Va-t-on faire une overdose de Souls-like et d’Open World ? La question peut prêter à sourire, pourtant en y regardant de plus près, la majeure partie des grosses sorties de ces prochains mois, et des dernières années du reste, rentre dans l’une ou l’autre de ces cases, quand ce n’est pas dans les deux. Un constat qui a de quoi alarmer, car si le jeu vidéo doit être considéré comme un art, ce qui reste encore à démontrer, alors la créativité semble lui faire de plus en plus défaut. Pourtant, il existe certains bastions d’inventivité qui planchent activement sur des expériences plus originales. Si l’on pense évidemment à la sphère indépendante, aujourd’hui nous allons néanmoins parler de l’un des géants de l’industrie japonaise, un certain Capcom, à qui l’on doit l’étrange Kunitsu-Gami : Path of the Goddess.
Un titre qui ne ressemble à rien dans la ludothèque récente du studio, qui brille depuis quelques années grâce au succès de Monster Hunter World et Rise, de la franchise Resident Evil, ou encore de Devil May Cry 5 et Street Fighter 6. Pourtant, cela ne l’empêche pas de conserver un certain ADN propre à l’entreprise japonaise. On y retrouve un univers riche, original, et des mécaniques de gameplay simples d’accès, mais permettant de vastes compositions. Et on ne va pas passer par quatre chemins, s’il a des chances de diviser avec son concept surprenant, Kunitsu-Gami : Path of the Goddess nous a, à titre personnel, absolument convaincus. Au point que notre première partie, d’environ 15h, aura commencé à midi un samedi, pour s’achever aux aurores, le jour suivant. Nous sommes les premiers surpris.
Conditions de test : Nous avons reçu un code pour la version Xbox Series du jeu, sur laquelle nous avons passé près de 25h, ce qui fut suffisant pour terminer une première partie, récupérer une bonne part du contenu annexe, et lancer quelques missions en New Game +. Cet article est garanti sans spoiler.
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ToggleLa conjuration primitive
Il faut dire ce qui est, Kunitsu-Gami : Path of the Goddess sera certainement un titre clivant, et ce pour plusieurs raisons. La première concerne son genre, puisque s’il s’agit d’un jeu d’action à la troisième personne, à première vue, le titre de Capcom intègre cependant une grande part stratégique, sans laquelle il est impossible de composer. Ainsi, on ne sait trop dans quelle case le ranger, puisqu’il semble à mi-chemin entre le Beat’em All et le STR, le second demeurant toutefois basique, un peu comme chez un Brütal Legend. On peut aussi lui reconnaître un penchant Action-RPG, dans la mesure où nos unités et notre héros sont personnalisables. Ou plutôt améliorables, moyennant une monnaie universelle.
Par ailleurs, on peut avancer, à raison, que Kunitsu-Gami est un titre résolument old-school. Ce qu’il doit avant toute chose à son concept simple : mener un personnage d’un point A à un point B sans que celui-ci ne prenne trop de dégât en chemin. Mais aussi à un découpage en niveaux, et la possibilité d’y rejouer autant qu’on le souhaite. Niveaux qui ne sont pas extrêmement longs, ni nombreux d’ailleurs, mais ils sont assez variés pour nous donner l’impression de ne jamais vraiment faire la même chose. Nous avions vu juste dans notre premier aperçu, le titre de Capcom jouit vraiment d’une vibe PS2, ce qui risque autant de lui conférer une certaine aura dans les sphères nostalgiques, que de se retourner contre lui.
Enfin, c’est au niveau de son univers et de sa narration qu’il a des chances de diviser. Parce que Kunitsu-Gami : Path of the Goddess n’est pas un jeu à histoire, loin s’en faut, et que ce qu’il a à raconter tient en quelques mots. Et des mots, attendez-vous à ne pas en entendre beaucoup au cours de l’aventure, puisque celle-ci en sera pratiquement dépourvue. Les cinématiques sont muettes, au même titre que la quasi-totalité de l’aventure. Seule Yoshiro, la jeune femme que l’on est chargé de protéger, prononcera quelques bribes de phrases lorsqu’elle sera en danger, sur le terrain. Ce qui n’empêche pas le titre de s’offrir un univers intrigant, riche, beau, qu’on croirait presque être le croisement entre Nioh et Ôkami.
À noter d’ailleurs que si le jeu est agréable à l’œil, de manière générale, techniquement il ne brille jamais vraiment, et semble même en souffrance par moments. Nous avons bouclé l’aventure en mode performances, bien contraints d’abandonner le mode qualité qui haletait régulièrement. Un point qu’on espère voir corrigé, ou a minima atténué, lors de futures mises à jour. Cela étant, en mode performances nous n’avons rien eu à redire tout du long de l’expérience. Si ce n’est qu’on aurait voulu une bande-son encore plus fournie, car sa qualité est indéniable. Dans le genre étrange, à la fois doux et menaçant, en fonction des moments, l’aspect musical du titre de Capcom est une franche réussite.
Sur les chemins noirs
Les niveaux se découpent en deux phases bien distinctes. La première, c’est le jour, pendant lequel il va falloir faire progresser Yoshiro sur des voies tracées au sol, jusqu’à une porte, ou plutôt un Torii, menant soit à une seconde moitié de niveau, soit à son achèvement. L’ennui, c’est que la jeune femme, une prêtresse, avance en effectuant des incantations pour libérer les lieux de la corruption qui les recouvre, et prend donc beaucoup de temps pour aligner un pied devant l’autre. Ainsi, il n’est pas possible de traverser un niveau en une journée, et donc de ne pas voir le soleil se coucher. Avant cela, il va falloir se préparer, en commençant par explorer l’environnement aux commandes de Soh, le guerrier que nous incarnons.
Un genre de samouraï sans visage, armé d’un sabre, chargé de la protection de Yoshiro par tous les moyens. Le premier : venir en aide aux habitants des régions que l’on traverse, enfermés dans des cocons de corruption qu’il faut purifier en appuyant quelques secondes sur une touche. Une fois libres, ces hommes et ces femmes, eux aussi sans visage, peuvent acquérir un métier, que nous leur conférons nous-mêmes, moyennant des cristaux. Monnaie que l’on récupère en purifiant, là encore, des genres de plantes infectées par la corruption ou, plus tard, en déterrant des coffres à l’aide d’un voleur. À notre premier passage, chaque niveau nous prodiguera juste assez de points pour nous concocter une petite équipe de guerriers.
En sachant que certains métiers sont bien sûr plus puissants et coûteux que d’autres. Ainsi, le jeu pousse à réfléchir quelque peu ses dépenses, conscient que certaines compositions pourraient complètement le briser. Comme une équipe entière d’arquebusiers (ou fusiliers si vous préférez) améliorés au maximum. L’exploration tient donc une place centrale dans le jeu, bien que les niveaux ne soient jamais bien grands, puisqu’il sera nécessaire de mettre la main sur le maximum de ressources et de villageois avant la fin du jour. Mais aussi, parce que rater une plante à purifier, c’est autant se priver de précieux cristaux que d’une pièce d’équipement, se débloquant lorsque toutes lesdites plantes ont été trouvées dans un même lieu.
Voyage au bout de la nuit
La seconde phase, vous l’aurez compris, c’est la nuit, pendant laquelle des monstres s’inviteront par différentes entrées sur la carte. D’abord par un unique Torii, puis par plusieurs, jusqu’à, parfois, un grand nombre d’endroits. Dès lors, il ne sera plus possible de purifier les cocons de villageois restants ou les plantes corrompues. Se battre est la seule option, autant aux commandes de Soh qu’en plaçant intelligemment nos guerriers autour de Yoshiro. Les maps sont d’ailleurs assez bien conçues, situant bien leurs dangers pour nous mettre dans l’embarras si l’on ne comble pas certains passages, et permettant l’utilisation de mobilier conférant des avantages (comme une plate-forme surélevée), qu’il est possible de réparer au besoin pendant le jour.
La grande force de ces phases de combat, c’est autant leur concept mêlant action et réflexion, qui fonctionne fort bien, que le bestiaire qu’elles invoquent. Dans un premier temps, le jeu ne nous envoie que des créatures basiques, que notre héros achèvera en deux coups, et qui ne représenteront pas de véritable menace pour Yoshiro. Mais on est rapidement assaillis par des monstres variés, de plus en plus puissants, résistants, et nombreux. Ainsi, on compte de plus en plus sur nos soldats, sans qui on ne passerait en aucun cas la nuit. Alors évidemment, quand le jeu décide, le temps d’un niveau paraissant terriblement long, de nous les retirer, on se sent comme nu. Dans le cas inverse, quand le jeu choisit d’empêcher notre héros de combattre, la tension est là encore décuplée.
À noter que bon nombre de boss sont aussi à prévoir, et que certains nous ont semblé moins pertinents que d’autres. On subit quelques gros pics de difficulté, cette dernière n’étant pas toujours très bien dosée. Cela étant dit, la grande majorité des boss que l’on affrontera sont intéressants, et plaisants à combattre. Du moins, jusqu’à la dernière phase du jeu, qui nous place face à un véritable Boss Rush, à l’ancienne, plutôt éreintant. Une preuve de plus de l’orientation old-school de Kunitsu-Gami, dont on se serait bien passé étant donné la longueur de ce passage, sa difficulté, et surtout le fait qu’aucune pause ne soit permise : vous décidez de quitter entre deux boss, vous devrez reprendre depuis le début la prochaine fois. À ceci s’ajoute un sentiment de redite peu agréable. Nonobstant, nous n’avons pas grand-chose d’autre à reprocher au titre de Capcom.
Les chaînes de l’avenir
Notre premier aperçu du jeu nous laissait craindre une faible variété de coups qui aurait pu mener à une certaine redondance pendant les phases d’action. Heureusement, il est rapidement possible d’améliorer, en plus de nos petits soldats, notre héros. Celui-ci pourra ainsi se pourvoir de nouvelles capacités, de nouveaux coups, et même de deux modes de combat bien distincts. À ceci s’ajoutent quelques subtilités, comme la parade, qu’il est aussi possible d’améliorer, ou l’esquive, dont on abusera face aux derniers boss du jeu. Si ce n’est l’aspect brouillon de certains affrontements trop garnis en ennemis, ou une caméra parfois prise en défaut, nous n’avons finalement rien à redire à ce niveau. Kunitsu-Gami n’est assurément par le Beat’em All le plus jouissif de Capcom, mais il remplit bien son office, et sa prise en main est aisée. Il a par ailleurs la riche idée de nous permettre de récupérer nos points investis dans les améliorations, afin de tenter différentes compositions à l’envie.
La campagne est découpée en niveau, nous l’abordions plus tôt. Mais ces niveaux, s’ils peuvent être rejoués une fois terminés, s’offrent aussi une seconde fonctionnalité. Il est possible d’y revenir pour y effectuer différentes réparations, en utilisant les villageois avec lesquels nous avons combattus en ces lieux (tout en sachant que si l’un d’eux meurt, il ne sera évidemment pas possible de l’utiliser pendant cette phase). Les réparations ne sont pas instantanées, et vous demanderont de quitter les environs et de réaliser un à deux niveaux pour être bouclées. Une fois ceci fait, elles vous conféreront de la monnaie pour amélioration, ou différents items. Une petite bouffée d’air frais bienvenue entre deux missions, et surtout bien pratique pour progresser plus efficacement.
Ce qui nous amène à parler de la richesse toute relative de Kunitsu-Gami : Path of the Goddess. Le titre n’est pas excessivement long, puisqu’il ne faut guère plus de quinze heures pour en voir le bout. Néanmoins, il regorge de petits bonus à glaner. D’objectifs secondaires conférant des points pour améliorations, nous poussant à refaire plusieurs fois les mêmes niveaux. Et il a la riche idée d’afficher notre record de temps sur chacun des boss, nous poussant là encore à retenter notre chance. On peut aussi signaler son mode photo bien conçu. Finalement, on n’aurait que l’absence de modes de difficulté à lui reprocher. Parce que s’il n’est pas foncièrement facile en l’état, nous n’aurions pas été contre, à titre personnel, une option plus difficile.
Cela étant, le développeur a pensé à tout, et certaines pièces d’équipement, plutôt que de vous conférer des avantages, vous compliqueront la tâche. On pense par exemple à des objets qui feront descendre vos PV drastiquement. Mais il faudra batailler pour trouver ces items, qui ne seront pas accessibles en début de jeu. Ainsi, c’est peut-être seulement au cours d’un New Game + que vous serez amenés à les utiliser. New Game + qui, d’ailleurs, est un peu plus complexe que la campagne de base, faisant dès le début de l’aventure débarquer des monstres puissants. À noter que l’on n’aurait pas été contre un menu plus lisible pour les pièces d’équipement, qui sont ici présentées sous forme de liste assez austère. Or, 72 items à vérifier, c’est vite agaçant.
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