Inua – A Story in Ice and Time est le nouveau jeu du studio The Pixel Hunt, spécialisé dans les jeux narratifs à l’histoire plus authentique que jamais. L’entreprise ne se proclame même pas studio mais « structure de conception et de production de jeux du réel, des objets à l’intersection du journalisme, du documentaire et du jeu vidéo ». Ils avaient déjà développé en 2019 Enterre moi mon amour, un jeu mobile où on suivait le trajet d’une réfugiée syrienne, nommée Nour, qui doit rejoindre l’Europe sans encombre.
Ce nouveau titre, toujours développé par The Pixel Hunt avec en collaboration ARTE FRANCE et le studio IKO, est un peu dans la même veine narrative. Inua : A Story in Ice ans Time est un point & click qui raconte l’histoire de l’expédition Franklin en 1848, une mission britannique dans le but d’explorer l’Arctique. Dans notre réalité, le sort de l’équipage est aujourd’hui encore méconnu, et Inua : A Story in Ice and Time adapte cette histoire en proposant une version des faits assez mystérieuse.
Inua : A Story in Ice and Time est un jeu à l’ambiance mystique, mêlant faits historiques, spiritualité, découverte du peuple inuit, et beaucoup d’autres éléments qui dicteront notre test. Par ailleurs, on essaiera un maximum d’éviter les spoilers même s’il y en aura quelques uns.
Conditions de test : Nous avons joué au titre sur PC durant environ 7 heures. Le jeu ne comportant pas d’activités secondaires ou annexes, nous avons parcouru l’entièreté du titre.
Sommaire
ToggleUne expérience narrative plus qu’un jeu vidéo
Pour remettre un peu de contexte, l’histoire d’Inua : A Story in Ice and Time se passe dans le grand nord canadien, où vous aller jongler entre trois temporalités différentes pour dénouer le fin mot de l’histoire. Tout d’abord, vous vous retrouverez avec Taïna Hyppolite, une journaliste de notre époque qui enquête justement sur cette fameuse expédition Franklin dont on a retrouvé que 30 des personnes décédées sur 90. Puis nous passerons au point de vue de l’expédition en 1848, dans la peau de Simon Woodruff, qui fait office de figure de proue du jeu.
Sans trop rentrer dans les détails, une nouvelle temporalité s’ajoutera après quelques heures de jeu, et la trame scénaristique s’accentuera de plus belle. Notre rôle dans cette histoire est d’insuffler des idées dans la tête des personnages. En cliquant sur des éléments clés du décor, nous débloquerons des lignes de dialogues, souvent anecdotiques, mais parfois qui permettront à l’histoire d’avancer.
En tant que joueur, nous sommes considéré (bien que pas nommé) comme un personnage à part entière de l’histoire, omniscient, qui permet au personnage de découvrir des choses qui les dépassent complètement.
L’histoire est au centre des qualités du titre. Les dialogues sont intelligents, les trois personnages principaux ont des caractères forts, et on y croit. C’est d’ailleurs renforcé par l’authenticité des personnages ; les Inuits parlent dans leur langue, et l’équipe de développement a d’ailleurs engagé des comédiens de doublages issus de cette ethnie.
Et à ce niveau là, Inua : A Story in Ice and Time est une petite pépite. On y croit, et c’est tout ce que l’on demande d’un jeu vidéo narratif. Mais c’est aussi là un des seuls points négatifs du titre, le studio sait écrire un scénario béton et une histoire cohérente, mais le gameplay est extrêmement pauvre. Il n’y a pas de secrets à trouver, d’éléments annexes ou autre, et on fait le tour des possibilités lors des premières minutes. C’est un point & click à l’état pur, jusqu’au bout.
Une direction artistique chaleureuse
La direction artistique est très particulière dans le titre du studio The Pixel Hunt. Si vous accrochez aux dessins minimalistes proposés par Inua : A Story in Ice and Time, le jeu vous transportera directement dans son univers. Chaque temporalité avec Taïna, Simon et Peter (que l’on ne mentionne que maintenant) a sa propre couleur qui lui est propre, et l’arborescence des événements s’adapte en fonction des personnages grâce à ces couleurs.
Rien qu’avec cette simple division en trois coloris, on comprend rapidement quelle décision influe sur quelle temporalité. Par ailleurs, les différents tableaux sont entourés d’un voile blanc qui obscurcit les alentours, et le mot tableau prend alors tout son sens. On parcourt différentes scènes, et on peut passer d’une temporalité à l’autre grâce à des bulles qui s’ouvrent au fil de l’histoire.
Par ailleurs, comme on l’a évoqué précédemment, le studio a dépêché des comédiens de doublages inuits qui parlent la langue traditionnelle, mais aussi des musiciens. L’univers sonore d’Inua : A Story in Ice and Time est lui aussi très particulier et très travaillé. Pour le coup, il faut aimer ou non, mais rien que par la musique, le jeu nous transporte dans son univers. Par ailleurs, plus le jeu avance, et plus la musique nous glace le sang par ses sons dissonants, ce qui annoncera la fatalité de la fin de l’histoire.
Inua : A Story in Ice and Time a réussi à créer une direction artistique complètement identifiable. Une force qui lui permet de se démarquer à lui seul de bon nombre de titres, et même des anciens jeux du studio Pixel Hunt. Il ne fait pas dans le grandiose graphiquement, mais son minimalisme permet de se centrer sur l’essentiel : le propos.
Un propos de fond
Le studio est connu pour raconter des histoires, avec un message concret. Dans Enterre moi mon amour, le jeu était un tremplin pour décrire la dureté quotidienne de la vie d’une réfugiée politique. Dans Inua : A Story in Ice and Time, c’est la même chose. Dans chaque temporalité, mais aussi surtout dans celle de l’expédition Franklin en 1848, la cohabitation est primordiale entre les Inuits et les Britanniques pour survivre, et cela n’est pas toujours facile.
Sans rentrer dans le cliché « les blancs sont les méchants », les doutes surviennent des deux côtés dans cette communauté, et c’est d’ailleurs là toute l’intelligence du propos. Certains personnages Inuits comme Naruat doutent de l’intelligence des hommes blancs qui viennent fouler une terre qui leur est totalement inconnue.
Pour ce qui est des Britanniques, certains veulent réellement créer un lien avec les Inuits, jusqu’à vouloir apprendre leur langue pour créer une vraie communauté cosmopolite, quand d’autres sont totalement hermétiques et ne veulent rien entendre. Division, cohabitation, incompréhension, acceptation… Le jeu nous met sans cesse face à ces problèmes.
Et la fin du jeu est la résultante de ce propos qui nous guide tout au long du jeu. L’homme occidental est obsédé par sa quête de gloire, ce qui va l’amener à sa perte malgré les avertissements des Inuits. Simon veut dompter la nature et établir coûte que coûte une nouvelle colonie, Peter veut à tout prix réaliser son film, et Taïna, quant à elle, veut se racheter une réputation en écrivant un article et un livre qui défiera toute concurrence.
Cette obsession a tué leurs rêves et leurs espoirs. Dans les trois cas, les personnages sont en quête de gloire, et cela les amènera fatalement à leur perte. Finalement, on ne sait pas si l’histoire est simplement une allégorie, ou bien si une force mystique et paranormale est la cause de leur perte (peut-être nous ?). Ce qui est sûre, c’est que la fin d’Inua : A Story in Ice and Time n’est pas sans réflexion.
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