Devenue une franchise incontournable des jeux d’aventure narratifs en à peine une décennie, Life is Strange a rencontré un très joli succès auprès du public, notamment grâce à ses deux premiers épisodes chapeautés par DON’T NOD. Mais ces dernières années, c’est Deck Nine qui se charge d’étoffer son univers. Une tâche délicate que le studio américain a su accomplir avec plus ou moins de réussite par l’intermédiaire du spin-off True Colors et de Life is Strange Remastered Collection, une compilation regroupant les versions modernisées de la production commercialisée en 2015 et son préquel Before the Storm.
En cette fin d’année, il se lance le défi ambitieux d’offrir une suite digne de ce nom à l’histoire de Max Caulfield, protagoniste phare du premier opus de la saga qui avait grandement marqué les esprits des joueurs et des joueuses à l’époque. Intitulée Life is Strange: Double Exposure, elle sort cette semaine sur PC, PlayStation 5 et Xbox Series et la question que tout le monde se pose est la suivante : ce titre parvient-il à se hisser à un niveau de qualité similaire à ceux de la société française ? Notre réponse est « oui »… et « non » et nous vous expliquons pourquoi dans ce test garantit sans spoilers majeurs.
Conditions de test : Test réalisé sur une version Ultimate numérique fournie par Square Enix tournant sur un PC portable AORUS 17H BXF (2023) équipé d’un processeur Intel Core i7-13700H (2,4 GHz), d’une NVIDIA GeForce RTX 4080 Laptop, d’une mémoire vive de 16 Go de RAM DDR5, d’un écran LCD 17,3 pouces de résolution 1080p, et d’une manette Xbox One. Notre session a duré environ 16h30, temps nécessaire pour terminer à notre rythme la première partie entamée en VF dans le cadre de notre preview et effectuer une seconde run complète en VO en modifiant la grande majorité de nos choix. Notez que nous avons profité du titre en configuration graphique Cinématique/Ultra, récupéré tous les collectibles disponibles, ainsi que déverrouillé près de 80% des succès Steam. Pour rappel, le point de vue exposé dans cet article est celui d’une personne ayant joué à plusieurs reprises aux différents épisodes de la licence, Before the Storm exclu.
Sommaire
ToggleIl faut sauver la poétesse Safi
Se déroulant plusieurs années après les événements racontés dans Life is Strange, Double Exposure poursuit l’histoire de Maxine Caulfield. Commençant enfin à se forger une petite réputation en tant qu’artiste photographe freelance, elle saisit une opportunité qui l’amène à s’installer temporairement au sein du campus de Caledon, une prestigieuse université située dans le nord de l’État du Vermont (États-Unis). L’occasion rêvée pour elle de prendre un nouveau départ en tournant définitivement la page Arcadia Bay. Malheureusement, sa vie va être bouleversée encore une fois par un drame inattendu dont elle va être témoin.
Alors qu’elle passe une agréable soirée d’hiver en compagnie de ses ami(e)s Safi et Moses, la première s’absente à cause d’un mystérieux coup de téléphone. Inquiète de ne pas la voir revenir, Max part à sa recherche pour s’assurer que tout va bien mais, lorsqu’elle la retrouve, celle-ci est morte. Ne croyant pas à l’hypothèse du suicide, notre héroïne décide de mener sa propre enquête. Une affaire qui va prendre un tournant surnaturel quand elle découvre que son pouvoir ne lui permet plus de rembobiner le temps mais voyager entre deux réalités : la sienne, dans laquelle la poétesse est décédée, et une autre où elle est vivante mais potentiellement toujours en danger.
Accrocheur sur le papier, l’intrigue est sympathique à suivre dans l’ensemble. Sans atteindre le degré d’excellence d’écriture de DON’T NOD, le récit de Deck Nine est suffisamment bien ficelé et rythmé pour nous émouvoir, choquer, perturber et surprendre à plusieurs reprises. Sincèrement, il y a vraiment des situations que nous n’avons jamais réussi à anticiper.
Toutefois, nous reconnaissons également que la narration n’est pas exempt de défauts, à commencer par le fait qu’elle s’adresse avant tout aux fans de la franchise, au point que nous déconseillons aux néophytes de se lancer dans sa découverte sans avoir fait le premier opus au préalable. En plus de ça, elle peut se montrer confuse par moments et même en ayant terminé l’aventure deux fois, ne nous semble pas répondre à toutes les questions que nous sommes susceptibles de nous poser sur le long terme, et a tendance à évoquer et/ou traiter avec trop de légèreté les thématiques liées aux discriminations raciales et à la transphobie.
Côté casting, les personnages rencontrés sont variés et assez bien travaillés, à quelques exceptions près, pour nous inciter à nous y attacher ou, au contraire, vouloir percer leurs plus sombres secrets. De Max à Safi en passant par Moses, le chercheur en astrophysique, Amanda, la barman du Snapping Turtle, et Gwen, la docteure en littérature, chacun et chacune possède une personnalité unique et un doublage original exemplaire leur offrant une identité solide. Dommage que la VF, qui reste de bonne facture globalement, sonne moins juste que celle de True Colors, la faute à des dialogues trop clichés à notre goût de temps à autre.
La mise en scène, elle, est convaincante malgré des transitions parfois trop brutales et la bande-son est particulièrement agréable à écouter bien que 3-4 musiques volent trop la vedette aux autres. Quant au système de choix, nous sommes contents que le studio américain ait essayé de légèrement améliorer sa copie par rapport à 2021. Les décisions importantes à prendre sont un peu plus nombreuses et ont davantage d’impact sur le déroulement du scénario. Cependant, les conséquences de certaines sont quasiment invisibles, voire illusoires, leur profondeur demeure inférieur à celles des premières productions de la société française, et les fins disponibles nous laissent sur un sentiment extrêmement partagé.
Une enquête surnaturelle à travers deux réalités
Conformément à ce que nous avions observé lors de son accès anticipé il y a 2-3 semaines, Life is Strange: Double Exposure embarque un gameplay de base très classique pour un jeu d’aventure narratif. Accessible à un large public, il s’axe principalement sur trois phases spécifiques : des interactions simples avec des personnages et objets, l’observation de notre environnement, et des « puzzles » relativement faciles à résoudre.
En pressant une seule touche de notre manette, nous avons accès à quelques fonctionnalités supplémentaires. Lire le journal intime de notre héroïne qui se remplit au fur et à mesure de la partie, consulter et échanger des SMS avec des personnes différentes, voir ce qui se dit sur un réseau social fictif nommé « Crosstalk » à l’aide de son smartphone, et faire le point sur les objectifs et informations en lien avec notre enquête.
N’oublions pas non plus que Super Max possède un pouvoir surnaturel scindé en deux mécaniques baptisées « Traversée » et « Perception ». Le premier nous donne la possibilité de voyager d’une réalité à l’autre en empruntant des portails présents un peu partout sur le campus et ses environs tandis que le second nous permet d’observer et écouter dans une zone précise ce qu’il se passe dans le monde alternatif où nous ne nous trouvons pas et sans qu’il soit nécessaire de nous déplacer. Intuitives dans leur prise en mains, elles sont bien huilés et intéressantes à utiliser pour progresser.
Malheureusement, une fois l’aventure terminée, nous nous rendons compte que les « énigmes » auxquelles nous avons été confrontées peinaient vraiment à se renouveler. Contrairement à l’épisode de 2015 qui repoussait à sa façon les limites et dérives du voyage dans le temps, les développeurs ne nous paraissent pas avoir cherché ou réussi à exploiter pleinement les nouvelles capacités de notre protagoniste. C’est un peu frustrant et décevant.
Caledon, un terrain de jeu aussi plaisant à arpenter qu’espéré ?
Sur le plan technique, Caledon met bien en valeur la très jolie patte graphique et artistique de Life is Strange: Double Exposure. Départements administratifs et des beaux-arts, pub du Snapping Turtle, domicile de Max, animations et modélisations des personnages, différences visuelles entre les deux versions du campus… nous prenons un réel plaisir à explorer les niveaux plutôt vivants et plus ou moins ouverts créés tout en progressant dans l’histoire, prenant et publiant des photos, récupérant les collectibles de type « Polaroids » présents sur notre chemin, et/ou profitant d’un instant zen en nous asseyant quelque part, dans un endroit calme. Toutefois, les zones visitées ne sont pas très nombreuses ni variées, ce qui empêche les lieux de se doter d’un charme similaire à Heaven Springs dans True Colors.
De plus, divers soucis de finition mineurs sont venus entacher notre périple. Tout au long de ses cinq chapitres, nous avons eu affaire à des bugs visuels, audios ou encore de localisation à l’image de ceux qui ont pu se manifester pendant notre preview. Nous nous interrogeons également sur la présence de plusieurs courts temps de chargement pouvant nuire un tantinet à la fluidité de l’expérience. Ça n’a rien de particulièrement dramatique mais nous croisons tout de même les doigts pour qu’un ou plusieurs patchs viennent corriger ces problèmes en marge du lancement, chose qui n’était pas le cas au moment d’écrire ces lignes.
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