En s’éloignant des tribulations tokyoïtes des Shin Megami Tensei et Persona, Metaphor ReFantazio apparaissait comme un vrai vent de renouveau pour Atlus. Terminé le train-train quotidien des lycéens, les questionnements d’adolescents et les démons à invoquer, place à la vraie grande aventure dans un monde beaucoup plus typé fantasy, plus traditionnel pour le genre du JRPG. Un masque qui craque vite en quelques heures de jeu pour laisser apparaitre une formule que l’on commence à connaître par cœur – celle de Persona – et qui nous fait nous demander si Metaphor ReFantazio n’est pas qu’une simple copie de la saga phare d’Atlus pour le public qui serait allergique à tout l’aspect lycéen. Un questionnement balayé après des dizaines d’heures de jeu, suffisantes pour s’apercevoir que même si Metaphor ReFantazio pourra être perçu comme « un Persona avec une moustache », c’est une bien belle moustache qui modifie bien plus que le look.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu dans sa version Steam en 60 heures en mode Normal (parmi 5 modes de difficulté). Nous avons également terminé 95% du contenu annexe et maximisé tous les liens avec les PNJ. Le jeu a tourné sur un PC équipé d’un processeur AMD Ryzen 5 5600 6-Core 3.50 GHz, de 16 Go de RAM et d’une carte graphique AMD Radeon RX 6700 XT. Ce test est garanti sans spoilers et les images présentées ici en dévoilent beaucoup moins que les bandes-annonces du jeu.
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ToggleUn titre qui ne manque définitivement pas de personnalité
Autant prévenir d’entrée : les comparaisons avec Persona seront nombreuses ici. Pas par facilité, ni par besoin compulsif de comparer toute œuvre à une autre. Même si l’on aimerait juger cette nouvelle licence en tant que telle, elle emprunte beaucoup trop d’élément à l’autre licence d’Atlus pour ne pas tirer quelques parallèles évident qui nous sont balancés en plein visage. A vrai dire, Metaphor ReFantazio est davantage un spin-off de Persona que Persona ne l’est de Shin Megami Tensei.
La structure entière du jeu repose sur le même principe avec un découpage calendaire, des relations à tisser et des activités annexes rythmant les journées, ce qui renvoie forcément à Persona et ce malgré l’absence du climat contemporain. Qu’importe le cadre : si vous avez retourné Persona 3 à 5, aucune chance d’être réellement dépaysé ici.
Cela n’empêchera pas Metaphor ReFantazio de vous surprendre, et avec brio. Le changement de cadre qu’il apporte est loin d’être anodin. En versant dans la fantasy un peu plus traditionnelle, le jeu aborde évidement des thèmes bien différents de Persona, quand bien même la question de l’injustice reste au centre de toutes les réflexions. Il n’est plus question d’aborder le mal-être de la jeune génération ni les dérives de notre société, du moins en apparence, puisque l’univers qu’il dépeint lui permet de prendre un peu de distance avec ces thèmes.
Car derrière ce récit qui nous raconte une course au trône après la mort d’un roi, le jeu s’attaque à tout ce qui touche à la discrimination, le repli sur soi des pays, à la manipulation des masses par la haine et à bien d’autres sujets assez lourds, notamment le deuil. Après tout, la magie de cet univers est directement reliée au niveau d’anxiété de la population et des personnes qui l’utilisent. Le titre réalise aussi sa propre introspection – en tant qu’œuvre – en se demandant si l’imaginaire permet de changer les choses dans le monde réel, au travers du rapport qu’entretient le héros avec un roman mystérieux lui décrivant une utopie.
Le roi est mort, vive le roi
Pour que tout cela soit plus clair, un synopsis d’usage s’impose. Metaphor ReFantazio vous plonge dans la période la plus troublée du royaume d’Euchronie, qui vient de perdre son souverain suite à un assassinat orchestré par Louis, jeune chef militaire brillant qui serait aussi responsable de la malédiction lancée sur le jeune Prince. Ce dernier n’est pas réellement mort et notre protagoniste, ami d’enfance du Prince, s’en va en mission pour combattre Louis en espérant lever le sort qui pèse sur celui qui devrait prendre légitimement le trône.
Manque de chance, le feu Roi a mis en place un système magique qui permet au peuple de désigner son nouveau souverain, et même six pieds sous terre, ses pouvoirs empêchent quiconque de prendre la tête du royaume de force si les citoyens ne sont pas d’accord (les perdants ne peuvent donc pas prendre le pouvoir ici, tiens donc), ou de s’attaquer aux divers prétendants. Dans un royaume où les différentes races sont discriminées de toutes parts, de nombreux candidats vont donc rejoindre cette élection pas comme les autres afin de changer le sort de leurs congénères, Louis y compris, ce qui forcera notre héros à faire de même afin de se rapprocher de son ennemi juré.
Metaphor ReFantazio nous raconte donc cette campagne politique hors du commun dans laquelle nous sommes amenés à voyager à travers le pays pour récolter des soutiens afin d’empêcher un véritable tyran de renverser le royaume. Le tout est bien entendu rempli de twists (certains bien sentis, d’autres très téléphonés) et de personnages marquants, à commencer par un antagoniste omniprésent relativement classique mais charismatique. Et pour une fois, notre héros a un peu plus de personnalité dans la mesure où il est doublé. N’attendez pas de lui qu’il soit un moulin à parole non plus, même si ce petit ajout aide à s’attacher et à mieux ressentir sa connexion au reste du casting.
Agenda de ministre
Ce postulat de base est assez captivant dans la mesure où il pose d’entrée de jeu des enjeux bien plus clairs que certains autres titres d’Atlus. Les jeux du studio sont réputés pour avoir une introduction quelque peu poussive avec une intrigue qui peut mettre du temps à démarrer. C’est loin d’être le cas ici, même si le titre reste très verbeux et nous embarque parfois dans des tunnels de dialogues de plusieurs dizaines de minutes. Les choses sérieuses commencent malgré tout très rapidement pour nous plonger dans le bain sans attendre.
Ce bon rythme d’introduction est d’ailleurs conservé durant une bonne partie de l’aventure. Metaphor ReFantazio offre finalement une aventure bien plus resserrée que celle de Persona 5, contrairement à ce qu’Atlus pouvait affirmer. Et c’est une bonne chose, car si la durée de vie s’en trouve un tout petit peu amoindrie, l’épopée est bien plus digeste. On se souvient être encore assez surpris de la manière dont s’enchaînent certains événements dans la deuxième partie du jeu, dans laquelle le système de calendrier devient plus une contrainte qu’autre chose pour le bon déroulé du récit.
C’est aussi parce qu’Atlus a fait le choix de réduire le noyau dur du groupe de héros. Dans Persona 5 par exemple, en plus des relations à tisser avec les autres Phantom Thieves, il fallait aussi s’occuper de la dizaine de Confidents possible. Metaphor ReFantazio remplace ces derniers par des Alliés au nombre un peu plus restreint, avec un niveau maximal bien plus rapide à atteindre. Oubliez ici les romances, les petits cadeaux, et tout ce qui était nécessaire pour faire progresser les liens. Ici, la progression dans le scénario intime de vos Alliés est bien plus directe, plus automatisée et donc moins chronophage. Vous serez malgré tout limité à des contraintes de calendrier, de lieu et période (jour ou nuit), mais c’est bien plus simple à gérer.
Le nombre d’activités faisant passer le temps est aussi limité, car le jeu vous propose une autre contrainte. Là où un Persona vous demande de rester dans une même ville, Metaphor ReFantazio vous fait voyager. Très rapidement, vous décollerez de la capitale pour aller explorer les villes voisines et cela ne se fera pas en un jour. Bouger d’un lieu connu à un autre encore jamais exploré va vous demander de sacrifier plusieurs journées, et vous savez probablement à quel point chaque journée est précieuse lorsque l’on a affaire à un jeu orienté Persona.
S’aventurer dans un donjon demande donc un peu de réflexion, même si vous ne serez pas non plus totalement inactif durant les journées de voyage puisque vous pourrez toujours parler à vos compagnons, faire de la cuisine, lire des livres pour renforcer vos attributs royaux (les statistiques sociales)… Vous passerez donc beaucoup de temps au sein du gros engin vous servant de véhicule et de QG, c’est pourquoi on retrouve peu d’activités énergivores en dehors de cet endroit. Autrement dit, il est bien plus facile d’optimiser son temps dans Metaphor ReFantazio, dès lors que l’on gère bien la durée demandée par un voyage.
Aux armes, citoyens
Si l’on y réfléchit bien, ce n’est qu’un exemple des nombreuses mécaniques empruntées à Persona qu’il améliore. En mettant de côté son idée de base et son monde original, il est vrai que sur le papier, Metaphor ReFantazio ne semble pas trop vouloir s’éloigner de la formule d’origine made in Atlus. Néanmoins, il fait tout pour la rendre plus confortable. A l’image du système de combat qui commence désormais avant même de passer par le traditionnel affrontement au tour par tour. Le studio a choisi de rendre les choses plus dynamiques en optant pour une partie en temps réel.
Lorsque vous voyez vos ennemis, vous pouvez les attaquer et esquiver leurs assauts à la manière d’un jeu d’action classique (bien que limité). Cela va vous permettre de grignoter leur barre de vie jusqu’à les assommer, pour entrer dans le combat avec un sacré avantage (l’inverse est aussi possible si vous vous faites surprendre). Si l’on parle de confort, c’est aussi parce que le jeu vous permet d’éliminer directement certains ennemis de cette façon si votre niveau est trop élevé pour eux. En somme, terminé les combats répétitifs contre des monstres trop faibles, un coup d’épée suffit pour éviter de perdre du temps. De quoi rendre l’exploration dans les donjons nettement plus plaisante, ainsi que le grind moins rébarbatif qu’il ne l’est déjà.
Une fois en plein combat, on reprend nos vieilles habitudes. Metaphor ReFantazio ne bouscule pas réellement la façon dont se déroule un affrontement, si ce n’est que vous disposez maintenant d’un nombre d’actions limité par tour, représenté par des cristaux. En visant le point faible de l’ennemi, au lieu de perdre un cristal, vous n’en perdrez qu’un demi (tout comme en passant le tour d’un personnage), et c’est donc là-dessus qu’il va falloir baser toute votre stratégie.
Vous trouverez aussi des attaques en symbiose entre deux personnages, qui vont utiliser deux cristaux d’un seul coup mais qui vous donnent accès à des attaques nettement plus puissantes, parfois bien mises en scène. Peu de surprise de ce côté-là donc. Pourquoi changer une équipe qui gagne après tout, puisque ce système a fait ses preuves.
Les Archétypes font le job
Les véritables changements sont à chercher en amont des combats, avec les Archétypes à équiper. Au premier regard, ce ne sont que des personas sous un autre nom. Ils s’utilisent de la même façon, et leur développement se déroule dans un lieu mystérieux avec l’aide d’un homme tout aussi intriguant qui vous dit tout à leur sujet, comme ce bon vieux Igor. Au lieu de se tirer une balle ou de s’arracher le visage, nos héros doivent ici littéralement s’arracher le cœur pour s’en servir de mégaphones afin de les invoquer (plus rien ne nous surprend). Après tout, cela colle bien aux thèmes du jeu, où les protagonistes doivent mettre leur cœur à nu pour convaincre la foule. On se rend cependant vite compte qu’ils sont plus proches du système des classes (ou des jobs), que l’on retrouve dans des JRPG classiques comme les premiers Final Fantasy.
Seule une quarantaine d’Archétypes sont disponibles, séparés dans plusieurs « branches » avec des fonctions très basique comme Mage, Guérisseur, Combattant, etc. Chaque Archétype de base peut évoluer vers des jobs plus avancés lorsque toutes les conditions sont réunies. Un grand classique donc. Mais là où un Persona restreignait chaque personnage (en dehors du héros) à son propre persona, Metaphor ReFantazio vous laisse bien plus libre dans l’exploration des Archétypes par les différents membres du groupe. Libre à vous de vous constituer un groupe entier de mages si cela vous chante, ou d’opter pour la force brute avec tous vos héros.
Chaque membre peut changer à l’envie de d’Archétype (à condition d’avoir les ressources nécessaires), ce qui vous laisse vous adapter à n’importe quelle situation. Vous bloquez sur un boss qui n’est sensible qu’aux dégâts tranchants ? Changez les Archétypes de votre groupe pour mieux le combattre. Bien entendu, certains personnages auront plus d’affinités sur certaines builds que d’autres, mais vous saisissez l’idée. Grâce à un système nommé Echos des voyageurs, qui nous permet de voir la constitution des groupes d’autres joueurs, on a été surpris de voir certains personnages être partis sur des Archétypes totalement opposés à ceux que l’on avait nous-mêmes choisi pour eux.
Et au lieu de changer tout le temps d’Archétypes, vous pouvez faire en sorte de transférer des capacités d’un Archétypes à un autre. Un Combattant pourra donc très bien avoir à des compétences de soin si le personnage a étudié l’archétype du Guérisseur auparavant, par exemple. Tout ce système est bien pensé et plus profond qu’il n’y parait, en plus d’être bien plus qu’une resucée des personas.
Un mandat qui tourne en rond
En ayant dit tout cela, et si Metaphor ReFantazio n’était pas finalement un meilleur Persona que les vrais Persona ? En un sens, c’est le cas sur de nombreux points, même s’il lui manque un aspect vraiment révolutionnaire pour marquer les esprits. Et il ne faut pas non plus mettre sous le tapis tous ses défauts, qui sont bien présents. Ce n’est peut-être que très personnel, mais à notre avis, le système de popularité est l’un d’eux.
Pour bien représenter votre position dans cette élection, vous serez parfois notifié de votre place en tant que prétendant au trône. Vous débuterez en bas de l’échelle puisque vous êtes inconnu, et chacune de vos actions va vous aider à grapiller quelques places dans ce classement. Sur le plan narratif, cela fonctionne très bien. Cependant, c’est tout ce qu’il faut en attendre. Votre progression dans ce classement n’est liée qu’à l’avancée dans l’histoire, et si effectuer des quêtes annexes vous fait progresser, ce n’est finalement qu’illusoire. Aucune conséquence n’est véritablement liée à votre position, en dehors de celle dictée par le scénario. On peut se dire que cela est pour le mieux car cela aurait rajouté une contrainte supplémentaire en plus de celle du calendrier, mais il y avait sans doute une mécanique à creuser ici.
En dehors de ce rendez-vous manqué, la plupart des problèmes que l’on a avec le jeu sont presque tous concentrés dans son contenu annexe, oubliable au possible. Pas de Tartare ou de Mémento à explorer ici (dieu merci), mais des donjons secondaires qui ne sont calqués que sur trois modèles différents, qui reviennent en boucle. La disposition des couloirs change, mais aucun n’a de vraie personnalité et leur level-design est des plus basiques. On pourra même dire que certains donjons principaux n’ont pas du tout l’aura des Palais de Persona 5, mais ils font au moins l’effort d’introduire des mécaniques uniques, comme celui qui rend un hommage direct à Metal Gear Solid (si si).
Cela irait si ces donjons optionnels faisaient l’effort d’introduire un bestiaire un peu plus neuf, mais là encore, c’est une répétition générale. Vous retrouverez les mêmes monstres encore et encore, avec des couleurs différentes et des designs parfois peu inspirés. Atlus relève seulement le niveau avec les Humains, qui ne sont pas comme vous et nous car il s’agit des monstres les plus effrayants d’Euchronie. Leur chara-design est un peu plus inspiré avec des visions parfois cauchemardesques. Dommage qu’eux aussi finissent par être recyclés.
Refermons ce chapitre des doléances en évoquant un sujet qui risque d’être controversé : celui de la bande-son. Rangez vos fourches et réprimez vos craintes, car il est important de préciser en premier lieu que Metaphor ReFantazio est une sacrée aventure auditive. Elle a cependant le même souci qu’un Final Fantasy XVI, pour ne citer qu’un exemple récent. Elle se contente trop souvent de répéter les mêmes thèmes et perd peu à peu de sa créativité lorsque l’on a déjà investi plus d’une quarantaine d’heures de jeu. Le meilleur exemple pour illustrer cela est le thème unique de la plupart des boss qui revient en boucle et qui n’est d’ailleurs pas très convaincant.
Accrochez-le au Louvre
En dehors de ce grief, l’OST de Metaphor ReFantazio fait parfois preuve d’une audace assez folle. On retrouve bien entendu quelques thèmes assez classiques pour de l’heroic-fantasy, avec quelques mélodies plus mélancoliques qui restent en tête, et d’un coup, Shoji Meguro se réveille en nous offrant des morceaux complètement originaux.
On vous met au défi de ne pas être surpris devant le thème de combat principal du jeu, qui mélange des sonorités très orchestrales, militaires et épiques à du phrasé/rap/yoodle (c’est indéfinissable à ce point) en ce qui semble être de l’Esperanto (un mélange de plusieurs langues). La première écoute est totalement déconcertante, au point où l’on se dit qu’il sera difficile de supporter cela durant 60 heures. Et 60 heures plus tard, on en redemande. Il s’agit d’une vraie proposition, à part dans le catalogue du compositeur, qui pourra diviser mais qui a fait mouche chez nous.
Si toutes les oreilles ne seront pas convaincues, tous les yeux se régaleront. Metaphor ReFantazio est une véritable leçon de design. Depuis Persona 5, Atlus a su prouver sa maitrise et ce jeu est sans doute l’apothéose du travail du studio. Chaque sous-menu est une merveille, chaque police est parfaite, chaque couleur est vivante. Cela en est même parfois presque trop sur quelques menus où la lisibilité pourrait être retravaillée, si l’on voulait faire la fine bouche sur ces différents tableaux de maître qui nous sont présentés.
De manière plus globale, c’est tout l’enrobage visuel de Metaphor ReFantazio qui est à saluer. Du chara-design de Shigenori Soejima à l’ambiance générale du jeu, qui renvoie directement à Majora’s Mask et sa lune inquiétante avec le visage du Roi gravé sur la pierre qui flotte au-dessus du royaume, tout est un festin pour les yeux. Seul le moteur graphique ne se montre pas niveau avec des baisses de framerate dans les grandes villes (pourtant étriquées) et des textures assez faiblardes en dépit de bons modèles 3D, ce que l’on oublie vite sur le chemin. Surtout lorsque l’on croise ces paysages reproduits avec le style des séquences animées, qui offrent des panoramas somptueux qui nous font encore plus regretter le fait de ne pas pouvoir s’y balader.
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