Voilà une bien curieuse trajectoire que celle de la licence Metal Gear. À la fois culte et populaire, notamment grâce à Metal Gear Solid et à ses trois suites principales, la saga a aussi connu moult spin-off sur quasi tous les types de supports, du Game Boy au mobile en passant par la PSP. Malheureusement, le bébé de Hideo Kojima a commencé à lui filer entre les doigts et Metal Gear Solid V : Phantom Pain symbolisa la fin chaotique des relations entre la star japonaise et Konami, à qui appartenait la licence. Metal Gear Survive, une déclinaison axée survie/tower defense en coopération, plantait le dernier clou du cercueil d’une licence terminée d’une bien triste manière.
Et puis, cinq ans et quelques parties de pachinko plus tard, Konami a décidé de ressortir son monstre sacré du placard. Par l’annonce du remake du troisième opus, Metal Gear Solid Delta, mais aussi, et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, par la sortie du premier volet d’une copieuse compilation. Metal Gear Solid: Master Collection Vol.1 a donc pour projet de regrouper les cinq premiers épisodes principaux, de Metal Gear à Metal Gear Solid 3: Snake Eater. Bon, d’accord, ça fait beaucoup de Metal Gear pour une simple introduction. Mais, au moins, vous savez où nous mettons les pieds dans cette collection qui débarque le 24 octobre sur PS5, Xbox Series, Switch, PC, ainsi que sur PS4 uniquement en dématérialisé. Maintenant, est-ce que de grandes figures du passé font une bonne compilation moderne ? C’est ce que nous allons tenter de juger.
Conditions de test : Nous avons joué plus de 20 heures à Metal Gear Solid Master Collection Vol.1, le temps de se frotter plus ou moins aux différents jeux de la compilation et de feuilleter numériquement les pages de leurs master books et screenplay books.
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ToggleLa légende renaît
Concevoir une telle collection donne l’opportunité de se (re)plonger dans ce que sont a minima des classiques sinon des révolutions en leur temps. Tout d’abord, la série a su populariser le concept d’action/infiltration. Comme une sorte de Pac-Man géant version militaire, Metal Gear et Metal Gear 2 ont posé, via la MSX2, les bases de la fameuse recette « Tactical Espionage Action » définitivement mise en avant par Metal Gear Solid, sur PSX. C’est sans nul doute par ce dernier que la grande majorité du public a fait connaissance avec le héros légendaire Solid Snake, et donc avec ce gameplay axé sur la furtivité, mais pas seulement. L’action est bel et bien de la partie et quelques séquences de tir ou combats de boss viennent apporter du peps.
Hormis son système de jeu, Metal Gear Solid a aussi adressé à sa sortie une claque de réalisation et de scénario. Portée par ses personnages très charismatiques aux accents de série B, l’histoire a retourné le cerveau de bien des joueurs. À coups d’espionnage, de manipulation, de complot et autres contre-kems, Hideo Kojima, fan absolu du septième art et grâce à son équipe de développement, a laissé une très grande place à la mise en scène. Riche en cinématiques et en dialogues, elle a même fini par constituer une part importante de l’ADN de la saga.
Procéder ainsi a pu permettre de parler de thématiques sérieuses autour de la géopolitique, de l’armement, de la génétique, etc. Ce sérieux dénote pourtant assez nettement face aux nombreux easter eggs et autres bris du quatrième mur, comme pour nous ramener régulièrement à son statut de jeu pur et simple. Le boss Psycho Mantis et ses pouvoirs lui permettant de « lire notre carte mémoire », de « déplacer notre manette par la pensée » ou de nous obliger à changer la manette de port constitue un des exemples les plus marquants de ce lien particulier avec les joueurs.
Metal Gear Solid 2 est allé plus loin en apportant des améliorations de gameplay et en poussant les potentiomètres à fond. Encore plus cinématographique, encore plus bavard, encore plus méta dans son propos via un discours effroyablement visionnaire, cette suite est un nouveau succès. Le titre finit d’installer à la fois Kojima comme l’une des personnalités majeures de l’industrie et Metal Gear Solid comme une licence incontournable.
Le 3 a quant à lui pris un virage différent en effectuant un grand saut dans le passé de la timeline, histoire de vivre la genèse de Big Boss, un des soldats les plus célèbres de tous les temps. Un autre Snake, la même réussite. Grâce à un système de soft survie et de camouflage rafraîchissants, à des environnements davantage exotiques et ouverts, ainsi qu’à un contexte géopolitique passionnant, la recette continue de prendre tout en s’étoffant. Que dire également des ennemis à nouveau très marquants avec en tête The End, dont le sort fait l’objet de diverses issues étonnantes, ou encore The Boss, personnage féminin parmi les plus mémorables du jeu-vidéo.
Du contenu bonus bienvenu
Sur le papier, Metal Gear Solid: Master Collection Vol.1 contient donc un pan notable de l’histoire vidéoludique à parcourir. Notons tout de même que, du côté du support dématérialisé, il n’est pas obligatoire d’acheter toute la collection. Si seulement certains (ou un seul) titres vous intéresse, la possibilité de les acheter séparément devrait vous arranger. Chacun des opus dispose de son interface permettant de lancer le jeu. Exception faite du côté de Metal Gear 1 et 2 qui vont de paire.
Maintenant, puisqu’on nous parle d’une Master Collection il faut, pour mériter ce nom, du contenu supplémentaire. Interviennent alors les Master Books et les Screenplay Books. Chaque jeu dispose de ces livrets numériques, destinés à celles et ceux voulant approfondir leurs connaissances sur l’univers de la série. Le Master Book reste le plus intéressant des deux, en proposant une quantité généreuse d’informations.
Les personnages sont mis en valeur en étalant leur profil, leurs citations notables, leurs liens avec d’autres, leur évolution au cours de la saga, leurs apparitions listée par jeux, et bien d’autres points. Figure également l’historique complet des événements notables de la licence, mis en parallèle avec ceux du monde réel. Un résumé du jeu en question y est détaillé, en approfondissant par exemple les motivations et les actes de certains personnages. Les Master Books fourmillent en sus de petites astuces de gameplay, de conseils pour battre les boss et d’easter eggs dévoilés. Les différents collectibles de la série y sont recensés, en mentionnant leurs emplacements plus ou moins précisément. C’est le cas des photos fantômes de MGS1, les dog tags (ou plaques d’immatriculation) de MGS2, ou des kerotans de MGS3.
On salue cette démarche qui est censée faire plaisir aux adeptes du 100%. Malheureusement, l’intérêt demeure extrêmement limité. Ces pages comportent des cases, à cocher naturellement une fois le collectible récupéré. Pourtant, nous parlons bien d’un livret numérique, et à notre connaissance une version physique n’est pas prévue. De plus, Internet existe et par le biais de vidéos ou de wikis, trouver ces collectibles reste bien plus facile par cet intermédiaire. Surtout que ce cher Master Book ne peut être consulté qu’au sein du menu principal. Donc, en plein jeu, ces guides de collectibles ne servent à rien.
L’autre livret numérique, le Screenplay Book, s’avère certes moins utile en jeu mais comporte ni plus ni moins que le script du jeu choisi. Des centaines de pages de cutscenes décrites et de dialogues sont référencées, afin de ne louper aucune miette. Un recueil particulièrement intéressant du côté des séquences de codec puisque sont notamment listées toutes les conversations « cachées » ainsi que leurs conditions pour être entendues in-game. Et croyez-le bien, à moins de connaître la série sur le bout des doigts, vous risquez d’en découvrir un certain nombre. Ces ajouts bienvenus et passionnants se ternissent d’une mauvaise nouvelle : les Master Books et Screenplay Books ne peuvent être consultés qu’en anglais ou en japonais. Un joli coup de clim’ auprès des personnes pas vraiment à l’aise avec ces langages, en ratant l’immense occasion d’attiser leur curiosité.
Enfin, du côté du Bonus Content Vol. 1, un « jeu » à part, nous avons la possibilité de jouer au portage NES de Metal Gear et à Snake’s Revenge, le faux Metal Gear 2. Entre nous, ce ne sont clairement pas les éléments les plus brillants de la collection. Les seuls contenus appréciables du Bonus Content se trouvent plutôt du côté des Digital Graphic Novel de Metal Gear Solid et de Metal Gear Solid 2. Revisites des aventures des jeux éponymes, ces bandes dessinées interactives constituent un complément sympathique à l’intrigue de base. Hélas, nous n’avons pas pu les tester car un téléchargement depuis le PlayStation Store était requis… et impossible avant la sortie officielle de la collection.
Technical Enhancement Inaction
Un souci technique pénalisant ce test auprès d’autres aspects de cette compilation. En effet, Metal Gear Solid: Master Collection Vol.1, au-delà de regrouper des jeux, c’est offrir la possibilité aux européens de jouer aux versions nord-américaines ou japonaises de certains opus. Metal Gear Solid, par exemple, est faisable dans l’état que l’on a connu en France, à savoir la version PAL en 50 hz jouissant de son doublage hors-sol légendaire. Mais cette Master Collection comprend aussi Metal Gear Solid Integral, une espèce de definitive edition sortie uniquement au Japon. Même problème que pour les graphic novel, il nous a été impossible de jouer à cette version pour vous en parler dans le cadre de la compilation.
Toutefois, soyez certain d’y retrouver les divers ajouts qu’elle contient, comme la difficulté Very Easy ou le mode à la Première Personne, le tout en 60hz, soit la « vraie » vitesse de jeu. Ici, pas de VF ni de sous-titres français mais il s’agit sans nul doute de la meilleure mouture de cet opus. De la même manière, nous disposons des deux versions mettant en scène Snake dans des centaines de missions d’infiltration et d’élimination, où l’on peut s’entraîner avec toutes les armes du jeu de base dans de multiples situations : Metal Gear Solid: VR Missions du côté des USA et du Japon, et Metal Gear Solid: Special Missions sorti chez nous.
Metal Gear Solid 3: Snake Eater propose quant à lui de jouer aux versions nord-américaine et japonaise. Des différences mineures se situent notamment au niveau de la censure et de la diffusion du sang. Les sauvegardes sont d’ailleurs partagées entre la version européenne et nord-américaine. Donc si vous souhaitez jongler entre les deux afin de comparer, libre à vous. Enfin le doublage japonais est lui aussi téléchargeable afin de découvrir le travail des comédiens nippons. Un ajout également effectué du côté de Metal Gear Solid 2 qui, pour ne pas déroger à la règle, nous a été inaccessible durant la période de test.
Là où l’inquiétude s’alimentait logiquement, c’était du côté de la technique. Konami nous avait prévenu : la résolution n’ira pas au-delà du 1080p. Le 60 fps est assuré sur toutes les consoles, sauf du côté du premier Metal Gear Solid. La Nintendo Switch, elle, reste bloquée à 30 fps quel que soit le jeu. La bécane hybride affiche même uniquement du 720p lorsqu’elle est utilisée en mode portable. Ajoutons à cela la seule présence des vieux épisodes sur la cartouche, tandis que le reste doit se télécharger depuis l’eShop. La pauvre n’apparaît donc pas comme une option optimale, même si très pratique, alors qu’une telle compilation lui était presque destinée. Bien qu’il s’agisse d’un regroupement de portages, on nourrissait un maigre espoir d’une quelconque plus-value visuelle. Or il n’en est rien.
Metal Gear Solid pique légèrement les yeux en plus de rester bloqué en 4:3, et Metal Gear 1&2 ainsi que Metal Gear Solid 2 et 3 ont tout simplement été transposés directement depuis la HD Collection déjà sortie sur PS3 en 2011. La compilation s’est même permise de comporter quelques bugs comme des séquences Codec saccadées dans le premier MGS ou encore des cinématiques qui décalent image et son au sein du deuxième. Sachez malgré tout qu’un patch day one est prévu pour gommer ces petits tracas et compte notamment ajouter l’option de switcher entre affichage fenêtré et plein écran. N’allons pas non plus jusqu’à parler de hold-up, mais on devra donc se contenter du strict minimum, sans pouvoir non plus compter sur des options d’accessibilité supplémentaires. Certes ces ajouts doivent sans doute être difficiles à implémenter. Seulement, dans le cadre d’une telle compilation pouvant s’ouvrir à un nouveau public, le manque se ressent.
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