Revolution Software n’a pas dit son dernier mot. Après un Beyond a Steel Sky plutôt bon sorti en 2020, le studio anglais surtout connu pour la licence Broken Sword s’est justement tourné de nouveau vers elle. D’abord avec l’annonce d’un sixième épisode, intitulé Parzival’s Stone (ou la Pierre de Perceval chez nous), la saga revient surtout aux origines avec Les Chevaliers de Baphomet – L’ombre des Templiers: Reforged. Il ne s’agit donc ni plus ni moins d’un remake du premier opus, sorti initialement en 1996 sur PC et PlayStation. Poussé par un Kickstarter largement réussi, le projet est sorti le 19 septembre. Un retour à saluer ? Réponse dans notre test.
Conditions de test : Nous avons joué 9 heures à la version 1.0.1 de Les Chevaliers de Baphomet – L’ombre des Templiers: Reforged sur PC via Steam, puis une heure supplémentaire après avoir téléchargé les deux updates majeures. Ce temps nous a permis de terminer l’aventure en mode Classique tout en explorant les fonctionnalités du mode Histoire. Nous avons fait tourner le jeu sur un laptop Lenovo Legion 5 proposant la configuration suivante : processeur AMD Ryzen 5 5600H, 16 Go de mémoire DDR4 et puce graphique NVIDIA GeForce RTX 3060.
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ToggleÀ la recherche d’un « claoune » meurtrier
« Paris en automne, les derniers mois de l’année, et la fin d’un millénaire… ». Il suffit de ces quelques mots prononcés par un Emmanuel Curtil au doublage d’un américain en vacances à Paris pour nous ramener un peu moins de 30 ans en arrière. Quelques mots qui ouvrent l’introduction d’un jeu qui, en ne le sachant pas encore à l’époque, allait faire partie des plus belles pages de l’histoire du point’n click. Quelques mots auxquels succèdent les fameux cuivres si caractéristiques de cette introduction symbolique de la qualité du travail musical du regretté Barrington Pheloung, toujours aussi délicieux.
Puis, une toute première cinématique à la terrasse d’un bistrot nous laisse en compagnie de George Stobbart, un américain en vacances à Paris et personnage principal d’une histoire dont il ne soupçonne évidemment encore rien. Pas plus qu’il ne s’imaginait qu’elle commencerait avec l’image d’un clown entrant dans ledit bistrot, et fuyant quelques instants après, mallette en main, avant qu’une explosion ne détruise les lieux. Un homme est mort et l’aventure parisienne de George ne fait alors que commencer.
Qui se cache derrière ce costume de clown ? Par où s’est-il échappé ? Que voulait-il à la victime ? Une poignée de mystères parmi tant d’autres que George va tenter d’élucider. Sur sa route, il croisera la journaliste Nicole Collard avec qui il fera équipe. Tous deux vont donc dérouler un fil dont les secrets se révèleront de plus en plus obscurs, et les escapades de plus en plus périlleuses.
Certes Paris sera épluché, et nous visiterons le musée Crune, l’hôtel Ubu ou encore le poste de police, mais George va être amené à visiter quelques pays, comme l’Irlande, l’Espagne, sans oublier la Syrie. Des énigmes à résoudre, des diversions à orchestrer, des objets à combiner dignes du génie d’un MacGyver en puissance, tous les bons ingrédients du point’n click sont là.
Et ce voyage haut en couleur nous amène tout naturellement à parler de l’intérêt numéro un des Chevaliers de Baphomet – L’ombre des Templiers: Reforged : la refonte graphique. Bien sûr, lorsqu’on nous indique que la résolution est 50 fois supérieure à l’originale sur PlayStation, cela sonne comme quelque chose d’hyper impressionnant. Alors c’est factuel, mais il est évident que passer du 4:3 à moins de 360p sur écran cathodique à de la 4K en 16:9, est un changement qui se remarque de toute manière assez facilement et nettement. Au moins, cela donne une idée du chemin parcouru en presque 30 ans.
Un éclat à la hauteur de la légende
Au nombre d’une centaine environ, les environnements présents dans le jeu ont été remodelés. De plus, les animations ont également fait l’objet d’une refonte avec plus de 30 000 sprites concernés. À ce sujet, Revolution Software a eu recours à l’utilisation de l’IA comme Charles Cecil, le fameux directeur du jeu, a pu le préciser chez Polygon. Une fois encore sur la table à l’occasion d’un développement de jeu, sachez que l’on est toutefois loin de la vision destructrice de l’outil.
En effet, cette technologie a surtout servi à aider l’équipe de développement à redessiner ces sprites, en indiquant qu’au lieu d’une heure pour chaque, la tâche a finalement pris entre 5 et 10 minutes. En d’autres termes, et malgré la passion de l’équipe ou les fonds collectés via Kickstarter, « Reforged » n’aurait visiblement jamais vu le jour sans IA.
Et force est de constater que le résultat est superbe. Chaque décor profite d’améliorations et d’ajustements au niveau de la lumière, des textures et même de l’agencement de certains arrière-plans. Évidemment, de cette restauration visuelle découlent de nombreux détails. La carte de Paris par exemple, a bien meilleure allure en affichant cette fois les arrondissements ainsi que les communes alentour.
On note également que les inscriptions sur des enseignes, des panneaux d’affichage ou publicitaires sont davantage visibles, lorsqu’ils n’ont pas été tout simplement ajoutés pour plus de cohérence. Enfin, et surtout, cette cohérence concerne aussi le rendu de certains décors, comme le bistrot lui-même, réparant une erreur dont Charles Cecil nous avait parlé à la Gamescom.
Selon ses dires et non sans humour, il se présente comme le seul à avoir remarqué depuis toutes ces années que le tabouret sur lequel l’accordéon piégé du clown a été posé demeurait intact après l’explosion. En effet, ça parait bête mais c’est vrai, et ce remake a donc corrigé ce petit détail. Ce genre de corrections part notamment d’une envie de rendre les décors encore plus fidèles aux storyboards d’origine.
Le jeu de base avait parfois, dans son rendu final, des éléments de décors qui, à cause de besoins liés à la production, avaient changé de place ou de nature. À l’occasion de ce remake, nous avons donc droit à des décors au plus près des idées créatives initiales. Cela étant dit, il subsiste de rares petites coquilles, comme la cicatrice d’un personnage qui change de joue, mais rien de grave.
Au cours de notre exploration des différents tableaux, on se régale alors presque à chaque fois à switcher entre rendu classique et moderne afin de profiter du travail effectué et de mesurer les changements apportés. Un basculement qui se réalise d’ailleurs instantanément grâce à un bouton. L’objectif de Revolution Software est donc parfaitement réussi : nous faire redécouvrir ce mythe sous un jour resplendissant et sans jamais occulter le matériau de base.
Une progression modernisée et plus douce
Une volonté exprimée aussi par le gameplay. Point’n click oblige, moult dialogues et puzzles nous attendent et s’ils ont su nous creuser les méninges à l’époque, ils se révélaient parfois carrément cryptiques. Et à moins de réaliser la fameuse technique consistant à utiliser tous les objets sur tous les personnages jusqu’à débloquer une nouvelle ligne de dialogue ou action, on pouvait buter sur une énigme assez longtemps.
Ainsi, l’autre grande nouveauté des Chevaliers de Baphomet – L’ombre des Templiers: Reforged se trouve du côté du mode Histoire. Dans cette difficulté, chaque interaction avec l’environnement ou chaque dialogue et objet montré à un personnage s’efface une fois réalisée. Concrètement, cela permet d’élaguer une à une les possibilités, de quoi nous diriger progressivement vers la bonne voie.
Pour conforter ce gros coup de pouce, il existe aussi une fonctionnalité indiquant, au bout d’un temps donné, la direction à prendre ainsi que la personne à aborder ou encore l’élément du décor à examiner, en les mettant en surbrillance. Un mode parfait pour profiter du jeu sans se sentir bloqué ou perdu.
Bien entendu, l’expérience d’origine est préservée avec le mode Classique, pour qui souhaiterait avancer sans main tenue. Encore mieux, il est possible de bidouiller les options afin de personnaliser nous-mêmes notre difficulté. Bénéficier d’astuces manuelles tout en faisant passer le délai d’affichage de celles-ci de 5 minutes à une heure. Permettre au jeu de mettre en surbrillance les bons éléments mais à une faible fréquence. Ou bien, on peut tout simplement activer ou désactiver à fond l’intégralité des aides.
Côté ergonomie, l’interface propose aussi quelques options comme le fait de sortir plus rapidement d’une zone ou l’apparition ou non de petites bulles près d’un élément d’interaction. Enfin, la maniabilité, assez primaire compte tenu du genre et praticable à la manette, reste adéquate à la souris et ce malgré quelques soucis de précision de glisser-déposer pour manipuler les objets de l’inventaire.
Des échos du passé
Terminons hélas par une zone d’ombre assez décevante, surtout avec un casque sur la tête : le mixage audio a eu du mal à traverser les décennies. Pourtant, et nous l’avons un peu teasé au début du test, le bonheur est immense lorsque l’on se rend compte que le casting vocal français d’origine répond à nouveau présent. Emmanuel Curtil pour la voix de George, Nathanièle Esther dans la peau de Nicole, ou encore les légendaires Philippe Peythieu et Pierre Hatet, à l’œuvre sur plusieurs personnages.
Une chose très importante pour le bagage nostalgique, déjà, mais aussi parce que leur interprétation, dans la majeure partie des cas, est dans le tempo en collant à une écriture toujours aussi savoureuse. L’humour grinçant de George, les répliques de l’incrédule sergent Moue ou encore les accents à couper au couteau des personnages irlandais ne sont qu’une infime partie de son efficacité diabolique. On hérite même de répliques inédites ajoutées pour l’occasion.
On regrettera tout de même quelques stéréotypes ou situations dispensables, surtout lors d’un baiser visiblement non consenti – malgré un amour partagé – grâce au fait que la jeune femme soit encore ligotée. Heureusement rares, ces soucis de ce type, que le studio reconnait, ne sont hélas pas étonnants venant d’un jeu conçu avant les années 2000.
Hormis cela, et comme nous avons commencé à le dire, le problème c’est que l’audio n’a pas pu subir le même polissage que l’image. On ressent beaucoup l’effet compressé des enregistrements d’époque, et même si c’est plus ou moins le cas selon le passage du jeu, les plus pointilleuses et pointilleux auront du mal à passer outre tandis que les autres finiront peut-être par ne plus trop y faire attention. Un constat qui ne s’applique pas au sujet de la musique qui, à l’image de ce qui a été évoqué en introduction, nous régale à nouveau même s’il subsiste encore parfois de longues minutes sans la moindre note.
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