À une heure où l’offre vidéoludique n’a jamais été aussi vaste, il est facile, pour ne pas dire inexorable, de passer à côté de certaines productions. Le battage médiatique, auquel nous participons, couvre principalement la sphère des triple A et autres productions supervisées et éditées par des ténors de l’industrie. Alors quand un jeu indépendant sort du lot, il n’est pas toujours assuré de son succès malgré tout. Cela dépend finalement de beaucoup de choses, et nombreux sont ceux à en faire les frais.
Vous aurez remarqué que, dans nos colonnes, nous aimions beaucoup à parler de titres francophones, et à fortiori français. C’est pourquoi notre AG French Direct nous tient tant à cœur. Pourtant, même avec une plateforme de diffusion de ce genre, nous-mêmes ne sommes pas en mesure de connaître, et encore moins de couvrir, l’intégralité des productions développées par chez nous. Tout ça pour dire qu’il aurait été dommage que Lysfanga : The Time Shift Warrior reste dans l’ombre.
Conçu par un tout jeune développeur français du nom de Sand Door Studio, Lysfanga : The Time Shift Warrior est un jeu indépendant, vous l’aurez compris, qui s’offre malgré tout le luxe d’une édition par Quantic Dream, célèbre entreprise française. Non content de ce fait d’arme, le titre est par ailleurs apparu dans le programme Steam Neo Fest, plus tôt dans le mois, mettant en valeur des productions indé au moyen de démonstrations jouables. Autant le dire de suite, on vous invite à vous y essayer dès maintenant. Mais laissez nous détailler.
Conditions de test : Nous avons passé une grosse douzaine d’heures sur le jeu, via une version Steam fournie par l’éditeur. Notre partie a été intégralement réalisée à la manette Xbox, et principalement en résolution « moyenne », l’ordinateur utilisé n’étant pas destiné au gaming. Ce test est garanti sans spoiler.
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Il n’est pas évident d’expliquer le concept premier de Lysfanga : The Time Shift Warrior (que l’on va se contenter d’appeler Lysfanga pour le restant du test, si vous le voulez bien). Parce que le titre de Sand Door Studio appartient à un genre hybride, croisé de deux autres qui n’ont pas vocation initiale à jouer dans la même cour. Il peut autant être considéré comme un Hack’n Slash, que comme un jeu de réflexion. On pourrait même lui accorder une véritable dimension stratégique. Autant de casquettes qui cohabitent finalement à merveille, du moins une fois que l’on a parfaitement intégré ce que l’aventure attend de nous.
Dans Lysfanga, vous incarnez Imé. Une jeune guerrière affublée du titre honorifique (et unique) de Lysfanga, signifiant qu’il s’agit de l’élue (chaque génération a droit au sien) censée protéger les hommes. Or, fait surprenant dans le monde dans lequel elle vit, cette « élue » n’est pas née seule. Son frère jumeau, lui aussi doté de pouvoirs magiques puissants, n’a simplement pas été retenu dans le rôle de sauveur. Mais pas le temps de vous inquiéter de ses sentiments, puisque le jeune sorcier s’est retiré du monde depuis un certain temps. Du moins, jusqu’à aujourd’hui…
Toute grande guerrière qu’elle soit, Imé connaît un triste sort à l’occasion du premier affrontement du jeu. Heureusement pour elle, la Lysfanga originelle, véritable divinité adulée par la race humaine, lui vient en aide. De l’au-delà, elle lui lègue une part non négligeable de ses pouvoirs, qui lui permettent désormais de commander au temps. Mais pas de la manière qui nous vient immédiatement à l’esprit. Non, le titre de Sand Door Studio n’a pas pour vocation de reproduire l’idée générale d’un Prince of Persia : Les Sables du Temps (dont le remake arrivera peut-être un jour), qui permettait au joueur d’effectuer un retour en arrière en cas de chute.
Ici, il sera plutôt question de rémanence. Un terme dont le jeu use et abuse pour expliquer ce qui arrive à Imé. Lorsque la jeune femme tombe sur des ennemis, qui sont chaque fois organisés autour d’une sorte d’arène dont la résolution demandera réflexion, elle dispose d’un court laps de temps avant qu’une boucle temporelle la ramène au début du combat. La bonne nouvelle, c’est qu’une fois la boucle revenue à son point de départ, les actions effectuées au cours de la précédente ne sont pas oubliées, et se tiennent alors en parallèle de la boucle présente. Bien sûr, vous êtes limités dans le nombre de retours en arrière.
S’il n’est pas particulièrement facile de comprendre ce concept à cette simple lecture, Lysfanga parvient pourtant à l’inculquer au joueur d’une manière simple et efficace. Les séquences de tutoriels ne sont aucunement rébarbatives, et on ne doute pas que chacun y trouve son compte, malgré la proposition pas évidente à appréhender. Premier bon point pour le jeu, qui ne partait pas forcément gagnant à ce niveau.
À la croisée des chemins
S’il fallait décortiquer le jeu en commençant par les deux genres qu’il représente, alors on évoquerait en priorité sa partie action. La prise en main est immédiate, simple, accessible à tout le monde. Mais on conseille quand même l’utilisation d’une manette Xbox. On sent que le titre a bien été pensé pour ce support, qui jouit d’une intégration irréprochable, alors que l’on est devant une exclusivité PC. Encore un bon point ! Bien sûr, jouer au clavier est possible, et finalement on s’y retrouve facilement aussi, puisque le nombre de touches à prendre en compte n’est pas bien complexe.
À la manette, on retrouve les classiques X et Y, qui permettent d’asséner des coups plus ou moins forts, et d’effectuer des combos. Le A qui servira aux esquives, ou plutôt au dash. Reste une gâchette déclenchant une attaque spéciale, et une autre permettant de passer à une nouvelle boucle temporelle. Enfin, avec B vous pourrez déclencher une capacité déterminée à l’avance, qui peut soit être offensive, soit être défensive, soit carrément vous octroyer un bonus annexe. Comme vous faire démarrer la prochaine boucle à un autre endroit.
De quoi entrevoir, déjà, les possibilités stratégiques offertes par Lysfanga. La réflexion est de mise dans ses affrontements, puisque vous n’aurez en aucun cas le temps de venir à bout de l’intégralité des ennemis lors d’une seule et unique boucle. Pire, il va rapidement vous falloir user de stratagèmes singuliers pour vous en sortir en utilisant toutes les boucles disponibles avant le Game Over. Ainsi, votre B ne sera pas de trop, idem pour l’attaque spéciale affiliée à la gâchette basse droite, puisque tout avantage est clairement bon à prendre.
Lysfanga n’est pas un jeu facile. Et si dans un premier temps vous ne le comprendrez qu’en constatant qu’il n’est pas évident d’obtenir le meilleur score à chaque affrontement, se traduisant par un chrono à ne pas dépasser, il arrivera rapidement un moment où c’est la résolution même desdits affrontements qui vous opposera une farouche résistance. Bon point, là encore, puisque parvenir à se sortir d’un combat en intégrant une stratégie efficace est particulièrement grisant. Mais aussi parce que la durée de vie du jeu n’est pas énorme en ligne droite.
Comptez une dizaine d’heures pour voir les crédits en excluant tout contenu annexe. Cela peut sembler mince, il est vrai, mais il est bon de noter que Lysfanga n’est pas proposé bien cher : 24,99 euros sur Steam, et 5 euros de moins au lancement. Et puis, il faut bien le dire, si l’on aurait absolument approuvé l’intégration d’un biome supplémentaire avec ses missions affiliées, le jeu est malgré tout bien consistant tel quel. Parce qu’il vous permet, pour commencer, de revenir sur chacun des affrontements déjà terminés pour améliorer votre temps, en utilisant les outils débloqués au fil de votre aventure.
Trésors enfouis
Bien que Lysfanga soit un jeu linéaire, il ne lésine pas sur les petits détours, les petits collectables disséminés çà et là, ce qui permet malgré tout de ne pas se sentir trop dirigé. Notez d’ailleurs que sans ces détours, vous vous compliquerez la tâche. Puisqu’ils seront l’occasion d’engranger des gemmes vous permettant d’augmenter, point par point, votre nombre de boucles temporelles (ou rémanences selon le terme utilisé dans le jeu) à utiliser à chaque combat. Un point crucial de la progression, sans lequel vous passerez un sale quart d’heure lors du dernier chapitre… et même avant cela, à bien y réfléchir !
Lysfanga n’est donc pas avare, et propose par ailleurs quelques petits suppléments absolument accessoires qui l’honorent. Comme des tenues différentes, à collecter à travers son monde de taille réduite, ou à acheter dans votre QG. Quelques défis supplémentaires aussi. Ou encore tout un lore à dénicher, qui permet à son histoire, assez simpliste, de gagner en épaisseur. Des bonnes idées, le jeu de Sand Door Studio n’en manque pas. Au point qu’on sent sincèrement qu’il n’est pas passé loin de l’excellence, mais qu’on ne parvient pas à mettre précisément le doigt sur ce qu’il lui manque.
La possibilité d’incarner un autre personnage une fois l’aventure terminée aurait été un énorme plus, au même titre qu’un comparatif des scores avec les joueurs du monde entier. Mais ne nous épanchons pas en conjectures inutiles. Lysfanga est une franche réussite tel quel. D’autant qu’il ne démérite pas au niveau de son aspect visuel très soigné, s’offrant une identité reconnaissable malgré sa vue du dessus, et des personnages aux designs fort sympathiques. Idem du côté de sa bande son, composée de quelques morceaux agréables, et de doublages anglais de très bonne facture. Que demander de plus ?
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