Adapter un roman aussi imposant que celui de Ken Follet en jeu vidéo est une entreprise périlleuse, surtout lorsqu’il est question d’aventure interactive. La volonté entre retranscrire parfaitement Les Piliers de la Terre mais en y ajoutant des choix à effectuer n’était clairement pas une mince affaire, mais plutôt un sacré numéro d’équilibriste. Cependant, lorsque l’on a su que c’était Daedalic qui était en charge du projet et après avoir parcouru le Livre 1, il y avait de quoi pousser un soupir de soulagement. Pour ne rien gâcher, l’épisode suivant fut encore meilleur et les attentes autour du dernier livre intitulé « Au cœur de l’Orage » étaient encore plus grandes. Les interrogations auxquelles nous nous sommes confrontés tout au long de l’aventure trouvent enfin une réponse avec ce Livre 3, et il est temps de constater si nos choix effectués précédemment auront un réel impact sur la fin de cette épopée si mouvementée.
Avant de commencer ce test, nous rappelons qu’aucun spoil sur l’épisode en lui-même ne sera formulé. En revanche, nous allons évoquer brièvement les événements parvenus dans le Livre 2, nous vous conseillons donc de ne pas continuer la lecture de ce test si vous ne l’avez pas encore terminé.
Sommaire
ToggleDu brouillard de Kingsbridge à la chaleur de l’Espagne
Le Livre 2 avait su considérablement accélérer le rythme de l’histoire, tout en chamboulant grandement le destin des nos héros. On avait laissé Aliena en bien mauvaise posture, désespérée suite à son mariage désastreux et la disparition de Jack. Mais le temps des lamentations semble terminé pour l’héroïne, qui se met en quête de retrouver son bien-aimé, même s’il faut traverser la France de bout en bout afin de le -voir encore une fois. Jack est de son côté bien loin de penser que l’élue de son cœur est à sa recherche, et parcourt les villes et les églises afin d’assouvir sa soif de connaissance et de savoir. Reste enfin Philip, complètement démuni face aux ruines de la cathédrale mais aussi en proie aux doutes, puisque les événements dont il a été témoin ont mis à l’épreuve sa foi.
Les héros quittent enfin leur terre d’origine pour s’avancer dans d’autres contrées plus vertes et ensoleillées, soulignant à merveille la direction artistique du titre.
On retrouve donc nos héros éparpillés dans des contrées totalement différentes, ce qui place ce début d’épisode sous le signe d’un grand voyage. C’est l’occasion de changer un peu d’air et de découvrir d’autres environnements que ceux de l’Angleterre, avec notamment la France et l’Espagne, magnifiquement représentés par le style visuel du titre qui peint des paysages chatoyants et plus chauds qu’à l’accoutumée. La direction artistique, tout comme la bande-son, fait une nouvelle fois quelques merveilles et se montre encore plus séduisante que pour les deux premiers épisodes, ce qui relève de l’exploit. Tout n’est cependant pas parfait, puisqu’il nous est arrivé de constater deux ou trois coquilles dans le texte ainsi que des bugs dans les sous-titres, mais rien qui ne vienne gâcher le charme visuel du jeu de Daedalic.
Le diable n’attend pas
Malheureusement, ce grand périple débuté par Aliena se termine bien trop vite et nous fait ressentir immédiatement ce qui sera le plus gros problème de cet épisode, l’accélération trop brusque de l’intrigue. Même sans avoir lu le roman d’origine, il est très facile de se rendre compte que le récit prend énormément de raccourcis, à tel point que certaines intrigues secondaires ne sont bouclées que par une phrase ou deux jetées dans un dialogue discret. Si les deux premiers livres avaient eux aussi écarté certains éléments – ce qui était inévitable face à un tel roman, cela ne se ressentait pas aussi fortement que dans ce troisième opus. Finalement, tout paraît être expédié un peu trop vite, dans un épisode plus court que les deux autres (comptez environ trois heures pour en voir le bout), et gâche un peu cette conclusion.
A force de vouloir accélérer le rythme, l’intrigue laisse de côté le développement de ses personnages.
D’autant plus que c’est la construction des personnages qui en pâtit le plus ici. Ces derniers n’ont plus vraiment le temps d’exposer leurs doutes ou leurs personnalités, afin de laisser plus de place à la fin de cette intrigue. Il aurait été intéressant de consacrer un peu plus de temps au personnage de Philip qui, même s’il reste évidemment au cœur de cet épisode, n’est pas aussi développé qu’il ne devrait l’être. Ses interrogations sur sa foi restent présentes mais passent complètement au second plan, tout comme les motivations de Jack et son évolution depuis la fin du dernier épisode. Tout cela n’est que survolé, bien trop rapidement, et il ne reste qu’Aliena pour rattraper le groupe. Contrairement aux deux hommes, elle a le droit à des scènes bien plus intéressantes, qui nous montrent clairement l’évolution du personnage, ses doutes, ses peurs et son objectif. Elle occupe une place très importante au début de l’épisode et sa psychologie est mise nettement plus en avant que celles de ses compères, notamment avec une séance de rêve à l’allure fantastique.
Il ne faudrait cependant pas trop blâmer « Au cœur de l’Orage » pour son aspect trop expéditif. Certes, tout s’enchaîne un peu trop vite, mais l’histoire reste tout de même captivante. Alors que les deux premiers livres mettaient en place des intrigues et les complexifiaient, cet épisode sert naturellement de place à toutes les révélations. Toutes nos questions trouvent ici une réponse, ou presque, et l’intrigue réserve quelques belles surprises à ceux qui ne connaissent pas déjà le roman. Les derniers gros chapitres de ce livre mettent en scène beaucoup de surprises et nous livrent un spectacle passionnant, malgré une mise en scène minimaliste et des dialogues qui respirent peut-être un peu trop.
La messe est dite
Comme on pouvait s’en douter, nos choix n’ont pas de véritables impacts sur l’intrigue générale, mais cela importe finalement peu. On retrouve tout de même certains échos à nos choix effectués lors des deux premiers livres, qui pouvaient paraître sans importance avant qu’ils ne resurgissent au moment le plus décisif de l’histoire. Cela est habilement mené et nous amène à pardonner les autres choix illusoires présents tout au long de l’aventure. Il faut dire que la qualité de la narration ainsi que l’excellence de l’écriture y sont pour quelque chose là-dedans, et il est difficile d’en vouloir vraiment au titre de Daedalic pour cela. Les Piliers de la Terre prouve une nouvelle fois qu’il enterre allègrement la plupart des autres jeux narratifs lorsqu’il est question de finesse narrative.
Face à la qualité de la narration, on pardonne facilement l’accélération trop brusque du récit.
Son manque global d’interactivité n’est pas non plus gênant, bien que le livre 2 avait fait certains progrès à l’époque. On reste ici sur du point’n click sans grande particularité, avec quelques actions sous la forme de QTE qui peuvent engendrer un game over en cas d’échec. Les énigmes restent elles aussi basiques mais certaines d’entres elles sont plus malignes qu’elles peuvent en avoir l’air, non pas en termes de difficulté, mais plutôt dans ce qu’elles racontent. On ne pointera pas du doigt celles qui ont plus d’importance narrative que d’autres, mais Daedalic montre ici que le gameplay sert efficacement la narration, et qu’il ne doit pas juste être un prétexte.
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