Version améliorée de celui que l’on nommait Ryu Ga Gotoku Ishin!, paru initialement en 2014 exclusivement au Japon sur PlayStation 3 et 4, Like a Dragon Ishin! a tout du spin-off ambitieux, du moins sur le papier. S’il fait baver les amoureux de la franchise de SEGA, il touche aussi les fanatiques du Japon féodal, pour qui les licences Way of the Samurai ou Kengo ne sont que de lointains et douloureux souvenirs. Autant de profils qui ne pouvaient que sauter de joie en découvrant que cet opus à part aurait droit à sa version occidentale, plus de huit ans après sa sortie sur l’archipel.
Et l’on ne parle pas d’un simple portage, effectivement, puisque non content d’améliorer ses graphismes (à minima pour les consoles de nouvelle génération), le titre se dote de contenu inédit, mais surtout d’une traduction intégrale dans les langues européennes. Il faut dire que depuis Judgment, puis Yakuza 7, il semble clair que SEGA tient à dorloter ce public longtemps laissé sur le banc de touche. Le ton est donc donné, cet épisode un peu particulier de la licence Ryu Ga Gotoku fait tout pour être aimé par les joueurs non japonais. Reste à savoir s’ils seront aussi réceptifs qu’escompté face à ce récit d’un autre temps.
Conditions de test : Nous avons joué environ 30 heures au titre dans sa version Xbox Series X. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
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Like a Dragon Ishin!, qui s’émancipe du préfixe Yakuza pour coller un peu plus au sens de son appellation nippone, n’a pas grand chose à voir avec un épisode canonique de la saga, du moins au premier regard. Mieux vaut en être conscient avant d’investir, malgré la présence de plusieurs visages marquants, notamment ceux de Kazuma Kiryu ou Akira Nishikiyama, ceux-ci n’incarnent pas le rôle qu’on leur connaît bien. Ici, pour une grande partie tout du moins, ils personnifient de véritables figures historiques de la fin de l’ère Edo.
Alors bien sûr, cette période marquante de l’histoire nippone ne parlera pas à tout le monde, notamment parce qu’elle est très spécifique. Ce que l’on peut en dire, sans rentrer dans les détails, c’est qu’elle représente la fin de l’époque des samouraïs, avec l’arrivée de colons occidentaux sur le territoire et l’importation d’armes à feu. Le Shogunat, quant à lui, est en détresse, peinant à conserver sa légitimité face à de nombreuses milices décidées à le renverser, et ne tient sa position que grâce au Shinsen Gumi, une force armée relativement crainte.
Ce postulat revêt une importance capitale dans la compréhension et l’appréciation de la trame de Like a Dragon Ishin!, qui se révèle beaucoup plus sérieux que les autres épisodes de la série. On aurait pu s’attendre à ce que Sega et le Ryu ga Gotoku Studio nous pondent un titre de surface, comme ce fut le cas pour le sympathique mais clairement dispensable Yakuza Dead Souls. Mais loin s’en faut : le jeu embarque pratiquement tout ce qui faisait le sel des opus canoniques de la licence, à commencer par un protagoniste qui pue le charisme à des kilomètres, mais revoit un brin son ton si particulier.
Ce qui ne veut pas dire que Like a Dragon Ishin! ne penche jamais vers l’absurde, bien entendu. Mais il ne le fait pas avec la même régularité, et sa trame principale conserve un calme et un sérieux surprenants. De quoi nous permettre de profiter d’un récit se voulant semi-historique, puisqu’il demeure évidemment grandement romancé, qui se suit avec un immense plaisir. Mais que ceux qui ont un peu peur de l’histoire avec un grand H se rassurent, dans les grandes lignes le titre parle de vengeance, de haine, et d’honneur, un peu comme d’habitude avec la série…
Des sujets qu’il traite avec une sobriété surprenante, il est vrai, lorsque l’on connaît bien la franchise. La mise en scène ne décolle jamais vraiment (malgré quelques bonnes idées) et, comme dit plus tôt, il ne faut pas s’attendre au même degré d’absurde que de coutume. Excepté chez les nombreuses quêtes annexes, qui ne déméritent pas face à un Yakuza 6, mais se révèlent de manière générale moins délirantes que ce que l’on a pu connaître. Ce qu’il faut comprendre, c’est que malgré une structure très similaire aux autres jeux du studio, Like a Dragon Ishin! s’adresse peut-être à un public un brin plus spécifique, ou a minima aux fans les plus assidus de la recette Yakuza.
Kengo
Mais bien sûr, puisque le titre nous plonge dans un Japon plutôt lointain, découvrant à peine les armes à feu et se heurtant aux colons européens, bien d’autres choses changent dans son aventure. Avec pour commencer des joutes qui encouragent l’utilisation d’armes blanches, et même de revolvers. Like a Dragon Ishin! étant sorti en 2014 au Japon, il conserve la recette classique des Yakuza, et demeure ainsi un Beat’em Up 3D, permettant l’utilisation et l’apprentissage de quatre styles de combat.
Bagarreur, Bretteur, Tireur et Danseur endiablé, quatre styles distincts et inédits qui privilégient respectivement le corps-à-corps, le combat au sabre, le revolver, et le mélange d’arme blanche et d’arme à feu. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré le fait que l’on demeure en terrain connu si l’on a déjà joué à un Yakuza (qui ne soit pas le 7, bien sûr), ces possibilités apportent un véritable élan de fraîcheur à la recette. Le dynamisme est toujours une priorité, mais en plus les quatre styles demeurent parfaitement jouissifs, comme d’habitude. Nonobstant, les interactions avec le décor en combat sont bien moins récurrentes, intéressantes et efficaces.
Quant à ses possibilités d’évolution, Like a Dragon Ishin! n’a rien à envier à ses homologues. Il embarque quatre roues de compétences, dans lesquelles dépenser nos points durement gagnés au combat. La progression demeure ainsi très similaire à ce que l’on connaissait en 2014, chez un Yakuza 5, ou ce que l’on verra quelques temps plus tard sur Yakuza Kiwami. Simple et efficace, mais un peu frustrant pour les joueurs qui voudraient se concentrer sur l’histoire, au détriment du contenu annexe. Car la progression est assez lente, et la puissance se mérite. Le challenge est d’ailleurs au rendez-vous, et l’esquive comme la parade sont à maîtriser pour atteindre la fin de l’aventure.
Enfin il est assez difficile de passer outre le contenu annexe du titre, comme toujours, puisque les quêtes nous tombent dessus régulièrement sans qu’on les ait vraiment cherchées. Un personnage un peu caricatural attend à un coin de rue, et à peine passez vous devant qu’il vous interpelle. Rien ne semble avoir changé depuis les opus canoniques de la licence à ce niveau. En somme, si l’on est dépaysé par l’aspect semi-féodal de l’environnement, Like a Dragon Ishin! ne perdra pas les fans, qui n’auront aucun mal à retrouver leurs marques.
On sera moins dépaysé par l’aspect graphique, néanmoins, car celui-ci accuse un âge certain, ce qui est plutôt dommage. Certes, la petite map est fournie en ruelles typiques, en bâtiments d’époque, et se renouvelle plutôt bien. Mais il faut avouer que l’ensemble fait très vieillot, et que le coup de chiffon ne semble pas suffisant. Ne serait-ce qu’au niveau des PNJ qui, lorsqu’ils ne sont pas importants, font franchement cheap, et c’est sans parler de l’IA. Quant aux décors, malgré un certain nombre de badauds à l’écran, ils semblent paradoxalement manquer de vie. Heureusement, comme toujours, la bande son est irréprochable, autant du côté des musiques que des doublages.
Rurouni
Alors certes, Ishin n’est peut-être pas aussi ambitieux que l’on aurait pu l’espérer. Graphiquement dépassé, proposant une progression très classique, et ne s’écartant pas franchement de ce que l’on connaît de la licence. La prise de risque demeure similaire à celle d’un Judgment, avec un simple changement d’univers et de ton, mais une recette connue et éprouvée. On aurait apprécié que le jeu soit vendu un brin moins cher, car à près de soixante euros, on était en droit d’attendre un travail de refonte plus conséquent.
Par ailleurs, s’ils demeurent nombreux et très chouettes, les mini-jeux proposés ne sont pas au niveau de ce que l’on trouve sur les opus principaux de la saga. Rien de bien méchant, puisque le tout reste parfaitement cohérent avec l’époque historique dépeinte. On ne s’attendait évidemment pas à tomber sur une borne de Virtua Fighter entre deux restaurants. Mais à ce niveau ça manque un peu de folie. Alors, est-ce un véritable problème ? Pas vraiment, finalement, car en s’émancipant du cadre contemporain, le titre cherche plus à nous immerger dans son époque qu’autre chose.
Et ça marche plutôt bien. En somme, il se rapproche ainsi beaucoup de titres comme Shenmue (qui a fortement inspiré la saga en premier lieu) ou Way of the Samurai, proposant une recette très immersive, parfois au détriment du fun. N’allez pas croire que l’on ne prend pas de plaisir sur Like a Dragon Ishin!, loin s’en faut, mais son aspect plus sobre que de coutume le rend de facto moins amusant. On a malgré tout affaire avec un grand jeu, à n’en point douter, à qui il ne manque que quelques correctifs et une refonte graphique digne de ce nom pour se hisser au niveau de ses homologues.
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