En 50 ans d’existence, le magazine Weekly Shonen Jump a souvent tenté de croiser ses licences dans des jeux vidéo. Jump Force est le dernier essai en date par Spike Chunsoft, déjà à l’origine de J-Stars Victory VS+. Goku, Luffy, Naruto et les autres en profitent allègrement pour se mesurer entre eux et montrer qui c’est le patron des mangas. Pas de folie au niveau du gameplay, on reste dans le terrain bien connu des adaptations en jeux de combat 3D auquel nous a habitué Bandai Namco. Entre sa direction artistique que l’on a un peu de mal à qualifier et l’importance de son mode histoire, la proposition est-elle à la hauteur de l’événement et des monstres sacrés qui occupent son casting ?
Sommaire
ToggleAvengers avec une moustache
Commençons par le mode histoire puisque le jeu nous y oblige. En effet, impossible de se lancer au hasard dans Jump Force, il faudra d’abord créer son avatar et découvrir les bases du gameplay et de l’univers avant de faire quoi que ce soit. Problème, le programme ne fait pas très envie. Quelqu’un a clairement voulu surfer sur le succès des films de super-héros. Les mondes Jump sont en train de fusionner avec le notre. Les terrains sont donc souvent des grandes villes réelles détruites à la façon DC. Kane, le responsable de tout cela, est un grand type bleu dans une armure dorée et des espèces de pierres qui sertissent ses gants au niveau des phalanges, à ne pas confondre avec Thanos.
On retrouve aussi le Directeur Glover et sa Jump Force en simili-Nick Fury et son S.H.I.E.L.D. Le but est de mettre la main sur des cubes un peu-cosmiques. Et bien entendu le final se joue avec un portail bleu menaçant au dessus de New York. Et pour compléter le tableau, les héros échangent en permanence des platitudes sur la justice, la protection des faibles sur fond de musique générique de films de super-héros. On a l’impression que Jump cherche réellement à se réinventer en Marvel. Une ambition renforcée par la version française où l’on parle de « bande-dessinée » et jamais de « manga ».
Gum Gum no Rasenmehameha
Jump Force a fait le choix de se centrer autour d’un personnage de votre création. Il faut choisir entre les panoplies de coups de Goku, Luffy et Naruto. Pour les coups spéciaux, en revanche, la sélection est beaucoup plus large parmi les personnages jouables mais pas complète. Pour l’apparence, il y a également eu un bon travail pour proposer les éléments de plusieurs figures bien connues du Jump, jouables ici ou non. Pratique pour s’inventer en copie de son idole ou en patchwork de vêtements mythiques. Par contre il sera difficile d’avoir une personnalité propre. La présence de son avatar est évidemment obligatoire dans la majorité de la quête principale.
Le scénario semble d’ailleurs interminable. Cela est dû en partie aux très nombreux chargements et aux cinématiques que l’on ne peut pas passer et qui proposent des animations lunaires. Mais aussi au principe même. Les héros attendent simplement à la base les attaques de l’armée des Venins dirigée par Kane. On va sauver des personnages pour qu’ils intègrent la Jump Force mais les ennemis peuvent au choix prendre le contrôle mental des membres de l’équipe ou les cloner. Jusqu’au moment où on nous annonce enfin qu’on arrive à la bataille finale. Le jeu n’hésite d’ailleurs pas à enchaîner plusieurs fois la même mission de suite pour grossir artificiellement sa durée de vie. Non, aux deux tiers du jeu, en pleine guerre mondiale, personne n’a envie de faire 6 combats de suite dans le simulateur holographique.
Tout dans le style du finish
La volonté est clairement de faire un jeu accessible. Ainsi les combats se déroulent en 3 contre 3 mais avec une seule barre de vie pour éliminer cet aspect stratégique du changement de personnage. D’ailleurs, on ne choisit pas le remplaçant, c’est simplement le suivant sur la liste qui viendra prendre la place ou envoyer une attaque avant de repartir. Coups normaux, coups forts, projections et c’est bon. Bien entendu il y a aussi une garde, un rush et le bouton de charge d’énergie/attaques spéciales spécifique à ce genre du jeu de combat. L’intérêt ne vient donc pas des manipulations mais des timings. Pendant un combo, il est possible de contrer l’adversaire en appuyant sur le bouton d’attaque normale au bon moment. Ou de faire une esquive avec la garde. Il faut également mentionner l’éveil qui permet au personnage de devenir temporairement plus puissant.
Le principal intérêt de Jump Force vient donc de ses attaques spéciales spectaculaires. C’est clairement ce qui a le plus été soigné. On a les meilleures attaques de chacun et c’est le moment où le jeu est le plus beau. Logique puisque c’est l’unique moment où il y a un souci de mise en scène. Le reste du temps, l’écran est beaucoup trop recouvert d’effets qui servent à cacher la misère. Problème, cela rend souvent le jeu illisible, surtout vu la caméra dans le dos. Entre les attaques, la destruction du décor et les invocations, on ressent souvent le besoin d’attendre avec la garde activée pour revenir au calme et faire le point. Avec les cris incessants des personnages (même pour une production du genre) qui ne sont pas si variés que ça en plus, le mal de tête peut vite arriver.
Everyone is here (except the funny ones)
Avec 40 personnages jouables, Jump Force a clairement fait des efforts pour son casting (qui a ses voix japonaises officielles). Modéliser autant de monde dans un nouveau jeu, c’est assez rare pour être souligné. Et oui, beaucoup d’entre vous auront un commentaire à faire sur la qualité de la modélisation en question. Seulement avec ce prisme super-héros, il faut constater que la sélection est très orientée sur le premier degré. Les persos plus fous comme Gintoki, Aralé, Kochikame ou Bobobo-bo Bo-bobo n’ont donc jamais reçu l’invitation. L’humour est donc globalement absent et principalement involontaire. Même pour Nicky Larson/Ryo Saeba. Le personnage a un énorme potentiel de troll mais se contente de tirer avec son pistolet ou ses lances-roquettes.
Une mission le place dans le rôle d’un mentor pour un Midoriya qui a perdu sa confiance. On s’imagine toutes les situations que cela pourrait provoquer. Mais non, cela servait juste à l’introduction d’un combat d’entraînement du héros de My Hero Academia contre Kenshiro et Jotaro. Dans les cinématiques, tout le monde fait la gueule, même Luffy et les références fan service sont quasi-inexistantes. Ah si, la phrase d’entrée de Yugi en début de combat est « Duel. »… Le roster est donc intéressant et varié mais uniquement dans sa dimension d’adaptation des combats les plus épiques des mangas présents. Sans réelle explication, Yagami Light et Ryuk de Death Note sont intégrés au scénario alors qu’ils ne sont pas jouables, ce qui fait un peu regretter l‘absence d’autres caméos.
Aralé-bol de ces adaptations pour le fric
Pour l’instant, cette critique a omis toute une dimension du gameplay parfaitement inutile. En effet, il y a toute une dimension xp, types d’attaques, éléments qui a été ajoutée par dessus tout cela. Après plusieurs jours sur le jeu, et la campagne terminée, impossible de dire si cela a réellement un impact en combat. Cela fait partie de ces décisions étranges, où des efforts ont clairement été faits pour rien. C’est notamment le cas du lobby. Pas de menu, ni même de menu rapide, il faut parcourir un lobby. L’endroit est assez grand pour qu’on utilise avec plaisir une monture et ainsi gagner un peu de temps. Surtout vu les allers-retours pour lancer les missions. Certaines sont au guichet, d’autres demandent de trouver un PNJ au hasard. En plus cela multiplie le nombre de chargements et leur durée de façon ridicule. Mais également les plantages du jeu.
Techniquement, Jump Force tourne sous Unreal Engine 4 et n’est pas du tout exemplaire au niveau des baisses de framerate, même pendant les cinématiques. En dehors des missions et du farm pour obtenir toutes les compétences, leurs améliorations et les costumes, le contenu est très maigre. Au programme du local, du combat contre l’ordi, contre un autre joueur (sans écran partagé et donc injouable) et un mode entraînement très basique. Pour la partie en ligne, c’est assez correct mais une fois de plus limité. Des matchs amicaux, du classé et c’est tout. Pas d’arène, pas de mode spectateur. On termine en précisant qu’il est possible de faire plusieurs personnages mais que la progression est commune. Pour refaire le mode histoire, il faudra donc le faire sur un autre compte ou supprimer sa sauvegarde. Mais pourquoi vouloir s’infliger cela ?
Cet article peut contenir des liens affiliés