissance et Imperator Rome ne semble pas avoir d’alternative à ça pour l’instant.
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