Le faux départ de la licence a lourdement compliqué le développement de ce deuxième épisode pour Lords of the Fallen. Après des années d’errement, Hexworks et CI Games ont repris la barre afin d’accoucher d’un titre nettement plus ambitieux que son aîné, n’ayant aucun scrupule à calquer l’exacte formule d’un Dark Souls pour se l’approprier et l’amener à un niveau supérieur grâce à la technologie proposée par l’Unreal Engine 5. Ce nouvel épisode fait donc table rase de son passé, si ce n’est pour certains éléments de son univers, afin d’avoir toutes les chances de son côté pour s’imposer comme le Souls-like du moment. Ce qui n’est pas une mince affaire quand on arrive quelques semaines seulement après un Lies of P étonnamment satisfaisant. Mais à la vue de ce que propose Lords of the Fallen version 2023, les amateurs de Souls-like ont ici le choix du roi.
Conditions de test : Nous avons joué durant 30 heures à la version Steam du jeu sur un PC équipé d’un processeur AMD Ryzen 5 5600, d’une carte graphique AMD Radeon RX 6700 XT et de 16 Go de RAM, soit la configuration recommandée pour le jeu. Nous tenons à préciser et à mettre en garde sur le fait que notre expérience a été pour le moins catastrophique d’un point de vue technique, avec près d’une trentaine de crashs. Oui, ce n’est pas une exagération, c’est vous dire notre patience, surtout quand cela survient lors d’un boss. Cependant, ceux-ci étaient visiblement liés à la version preview du jeu, et non celle qui sera proposée au public (les crashs se sont arrêtés lorsque nous avons changé de version). Notre expérience n’a pas été partagée par certains de nos confrères, mais par mesure de transparence, nous tenions tout de même à le préciser. Nous avons contacté le studio qui nous a précisé que des problèmes similaires ont été repérés avec l’équipement AMD, c’est pourquoi il est important de le mentionner. Nous avons aussi joué quelques heures à la version PS5, dépourvue de problèmes techniques de ce genre. Et pour rester dans le domaine de la transparence, nous nous sommes arrêtés juste avant le boss final, avec un personnage de niveau 95 (qui galère sévèrement).
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TogglePlus facile Adyr qu’à faire
Qu’il est difficile pour un Souls-like d’apparaître comme autre chose qu’une copie carbone des jeux From Software, le supplément d’âme en moins. Et à première vue, Lords of the Fallen tombe dans le panneau tant tout semble crier que dans une autre vie, il aurait pu s’appeler Dark Souls 4. Oui, d’accord, la comparaison est aujourd’hui galvaudée, mais ne feignons pas l’évidence pour autant. De son univers dark fantasy à ses menus, la construction de son monde semi-ouvert, ses PNJ rassemblés en un seul HUB, son aspect multijoueur avec des envahisseurs et de la coop, et même parfois ses boss… tout nous rappelle qu’il n’aurait jamais existé si Dark Souls – et spécifiquement cette licence – n’avait pas eu un impact majeur sur l’industrie.
Mais il y a un twist. Comme de nombreuses productions qui essayent de se démarquer tant bien que mal des jeux From Software, après en avoir pourtant sucé l’essence jusqu’à la moelle, Lords of the Fallen se devait d’avoir ce petit truc qui le différencie des autres titres du genre. Et cela, il le trouve dans le fait d’explorer deux mondes parallèles : celui des vivants, Axiom ; et celui des morts, Umbral. Un voyage entre deux réalités qui a déjà été exploité dans d’autres œuvres comme The Medium, ou, remontons plus loin, Soul Reaver. Mais Lords of the Fallen a compris comment utiliser cette particularité de la meilleure façon possible.
On passera rapidement sur la justification de ces deux mondes dans le lore du jeu tant la narration est lacunaire et se contente de quelques dialogues (via des souvenirs façon échos de la Force) et descriptions, pour nous laisser recomposer nous-mêmes le puzzle des évènements qui ont motivé le départ à l’aventure de notre personnage (avatar que vous pourrez créer via un éditeur somme tout standard). Tout ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’un dieu maléfique répondant au nom d’Adyr est sur le point d’effectuer son retour, et qu’à moins de vouloir finir en cendres, il vaut mieux prendre les armes pour empêcher cela. Et ce sont les porteurs d’une mystérieuse lampe qui sont le plus à même d’empêcher cette résurrection. Une lampe qui se révèle être un outil extraordinaire puisqu’elle est la passerelle entre les deux mondes cités précédemment.
Plus qu’un filtre Instagram
Umbral est tout simplement une version poisseuse et grise d’Axiom. Passer d’un monde à l’autre ne vous fait pas atterrir dans un autre lieu, mais dans une version plus dangereuse de ce même lieu. En somme, vous changez simplement de plan. C’est « l’Upside Down » d’Axiom, si Stranger Things vous parle. Du moins, pour résumer tout cela grossièrement, car dans les faits, c’est un peu plus complexe. Lorsque vous mourrez ou que vous décider de sacrifier une partie de votre barre de vie à la lampe, vous passez donc d’Axiom à Umbral en un clin d’oeil, sans temps de chargement (l’inverse n’est pas vrai et repasser à Axiom demande quelques secondes). Un résultat possible grâce à l’Unreal Engine 5 ainsi qu’aux SSD de nos machines, qui fait son petit effet, il faut bien l’avouer. Voir un décor se transformer sous nos yeux en un claquement de doigts est saisissant, surtout avec la direction artistique que nous offre le jeu.
Car oui, même si tout est gris et si les textures de ce monde ont tendance à former un tout organique, on ne peut qu’être scotché devant le travail effectué pour la représentation de ce monde. Axiom offre déjà des paysages à couper le souffle avec des jolis effets de lumière et des décors très chargés visuellement, qui participent à rendre l’univers crédible, mais Umbral est… stupéfiant. Ce monde présente une vision totalement cauchemardesque avec des corps sans vie flottant au-dessus de vous ou encore des squelettes immenses qui peuplent les arrière-plans, sans parler de cette lune en forme d’oeil qui scrute chacun de vos mouvements.
L’effet est particulièrement prenant, sans doute car Lords of the Fallen n’hésite pas à jouer sur le gigantisme de ses décors. On se sent particulièrement minuscule à l’échelle de ce qui nous est montré dans cet univers. Que ce soit avec des montagnes immenses mais pourtant tangibles, des monstres figés qui pourraient nous écraser avec leur petit doigt ou encore de cette main géante qui sort du sol et qui ne cesse de nous émerveiller, tout nous fait comprendre que l’on est rien à l’échelle de ce monde. Ce qui est parfait pour mieux nous faire ressentir le danger que l’on encourt à chaque instant.
Passer d’un monde à l’autre ne sert évidemment pas seulement à sortir le mode Photo à outrance pour prendre nos meilleurs clichés. Le level-design est intrinsèquement lié à la complémentarité de ces deux univers. Lorsque vous faites face à une impasse, ce que vous n’êtes peut-être pas dans le bon monde. Il suffit alors de sortir sa lanterne pour voir qu’un chemin apparaît sur un pont normalement brisé, qu’une route se dessine sous un lac rempli de poison… les exemples sont nombreux. Vous vous souvenez de vos longues sessions à taper des murs dans les Souls dans l’espoir que l’un d’entre eux soit une illusion ouvrant l’accès à une chambre secrète ?
Cette sensation se retrouve dans Lords of the Fallen, mais à chaque pas que vous faites. Il faut donc repenser totalement sa manière de concevoir le monde qui nous entoure. Ce qui aurait pu apparaître comme une gimmick semble plutôt tirer du trait de génie. Si des indices visuels (des papillons) apparaissent à des endroits où notre lanterne peut être utilisée à bon escient, il faut tout de même faire preuve d’une grande curiosité, et aussi d’un peu de courage, pour penser à s’aventurer dans le monde des morts. Même après avoir effleuré du bout du doigt la fin de l’aventure, il nous est impossible de nous défaire du sentiment que le jeu nous cache encore une multitude de secrets, simplement parce que nous n’avons pas eu la présence d’esprit d’éclairer à la lanterne une porte fermée ou une zone a priori sans grand intérêt.
Un chemin à éclairer d’un bout de lanterne
Car il faut coupler à cela un level-design, qui, rien qu’à Axiom, relève déjà d’une richesse folle. Lords of the Fallen est évidemment bien plus dirigiste qu’un Elden Ring, mais il vous laisse malgré tout explorer à votre guise certaines zones afin de battre des boss d’une manière non-linéaire (malgré quelques limitations). Et c’est un plaisir de tous les instants tant le jeu est labyrinthique à souhait. Seules les lumières émanant des boss principaux de l’aventure nous servent de phares et de boussoles dans notre exploration. Bien entendu, on se perd souvent, on tourne en rond jusqu’au moment « eureka » où un chemin avec un raccourci se dessine. Mais l’expérience n’en n’est pas moins gratifiante. On regrettera simplement que le jeu reste cantonné à des poncifs éculés de la formule des Souls, avec le marais empoisonné, la zone glaciaire etc. Seuls quelques endroits sortent du lot comme cette tour immense que l’on ne doit pas gravir, mais descendre en espérant ne pas faire la chute de trop, ou bien cette falaise qu’il faut escalader dans un labyrinthe d’échafaudages particulièrement stressant.
Une sensation d’angoisse qui, par ailleurs, ne s’éteint jamais complètement. Souls-like oblige, chaque mort vous fait perdre une avancée précieuse et le chemin entre deux feux de camps (ici des vestiges) est une épreuve où la tension est permanente. Mais c’est d’autant plus le cas pour Lords of the Fallen, qui a tendance à raréfier ces lanternes au fil de la progression. Pour ne pas nous décourager, le jeu donne accès à des plantes à faire germer à des endroits très spécifiques, qui vont faire office de vestiges de secours. Des endroits fertiles, vous en trouverez des tas, mais ce n’est pas forcément le cas pour les graines à planter. Autant vous dire que chaque germe à faire pousser se doit d’être bien réfléchi, ce qui renforce cette vulnérabilité constante que l’on éprouve entre deux points de sauvegarde.
Le seul hic nous vient des limitations de cette mécanique. Pour ne pas faire en sorte que les joueurs abusent du système en farmant les germes pour créer des points de sauvegarde improvisés partout, le jeu ne nous permet de nous téléporter qu’au dernier germe créé. Autrement dit, faire pousser une germe détruit la dernière en date, peu importe où elle se trouvait dans le monde. Dans un titre qui encourage pourtant si fortement l’exploration, cette limitation s’avère être assez frustrante, car elle nous encourage à rester dans la zone dans laquelle on se trouve plutôt que d’essayer de dénicher de nouveaux chemins.
Marche à l’ombre
Et ce stress dont nous parlions, il s’accentue grandement lorsque l’on atterrit au sein d’Umbral. Ici, vous ne serez jamais à l’abri. En plus de devoir faire face au bestiaire d’Axiom, Umbral vous met aussi face à des ennemis supplémentaires qui reviendront en boucle. Souvent, ce sont simplement des morts-vivants faisant office de menu fretin, qui vont apparaitre sur votre route. Un seul zombie ne représente pas un défi. Mais lorsque cinq d’entre-eux apparaissent tandis que vous luttez déjà pour votre vie, c’est une autre limonade. D’autant plus qu’à mesure que votre séjour à Umbral s’éternise, l’apparition de ces nuisances se fera plus fréquente. Vous verrez une jauge se remplir sur votre écran qui va aussi vous indiquer que le fait de rester longtemps dans ce monde permet d’obtenir plus d’âmes, ou plutôt ici de la vigueur, qui est la monnaie du jeu (nécessaire pour augmenter le niveau du personnage).
Plus de récompenses, donc plus de risques, jusqu’à atteindre un niveau fatidique où des monstres bien plus dangereux viendront vous faire vivre un cauchemar. La capacité de soin est déjà réduite dans ce royaume, mais lorsque votre temps est compté, dites au revoir à votre Sanguinarix, qui vous permet de vous régénérer. Seul un point de sauvegarde ou un point d’ancrage vers Axiom permet de vite quitter cet enfer. Comprenez bien que lorsque l’on est en Umbral, notre seul souhait est d’en sortir le plus vite possible. Et ce, surtout quand notre séjour n’a pas été programmé. Si vous ne faites pas assez attention, vous pouvez tomber dans ce monde de force autrement que par la mort. Par exemple en éclairant un lieu avec votre lanterne jusqu’à tomber sur un ennemi venu d’Umbral, qui va vous attaquer via la faille que vous venez de créer. Tout cela nous fait nous demander si réaliser un run entier dans le monde d’Umbral est possible. Pour le commun des mortels, bien sûr que non. Mais nos speedrunners (fous) ont du talent et tenteront certainement la chose.
Comme un sentiment de déjà-vu
Vous l’aurez compris, Lords of the Fallen est plutôt à ranger du côté des titres impitoyables, même pour un genre qui ne fait pas de cadeaux. Comme Sekiro, il met pourtant en place un système pour régénérer notre vie si l’on pare un coup au bon moment, mais c’est bien peu de choses face aux pièges absurdes et à la surabondance de monstres qu’il nous envoie. Parfois injuste (surtout avec ses archers infernaux), mais jamais totalement frustrant (en dehors de quelques zones) pour peu que l’on ait l’habitude du genre, le jeu joue avec sa courbe de difficulté sans imposer de vrais murs. Ce qu’il doit en partie à des boss qui manquent peut-être un peu de challenge, dans leur globalité. Quelques-uns ressortent du lot, bien servis par des thèmes musicaux réussis. Quand ils ne sont pas, au contraire, desservis par une caméra prise de convulsions. Mais parmi la trentaine de boss que le titre affiche, on en compte beaucoup qui sont en réalité de simples ennemis standards que l’on va recroiser plus tard dans l’aventure, avec un peu moins de PV (le syndrome Elden Ring). Et c’est sans doute le talon d’Achille de Lords of the Fallen : son bestiaire très limité.
Quelle frustration de voir une direction artistique si inventive être mise en face d’un recyclage peu inspiré. C’est particulièrement vrai pour les monstres d’Umbral, dont les types différents se comptent sur les doigts d’une main. On en est presque au swap color à ce stade, où les mêmes ennemis apparaissent d’une zone à l’autre en étant recouverts de glace plutôt que de feu. Heureusement que certains boss viennent briser cette monotonie avec des mécaniques plus intéressantes, qui jouent parfois avec votre lanterne. C’est d’ailleurs le seul outil qui sort vraiment de l’ordinaire lorsqu’il s’agit d’attaquer les combats proposés par le jeu. La lanterne permet par exemple d’extraire l’âme d’un ennemi pour que celui-ci soit sonné et donc vulnérable pendant un temps. On peut même s’en servir comme un grappin afin de lancer l’âme d’un monstre dans le vide, ce qui le poussera lui aussi. D’autres adversaires sont aussi protégés par un esprit d’Umbral, et il est nécessaire de faire exploser ce dernier avec notre lanterne avant de s’attaquer à notre adversaire. Cela mis de côté, Lords of the Fallen se joue exactement de la même manière qu’un Dark Souls.
On retrouve les mêmes armes – qui sont certes nombreuses mais qui restent peu surprenantes ; les mêmes armures que l’on peut cependant personnaliser avec des teintures ; les mêmes types de magie avec des sorts divisés en trois catégories (le triptyque lumière, ombre et feu) ; et bien entendu les classes de départ qui sont assez similaires. On ne lui enlèvera pas le fait que, par conséquent, les possibilités de builds sont assez nombreuses, malgré le manque d’originalité. Tout comme on soulignera quelques détails appréciables, comme le fait les armes de jets sont désormais pensées comme de la magie. Avec un arc, vous n’aurez pas à vous soucier d’acheter des flèches, puisque ces dernières seront limitées à une jauge (comme du mana), qui va se remplir à chaque repos. Une bonne idée qui permet d’enrichir cette partie de l’arsenal – avec des grandes, des tomahawks etc – tout en ne défavorisant pas les builds axés sur le physique, qui peuvent rivaliser avec les builds magiques. Magie qui est elle aussi plus agréable à utiliser que dans d’autres productions, étant donné que vous avez ici accès à trois sorts en permanence, sans devoir changer d’équipement à la volée.
La technique qui joue les équilibristes
Restait maintenant à voir si le titre allait garder l’héritage peu reluisant du premier épisode avec des sensations peu agréables en mains. La surprise est heureusement positive. Loin d’être aussi lourd que celui du premier épisode, le gameplay de cette monture 2023 répond plutôt bien à nos demandes. Les sacro-saintes roulades s’enchaînent sans problème, malgré une sensation de flottement. On aime à comparer le travail de From Software à une horlogerie complexe qui demande une précision sans faille, et si Lords of the Fallen n’émule pas assez bien cela, il n’en n’est qu’à quelques rouages près. Les impacts manquent parfois de panache et la garde parfaite est difficile à comprendre, mais dans l’ensemble, le titre de Hexworks est un bon élève.
Ce qui n’est pas le cas sur le plan technique, même si tout est à nuancer. A son meilleur, The Lords of the Fallen affiche un rendu qui montre que l’Unreal Engine 5 est particulièrement bien utilisé. Sa direction artistique est souvent sublimée par des textures soignées et des contrastes qui sont vraiment réussis. Mais le constat global est loin d’être parfait.
Comme souligné dans nos conditions de test, la version PC souffre de réelles inconsistances avec un framerate qui a parfois tendance à faire le yo-yo, et ce peu importe que vous soyez en configuration Faible ou en Ultra. La version PS5 fait quant à elle l’inverse en proposant un résultat visuel un peu plus fade mais un rendu plus constant. En mode Performances, nous n’avons pas rencontré de problèmes majeurs sur cette version, qui est donc très agréable pour peu que l’on soit en paix avec le léger downgrade graphique.
Quant à la question du sound-design, décrié depuis quelques mois par les futurs afficionados du jeu, le problème ne semble pas en être un. Un point qui ne nous a pas particulièrement sauté aux oreilles tant il est, dans la version finale du jeu, dans les standards de l’industrie. Oui, quelques coups sur les boucliers sonnent faux et on pourra trouver d’autres exemples du genre, mais rien qui ne soit pour autant rédhibitoire ou particulièrement gênant dans l’expérience. Surtout avec un casque vissé sur la tête où l’audio 3D fait plutôt bien le boulot et nous fait vite oublier ces quelques écueils.
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