En 2017, les développeurs clés derrière les jeux Danganronpa s’émancipaient de Spike Chunsoft pour fonder le studio Too Kyo Games. Master Detective Archives: Rain Code est le premier fruit de cette nouvelle formation bien que le titre s’inscrit dans la lignée de ces jeux d’enquêtes psychologiques et horrifiques à la frontière du Visual Novel. Un successeur spirituel à Danganronpa qui a la lourde tâche de renouveler la formule. Mais, y parvient-il ?
Conditions de test : Nous avons terminé la quête principale sur Switch OLED et nous avons effectué de nombreuses quêtes annexes. On précise qu’il n’y aura aucun spoil majeur ici. Les screenshots du jeu font en sorte de ne rien dévoiler sur les enquêtes.
Sommaire
ToggleDétective Kuma
L’aventure débute avec un ressort narratif assez commun. On y incarne Yuma Kokohead, un amnésique qui se réveille subitement dans une gare. Il ne sait pas qui il est, ni pourquoi il est là, mais il découvre rapidement qu’il doit prendre un train assez spécial. Lors de ce petit voyage faisant office de tutoriel, il rejoint un groupe de détectives haut en couleur et il parvient à déduire plus ou moins qu’il exerce lui aussi la même profession. Tous sont employés par l’OMD, l’organisation mondiale des détectives. Les surprises ne s’arrêtent pas là pour notre héros puisqu’il apprend qu’il est lié à une déesse de la mort du nom de Shinigami, elle prend ainsi l’apparence d’un petit fantôme qui le suit partout.
La destination est toutefois le véritable point de départ de votre aventure. Il s’agit de Kanai Ward, une ville coupée du monde et totalement sous le joug d’une méga-corporation du nom d’Amaterasu. Pour faire régner l’ordre en son sein, Amaterasu peut compter sur le groupe des Pacificateurs qui, malgré leur nom, ressemblent plus à des mercenaires. Ces derniers sont d’ailleurs assez hostiles envers les détectives et vont jusqu’à vouloir leur mort si possible. Un contexte assez bouillant dans une ville pleine de mystères que doivent percer Yuma et les autres enquêteurs.
Nous n’en dirons pas plus sur le scénario tant celui-ci est central dans le plaisir de jeu. Grâce à la plume de Kazutaka Kodaka, ce jeu d’enquête va faire intervenir une myriade de personnages aussi loufoques les uns que les autres et une intrigue qui tient en haleine tout du long. C’est l’un de ses rares jeux où vous ne pourrez pas prévoir les trois quarts des rebondissements tant ils sont imprévisibles et bien amenés. Chaque chapitre correspond plus ou moins à une grosses enquêtes et Yuma va souvent interagir avec un détective en particulier. Il faut savoir que chacun d’eux possède un pouvoir spécial très utile lors des investigations. En dehors de Shinigami, c’est le seul aspect qui sort de la réalité, mais l’écriture fait un bon travail pour rendre les enquêtes intelligentes et réalistes, sans trop abuser de ces capacités surnaturelles.
Sinigami est d’ailleurs la mascotte et la star de ce nouveau jeu des créateurs de Danganronpa. A première vue, ce simili Monokuma semble assez insupportable sur les bords, toutefois il parvient à dévoiler une vraie profondeur, humoristique et en tant que personnage, que ce soit sous sa forme de fantôme mauve ou sous forme humaine. Elle permet d’avoir une bonne dynamique à côté de Yuma totalement creux à cause de son amnésie. D’ailleurs, elle n’a clairement pas sa langue dans sa poche en utilisant parfois un langage très vulgaire et on salue l’adaptation française d’avoir retranscrit cela avec finesse. Comme d’habitude, le doublage japonais est impeccable et rend bien hommage au caractère de chaque personnage.
Un labyrinthe prévisible
Avec son intrigue passionnante à suivre, les fans de Danganronpa apprécieront ici tout ce qu’ils ont connu. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de l’expérience globale, à travers les mécaniques de jeu, qui ne parvient pas à se renouveler malgré des efforts pour étoffer les interactions. Dès que l’on sort du cadre des éléments associés au genre du Visual Novel, la répétitivité se fait cruellement sentir.
Chaque enquête emprunte le même schéma (encore une fois la narration parvient à varier le déroulement de celles-ci). D’abord on recherche des tas d’indices et d’informations que l’on collecte sous forme de « clés solutions ». Une fois que l’on a assez d’éléments en main, Shinigami nous emporte dans « le labyrinthe des mystères », un dédale où se matérialisent les énigmes du monde réel. A l’intérieur, on y retrouve plusieurs épreuves pour lever le voile sur chaque zone d’ombre d’une enquête, tout en combattant des représentations psychiques des pacificateurs et des coupables dans des duels de raisonnements où notre héros doit attaquer à l’épée les déclarations qu’il peut réfuter grâce à une clé.
Concrètement, le labyrinthe est parsemé de mini-jeux et phases de QTE qui vous donnent l’occasion d’émettre vos déductions, le plus souvent en choisissant la bonne réplique lorsqu’une énigme s’impose. Tout ça entrecoupé de couloir à parcourir en ligne droite, le temps que les dialogues entre personnages puissent se faire. On comprend ce besoin de mettre du mouvement à cette phase de déduction, mais c’est comme si on voulait mettre des éléments de JRPG dans un jeu d’enquête. C’est surprenant et original au début, mais l’ensemble ne se renouvelle pas assez. Malgré quelques bonnes surprises dans certaines phases, les activités des labyrinthes se répètent beaucoup trop.
En outre, il y a un déséquilibre au niveau de la difficulté étant donné que Yuma possède un arbre de compétences. Ces dernières peuvent augmenter votre barre de PV ou supprimer certains choix de clés lors des duels mentionnés précédemment. En bref, elles rendent la tâchent bien trop facile et on conseille vraiment de ne rien activer si vous souhaitez un minimum de challenge.
Une pluie de pixels flous
Too Kyo Games a tout de même innové sur quelques points par rapport aux Danganronpa qui usaient énormément de la 2D. Cette nouvelle licence embrasse finalement la 3D pour un résultat assez convainquant. La ville de Kanai Ward est entièrement explorable grâce à son découpage en différents districts. On ne s’attendait pas à une ville aussi détaillée offrant une ambiance à la fois gothique et Cyberpunk. On rajoute à cela une pluie permanente qui participe à son charme. Autant dire que l’on évolue dans une ambiance assez unique.
Le décor est 5 étoiles, cependant il ne faut pas s’attendre à des miracles en matière d’exploration. On a souvent droit à des courses-poursuites sous forme de QTE ou des quêtes FEDEX dans la pure tradition. C’est utile car Kanai Ward est capitale dans la compréhension de l’univers, mais en ce qui concerne le gameplay, il ne faut pas chercher plus loin. Puisque l’on vient à parler visuels, il faut souligner l’apport de Rui Komatsuzaki qui nous gratifie de chara-design toujours aussi ingénieux, en particulier dans les labyrinthes où certains prennent des formes encore plus loufoques.
Même chose dans le domaine musicale avec les morceaux de Masafumi Takada qui sont toujours dans le ton. On ne change pas une équipe qui gagne. Même si l’on n’a plus ces mises à mort spectaculaires à la Danganronpa, Master Detective Archives: Rain Code propose de nombreuses cinématiques avec Shinigami qui ne manquent pas de piquant. Par ailleurs, sachez que le jeu tourne très bien sur Switch et reste correct dans l’ensemble malgré des animations de déplacement assez rigides et une résolution assez faiblarde en docké qui donnent parfois des effets de flou à l’image. On imagine que la résolution a été sacrifiée au profit de la stabilité.
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