Révélé à l’occasion du Guerrilla Collective 2020, Lost at Sea s’est présenté d’emblée comme une aventure narrative centralisée sur les thématiques de l’amour, de la famille, de la peur, ou encore de la mort. Le titre est développé par Studio Fizbin, boîte indépendante qui n’en est pas à sa première production axée sur l’histoire, après avoir conçu le point’n click The Inner World en 2013.
Disponible sur PC, et exclusivement auprès des machines next gen concernant les versions console, Lost at Sea compte donc nous faire vivre une expérience plutôt chargée émotionnellement avec les petits moyens dont dispose le studio allemand. Un pari intéressant, mais pas véritablement gagnant.
Conditions de test : Nous avons terminé l’aventure de Lost at Sea au bout de 3 heures de jeu, sur PlayStation 5, en version 1.000.002.
Seule au monde
Une île, au loin, victime en son centre d’une explosion de gerbes de lumière. Un canot de sauvetage, équipé d’un mât de fortune auquel un personnage attache une voile afin de se laisser porter par le vent et ainsi rejoindre l’île. Sans davantage d’explication et successivement à cette introduction étrange, l’aventure que propose Lost at Sea commence.
Ou, plus précisément, l’aventure d’Anna, une femme devenue solitaire et amenée à se confronter à sa mémoire et aux différents événements marquants qu’elle a traversés durant sa vie, tels que la perte prématurée de son fils Danny dans un accident de bateau ou la maladie d’Alzheimer de son époux Andrew.
A travers quatre périodes marquantes que sont l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte et les vieux jours, symbolisées par des zones délimitées et qui retracent ces deux tragédies, la protagoniste principale va être amenée à reconstituer des bribes de souvenirs disséminés à l’intérieur de chacune d’elles, dans le but de les revivre pleinement et, par la suite, mieux les accepter.
Appelées « mirages », ces bribes représentent votre unique but au sein de cette île mystérieuse. Voués à être reconstruits, donc, ces souvenirs ne peuvent se compléter qu’à l’aide de fragments directement liés à ceux-ci. Disséminés un peu partout, Anna va devoir les retrouver en explorant les lieux.
Histoire de vous aider, vous disposez d’une boussole qui vous indiquera la direction dans laquelle se trouve l’objet en question. Un ballon, un ours en peluche, un cadeau, ou encore un canapé, forment une partie des 16 éléments marquants emplis d’une valeur émotionnelle pour Anna.
Cependant, on ne parle pas ici de simples babioles à collecter. En effet, pour chacun des artefacts du jeu, une petite énigme ou un mini-jeu doivent être accomplis afin que vous puissiez repartir avec le fragment manquant. Relativement simples à réaliser, nous aurons tout de même l’occasion de nous attarder un peu plus sur ces actions quelques lignes plus bas.
Une fois que les quatre mirages d’une zone sont rassemblés, une lueur blanche va guider Anna à travers l’obscurité, ce qui lui permettra de vaincre certaines de ses peurs et de symboliser le franchissement d’une étape de son apaisement intérieur. Le but est donc de trouver la quiétude auprès des événements reliés aux quatre périodes susmentionnées, avec pour conclusion l’acceptation totale, incarnée par l’accès au centre de l’île.
Expédition en eaux troubles
Quatre zones avec quatre mirages à compléter au sein de chacune d’elles, la structure de Lost at Sea se veut limpide. Peut-être trop d’ailleurs, de quoi aborder un des nombreux problèmes du titre. L’île est une enveloppe vide en dehors des trajets dictés par la boussole. On se contente de se diriger d’un point A à un point B puis de faire le trajet inverse afin de faire avancer l’intrigue. Certes, chaque époque peut être résolue dans l’ordre que l’on souhaite, mais scénaristiquement, il s’agirait d’un non-sens.
Ainsi, on note un certain manque d’envie et de liberté au niveau de l’exploration. L’invitation à se perdre ne se révèle pas plus appuyée en raison de la présence d’une sphère ténébreuse, représentant les peurs et les remords d’Anna, qui la poursuit régulièrement et la fait perdre connaissance si elle rentre en contact avec. Une menace somme toute relative puisque 9 fois sur 10, courir dans le sens opposé suffit à ce qu’elle disparaisse, passé quelques secondes.
Alors bien entendu, le jeu nous parle d’une histoire de deuil, où la protagoniste est rongée par son passé, et il ne s’agit donc pas de vacances tranquilles sur une île déserte. Mais, en conséquence, il se dégage rapidement un certain ennui, et ce n’est pas la récupération des artefacts qui sauve la donne.
Nous l’avons évoqué, ici, ne comptez pas sur des puzzles alambiqués ou des mini-jeux particulièrement sophistiqués. A une ou deux exceptions près, vous n’aurez aucun mal à aller au bout de l’action demandée. Chaises musicales, trampoline, jonglage, éclatement de ballons et autres mini-jeux très courts et accessibles vous attendent. Seulement, ils restent à l’image du sentiment global qui plane tout au long du jeu : inconsistants, et plutôt insipides.
Studio Fizbin est une structure indépendante certes, mais leur bébé, développé sur Unity, ne fait pas l’objet d’un grand soin technique. Au cours de ces séquences de gameplay, il souffre d’un manque de finitions, notamment du côté des animations. De même, les actions possibles soulignées par la mise en surbrillance du réticule de visée manquent de clarté. En bref, les mini-jeux s’oublient aussi vite qu’ils s’effectuent.
Au rang des lacunes techniques, nous nous devons de mentionner également un framerate insuffisant, un scintillement désagréable d’un décor qui de toute manière fait sincèrement pâle figure pour un titre à destination des consoles next gen. Volonté de pousser le message abstrait jusqu’au bout, ou véritables carences techniques, peu importe, vos yeux ne passeront pas vraiment un bon moment.
Presque, en tout cas, puisque lorsqu’un mirage se reconstruit, un artwork s’affiche à l’écran, pourvu là encore de métaphores liées au discours tenu par Anna à cet instant. Ici, rien à dire, les illustrations sont magnifiques et l’on prend plaisir à tenter d’en saisir tout le sens. Un jeu nécessaire tant l’histoire, aussi touchante soit-elle, n’est livrée qu’épisodiquement par ces mirages.
On peut une nouvelle fois se dire que l’équipe a voulu mettre l’accent sur l’interprétation du joueur, ou qu’elle a simplement livré l’essence de ce que l’on doit ressentir du passé d’Anna, mais on peine à pleinement se plonger dans le récit. A contrario d’un What Remains of Edith Finch, par exemple, où chaque partie de la maison nous faisait vivre avec pertinence et authenticité l’histoire qu’elle renfermait. L’ambiance sonore discrète mais correcte ainsi que la très faible durée de vie confirment cette impression de parenthèse émotionnelle que propose Lost at Sea. Entre 2 et 3 heures, c’est le temps qu’il vous faudra pour accompagner Anna jusqu’au bout de son salut, scellant la fin de ce voyage proposé par Studio Fizbin et Headup Games.
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