Après le succès retentissant de Kingdom Come: Deliverance en 2018, qui s’est écoulé à plus de 8 millions d’exemplaires, les attentes des joueurs pour sa suite sont élevées. Le premier opus avait séduit par son réalisme historique et son immersion profonde dans la Bohême du XVe siècle, malgré quelques défauts techniques. Avec Kingdom Come: Deliverance II, Warhorse Studios promet de repousser les limites en offrant une expérience encore plus riche et immersive. L’heure est venue de prononcer le verdict. Cette suite est-elle à la hauteur des attentes ou trébuche-t-elle sous le poids de son ambition ?
Conditions de test : Nous avons joué une centaine d’heures sur la version PC via Steam avec la configuration suivante : AMD Ryzen 7 5800X3D, 16 Go de RAM DDR4 et AMD Radeon RX 6700 XT. En cours de test, nous avons bénéficié d’une version non définitive du patch day one qui arrivera officiellement le 4 février prochain. Nous avons complété l’histoire principale mais aussi la majeure partie des quêtes annexes. De plus, nous avons également eu accès à une version PS5 du titre.
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L’histoire de Kingdom Come: Deliverance II reprend directement après les événements du premier opus, suivant toujours Henry de Skalice dans sa quête de vengeance et de rédemption. Après avoir survécu à la destruction de son village natal et découvert les complots qui agitent la Bohême du XVe siècle, Henry se retrouve désormais au service d’un seigneur influent. Entre intrigues politiques, luttes de pouvoir et guerre ouverte, il doit naviguer dans un monde où chaque choix a des conséquences.
Le conflit entre le roi légitime Venceslas IV et son demi-frère Sigismond du Luxembourg, qui cherche à asseoir son autorité par la force, sert de toile de fond à cette fresque historique. La Bohême est en proie au chaos, et Henry devra trouver sa place au sein de cette lutte, entre fidélité à sa patrie et survie dans un monde où les alliances se font et se défont au gré des intérêts.
Pour les nouveaux venus, découvrir cet univers peut toutefois se révéler délicat. Le jeu étant une suite directe, il s’appuie sur de nombreux événements du premier volet, et les enjeux politiques ou personnels d’Henry peuvent sembler nébuleux pour qui n’a pas suivi ses débuts. Heureusement, le studio a pensé à ces néophytes : une introduction vient rappeler les grandes motivations de notre héros et, par la suite, une mise en contexte progressive permet de se plonger dans l’univers et ses conflits.
Si la densité historique et le réalisme du gameplay peuvent représenter un obstacle pour certains, le titre propose suffisamment de repères et d’explications pour que n’importe qui puisse découvrir la saga sans se sentir perdu, même sans avoir terminé le premier épisode. De plus, le jeu inclut des tutoriels plus intuitifs, qui aident à prendre en main les différentes mécaniques sans être submergé. La difficulté peut encore se montrer frustrante par moments, mais elle se révèle bien plus juste et abordable que dans le premier opus.
Le pouvoir de l’Histoire
À l’image du conflit réel opposant Venceslas à Sigismond, Kingdom Come: Deliverance II s’appuie de nouveau sur une grande rigueur historique qui renforce considérablement l’immersion. Certes, les péripéties entourant Henry ne brillent pas forcément par leur originalité sur le plan narratif, mais c’est bel et bien ce voyage au cœur du Moyen Âge qui rend l’expérience marquante. Décors, vêtements, armes… le studio nous offre un univers médiéval authentique et réaliste.
À l’instar d’un Civilization ou d’un Assassin’s Creed, le RPG adopte en partie une démarche ludique dans la mesure où on en apprend davantage sur une époque, sans pour autant avoir l’impression d’assister à un cours d’histoire. Malgré tout, Kingdom Come: Deliverance II propose un contenu scénaristique robuste, avec un script qui dépasse même (de peu) celui de l’excellent Baldur’s Gate 3. Après avoir bouclé ces deux géants, il serait malvenu de les comparer en profondeur, mais il est intéressant de constater à quel point deux RPG aussi vastes peuvent adopter des approches radicalement différentes.
En résumé, Kingdom Come: Deliverance II s’appuie surtout sur son univers et son réalisme historique, qui servent de socle aux personnages et à leurs aventures. À l’inverse, Baldur’s Gate 3 privilégie ses personnages, lesquels façonnent l’univers autour d’eux. Parce qu’ils doivent respecter un cadre historique précis, les protagonistes du jeu de Warhorse suivent finalement un scénario principal crédible, donc assez classique, et peinent à nous marquer durablement, en dehors de rares dynamiques comme le duo Henry/Hans. Par contre, l’ajout de nombreuses cinématiques lors des moments clés est clairement un plus.
Enfin, il partage avec le C-RPG de Larian un point fort : la qualité de ses quêtes annexes. Celles-ci ont des répercussions concrètes sur le déroulement de l’histoire et se révèlent tout aussi passionnantes que la trame principale. Elles bénéficient toutes d’un soin particulier, que ce soit via les PNJ rencontrés ou la nature même des tâches à accomplir. Une fois encore, tout reste cohérent avec l’époque, qu’il s’agisse de prendre temporairement la place d’un fossoyeur ou de travailler comme vigneron pour dérober les secrets du bon vin des moines.
La Bohême ! Ça voulait dire un bon monde ouvert
Tout cela est porté par un monde ouvert à la fois vaste et très agréable à parcourir. Comparé au premier opus, la superficie est doublée, mais la qualité n’en pâtit pas. Le jeu se divise en deux grandes régions : Trotsky et Kuttenberg. La première se distingue par ses étendues sauvages, ponctuées de quelques villages, de bourgs et d’un château central. Kuttenberg, de son côté, offre aussi de jolis coins de nature et des bourgs, mais repose surtout sur son immense ville, un centre économique majeur grâce à l’exploitation de mines d’argent.
Il n’est donc pas rare de s’égarer à cheval, de tomber sur une vieille cabane abandonnée, une zone de chasse ou encore un campement à l’abri des regards. La curiosité et la recherche de trésors peuvent même nous amener à résoudre certaines quêtes avant de les avoir lancées. On a vraiment de quoi s’évader lorsque l’on veut s’écarter de la quête principale. S’ajoutent à cela des activités variées telles que les jeux de dés, le travail à la forge ou la concoction de potions. Malgré son réalisme historique, l’univers ne manque pas de moments teintés d’humour, ni de quêtes plus originales et empreintes de mysticisme, d’excès d’alcool et autres bizarreries.
Par ailleurs, on retrouve ici de très bonnes idées nouvelles, ainsi que d’autres déjà présentes dans le premier jeu mais améliorées. C’est le cas notamment des rencontres aléatoires lors d’un voyage rapide, ou du système de réputation, qui influence vos interactions avec la population. Kingdom Come: Deliverance II compte parmi les rares RPG récents à gérer aussi efficacement l’infiltration et le crime. Quand vous volez ou enfreignez la loi, il arrive que l’on vous attrape sans vous prendre en flagrant délit, simplement parce que votre présence en un lieu suspect a éveillé la méfiance. Ce système, bien que parfois trop permissif, peut se montrer frustrant lorsque les gardes ou les villageois se mettent en alerte sans raison évidente. De plus il est parfois impossible de savoir si l’on pénètre une zone privée pourtant grande ouverte.
Ce qui séduit également, c’est la liberté d’approche offerte pour résoudre une quête ou régler une situation Que ce soit avec l’éloquence, la force ou encore la ruse. Vous pouvez ainsi attaquer de front un camp de bandits, patiemment éliminer vos ennemis dans leur sommeil ou empoisonner leur nourriture et leur vin. Le jeu récompense à la fois le talent individuel en combat et la patience liée à l’observation, puisque chaque PNJ suit une routine propre, offrant des opportunités de planifier vos actions. Un vrai régal.
Le système de combat… Il faut qu’on empale
Le système de combat est sans doute l’aspect qui a requis le plus d’attention de la part du studio, désireux de préserver sa spécificité tout en corrigeant les principaux écueils du premier volet. Ce qui n’a pas changé, c’est la courbe d’apprentissage qui peut être exigeante pour les néophytes. Les affrontements se déroulent en temps réel, avec une attention particulière portée à la précision des mouvements, le positionnement et à la physique des armes. De plus, ils exigent une gestion attentive de l’endurance, une observation des mouvements ennemis pour parer ou esquiver au bon moment, et l’exploitation des ouvertures pour porter des coups décisifs.
Warhorse a fait preuve d’ingéniosité, puisque le système de combat propose plusieurs styles, de quoi satisfaire tout le monde. Par exemple, les amateurs de duels se régaleront en maniant l’épée longue, tandis que les moins patients pourront s’équiper d’une masse et d’un bouclier pour faire très mal sans trop réfléchir. Au-delà du simple fait de savoir bloquer et contrer, c’est en maîtrisant les timings et les enchaînements de combos que l’on apprécie pleinement ces joutes. On peut aussi s’amuser avec des approches plus exotiques et compliquées comme combattre à la hallebarde sur son cheval ou charger 3 armes à feu primitives dans son inventaire pour pallier aux rechargement extrêmement long.
En outre, chaque arme et compétence pratiquée (agilité, éloquence, alcool, arme lourde, maître chien…) s’améliore pour octroyer des atouts puissants, permettant de se spécialiser dans des styles de jeu bien précis. Si vous n’aimez pas être cantonné à une seule voie, Kingdom Come Deliverance II est pile ce qu’il vous faut en vous laissant libre de toucher à tout et d’exceller dans divers domaines.
En contrepartie, ceux qui souhaitent tout explorer et optimiser dès le début risquent de devenir trop puissants avant même d’avoir progressé dans l’histoire principale. Cela déséquilibre quelque peu la progression dès la seconde moitié de l’aventure, un phénomène qui s’accentue à l’approche du dénouement. Sans oublier les potions conférant d’importants bonus temporaires et l’aide précieuse du chien qui peut accompagner Henry. Même si l’on doit garder un œil sur l’hygiène, la faim, le sommeil et les blessures, cela ne suffit pas toujours à rééquilibrer l’ensemble. Heureusement, on pourra compter sur l’arrivée du mode hardcore ce printemps pour relever un peu plus le challenge.
Aussi quelques gueules de bois
Kingdom Come: Deliverance II regorge de qualités, mais sur un plan plus général, il présente aussi quelques soucis difficiles à évaluer. Le premier concerne son économie, qui ne récompense pas vraiment le loot et la revente de butin. L’inventaire se remplit vite, et les PNJ susceptibles de racheter vos objets ne disposent pas de fonds suffisants pour rendre l’effort rentable — même si leur capital se renouvelle chaque jour. On ignore si ce choix résulte d’un souci de réalisme historique, mais dans l’ensemble, le travail honnête paie nettement moins que le vol qui nous permet d’obtenir tous les objets que l’on souhaite et de grandes quantités de Groshens par dessus le marché.
Dans le précédent volet, le système de sauvegarde contraignant avait largement été pointé du doigt. Pour la plupart des éléments de game design, les développeurs sont restés fidèles à leur vision initiale, sauf pour ce fameux système de sauvegarde, étonnamment plus flexible dans cette suite. Pour rappel, on ne peut sauvegarder manuellement qu’en buvant un « Schnaps du Sauveur » ou en dormant dans un lit. Désormais, cette contrainte devient presque illusoire, puisqu’il est facile d’accumuler des Schnaps grâce à l’alchimie ou en les achetant auprès des PNJ.
En outre, le menu propose une option « sauvegarder et quitter », qui ne consomme aucun Schnaps. On comprend la volonté d’éviter la frustration née d’un mauvais choix lors d’une quête, mais il est dommage que cet assouplissement aille à l’encontre du principe qui obligeait auparavant le joueur à assumer ses décisions. Autre regret mineur : la présence de romances qui ne sont pas suffisamment approfondies malgré la présence de personnages assez marqués allant dans ce sens.
Pour revenir sur nos réflexions exprimées lors de la preview, nous confirmons qu’une partie des joueurs ayant adoré le premier jeu et attendant une véritable évolution de la formule ne sera peut-être pas surprise par ce qu’offre cette suite. Celle-ci constitue avant tout l’aboutissement d’une vision, avec davantage de moyens. De notre point de vue, ce n’est pas vraiment un défaut de peaufiner une bonne formule, d’autant qu’une bonne partie des joueurs vont découvrir la licence avec ce nouveau titre, néanmoins il est important de le signaler pour ceux qui avaient cette attente.
Optimisation et bugs
Toujours dans notre preview, nous étions assez satisfaits concernant l’état du jeu du point de vue de la technique et de l’optimisation. Sans savoir si le patch définitif parviendra à corriger tous les petits défauts subsistants, il faut tout de même signaler la présence de bugs récurrents, mais qui ne bloquent pas la progression des quêtes. Ils concernent essentiellement l’aspect visuel : des déplacements étranges de PNJ, des effets de scintillement ou encore la pluie qui tombe parfois dans des environnements intérieurs. Quoi qu’il en soit, on est très loin des problèmes rencontrés au lancement du premier Kingdom Come: Deliverance. Sur PS5, le bilan est également bon et présente les mêmes désagréments que ceux évoqués ci-dessus.
Mis à part ces quelques aberrations visuelles, le CryEngine offre un rendu splendide, avec des décors somptueux, des textures détaillées, une belle profondeur de champ et des jeux de lumière réussis. Nous redoutions une certaine répétitivité entre les deux grandes zones, mais force est de constater que la ville de Kutemberg est particulièrement bluffante. Quant aux mines qui l’entourent, elles assurent un dépaysement bienvenu tout en proposant des tunnels et souterrains plus sombres. En revanche, il faut reconnaître un certain retard en ce qui concerne les visages et les expressions faciales. De plus, on retrouve souvent les mêmes modélisations pour de nombreux PNJ.
Côté ambiance sonore, le résultat est plutôt réussi, notamment grâce à des musiques qui restent en tête. En revanche, nos inquiétudes au sujet du doublage français se sont révélées encore plus fondées une fois le jeu terminé avec les voix dans la langue de Molière. Bien que Plaion et Warhorse aient annoncé retravailler une partie du doublage, on ne peut, pour l’instant, ignorer ces performances parfois catastrophiques, qui nuisent à l’immersion. Le contraste est d’autant plus saisissant face au talent d’Alexandre Gillet (voix française de Sonic, Chris Evans, Elijah Wood…), qui prête sa voix à Henry lors de ses échanges avec la plupart des PNJ. On note également quelques problèmes de mixage audio, donnant l’impression que les personnages parlent dans une pièce qui résonne.
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