Débuté en 2013, le Kickstarter de Mighty No.9 avait engrangé près de quatre millions de dollars. Développé par le studio Comcept, fondé par Keiji Inafune et de nombreux autres vétérans ayant notamment œuvré sur la série des Mega Man, le titre se présente comme un jeu d’action classique en défilement horizontal. Ne serait-ce qu’au regard de la présentation du projet sur Kickstarter et de l’équipe aux commandes du projet, on devine qu’il s’agira surtout d’une suite spirituelle à la série Mega Man, dont l’âge d’or sur NES manque à bon nombre de joueurs nostalgiques. Ayant souffert de très nombreux reports, voyons si l’attente pour ce titre en valait la peine.
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ToggleLe soulèvement des machines
Mighty No.9 nous place donc aux commandes de Beck, un jeune robot de neuf ans, mis au point par le professeur William White. Alors que les robots font partie intégrante de la société, voici qu’un jour, pour une raison inconnue, tous les robots se rebellent et s’opposent à l’humanité. Beck étant le seul robot à ne pas être touché par ce problème (et l’on saura pourquoi plus tard dans l’histoire), c’est à lui qu’incombe la lourde tâche de remettre de l’ordre dans tout ce chaos. Le professeur White et le Dr Sanda demandent alors à Beck de tenter de ramener à la raison les huit autres Mighty, autres robots mis au point par White, dont notre héros est le dernier de cette série.
Concernant l’histoire, ne vous attendez pas à quelque chose de fou. Elle est surtout un prétexte à justifier le déroulement du titre, et c’est bien dommage. Un gros effort a été fait pour offrir des doublages (disponibles en français, en anglais et en japonais !), seulement, différents problèmes se posent. Tout d’abord, si les doubleurs français sont bien connus, ils sont loin d’être convaincants. Leur talent n’est pas vraiment à remettre en cause, le problème tire davantage du côté de la direction des comédiens… où l’on frôle la limite de la catastrophe.
Ça manque cruellement d’investissement et de crédibilité, ce qui est fort dommage. La mise en scène des cinématiques est aussi très pauvre, au même titre que les animations des personnages durant ces séquences. Ces derniers restent amorphes et les visages sont figés les trois quarts du temps. Tout cela fait qu’il est très difficile de s’attacher aux personnages, et même au héros. L’histoire aurait même pu d’ailleurs profiter d’un meilleur approfondissement. Le titre donne l’impression que Comcept aurait voulu pousser tout cela sans jamais y parvenir, mais pourquoi ?
Malgré un certain potentiel, l’univers de Mighty No.9 manque de profondeur.
De même, les cartons censés raconter l’histoire sont très courts. D’ailleurs au début, une voix vient expliquer le contexte dans lequel prend place l’histoire, avec quelques illustrations plutôt bien réalisées. On retrouve le même principe à la fin, sauf qu’on se retrouve avec uniquement des illustrations racontant très brièvement ce qu’il s’est passé ensuite, sans aucune voix off, comme si le manque de moyens (ou la paresse) avait fini par gagner l’équipe de développement.
Et soyons clairs dès maintenant, nous allons inévitablement et de nombreuses fois comparer ce titre à la série des Mega Man, pour la simple et bonne raison que Mighty No.9 en est extrêmement proche, pour ne pas dire identique. Sachant cela, le fonctionnement des niveaux se présente de la même manière que l’ancienne série de Capcom : l’aventure n’est pas linéaire, il est ainsi tout à fait possible de faire les niveaux de bases dans le désordre. Ces derniers, par ailleurs très variés les uns par rapport aux autres, possèdent un thème lié à leur boss, ce qui n’est pas surprenant non plus, mais que l’on apprécie toujours autant. Ainsi, on peut par exemple citer une raffinerie de pétrole où le Mighty maitrisant le feu domine, une centrale électrique où la glace a pris possession des lieux, ou encore une mine remplie de galeries.
Faire du neuf avec du vieux
Le design des niveaux reste dans la plus pure lignée de ce que l’on connaissait déjà par le passé : on traverse des niveaux linéaires avec leur lot de passages secrets (peu nombreux), d’ennemis et de pièges toujours aussi bien placés. Keiji Inafune et son équipe n’ont rien perdu de leur machiavélisme en matière de conception et il sera souvent nécessaire de mourir au moins une première fois afin de connaitre les passages les plus vicieux. Comme d’habitude, c’est comme une partition : le but est de parvenir au bout tout en apprenant au fur et à mesure, jusqu’à parvenir à réaliser le meilleur parcours possible, boss compris. On regrettera toutefois quelques passages de plateforme qui ont tendance à se montrer trop hasardeux et frustrants. Les ennemis quant à eux sont plutôt sympathiques, mais le « bestiaire » est beaucoup trop similaire à celui de la série de Capcom : certains sont à la limite du copier-coller.
Chacun des niveaux proposés se conclut par un boss (un des Mighty donc) qui, une fois vaincu, comme dans Mega Man, offre ses capacités à notre jeune héros. Ces boss sont d’ailleurs de qualité dans le design et restent dans la lignée des boss de la mythique série. La capacité acquise sera alors un atout de choix contre l’un des autres boss du jeu. En effet, chaque boss possède une faiblesse liée à la capacité d’un des autres Mighty. Bon certes, cette idée n’a rien de bien original, mais c’est une formule toujours aussi plaisante, d’autant qu’il n’y aucune obligation. Vous pouvez choisir de faire les niveaux dans l’ordre permettant de battre les boss en attaquant leur point faible. Ou si vous aimez les défis, vous pouvez tout simplement jouer les niveaux dans l’ordre proposé. Un ajout a néanmoins été fait par rapport à cette idée de point faible.
Car ne soyons pas mauvaise langue, le soft de Comcept propose tout de même quelques originalités. Du point de vue du gameplay d’abord : si une capacité particulière d’un boss permet d’en défaire un autre, il faut aussi savoir qu’une fois qu’un Mighty est battu, celui-ci revient à la raison. Et si vous allez ensuite dans le niveau où sa capacité correspond au point faible du boss, ce personnage pourra ainsi agir sur l’environnement afin de faciliter la progression de Beck. Il s’agit donc encore d’un autre avantage à ne pas négliger pour optimiser ses performances sur un niveau. Par rapport à l’aspect performance, ajoutons que les niveaux se terminent par une note qui nous est attribuée en fonction de nos performances. Obtenir la meilleure n’est d’ailleurs pas de tout repos.
Mighty No.9 utilise une recette maintes fois éprouvée mais avec son propre gameplay, assez réussi.
Mais ce n’est pas tout, le héros de Mighty No.9 possède ses propres capacités qui lui confèrent des avantages très intéressants. Pour commencer, précisons que Beck possède les capacités de base, très classiques : se déplacer, tirer, changer de pouvoir ou faire un dash (mouvement rapide dans une direction donnée). Lorsque Beck attaque un ennemi, quand ce dernier a subi suffisamment de dégâts, il se met à briller d’une certaine couleur (soit rouge, bleu, vert ou jaune) et dès lors, si nous utilisons le dash vers cet ennemi, Beck pourra l’absorber et ainsi bénéficier de bonus tels qu’une augmentation de dégâts, de la vitesse de déplacement, etc. Les pouvoirs offerts par les boss étant limités dans leur utilisation, l’absorption permet également de recharger ces capacités spéciales.
La maniabilité générale du héros est sans aucun doute le plus gros point fort du titre puisque celui-ci s’avère être extrêmement mobile et très agréable à contrôler. Son dash est l’élément central dans sa maniabilité et elle permet bon nombre de possibilités dans les déplacements. C’est également un élément clé de notre survie, d’autant que son utilisation est plutôt bien dosée, au point d’en devenir jouissive dans les affrontements. Il est illimité dans son utilisation mais implique d’être étourdi plus longtemps lorsqu’un ennemi nous touche, ce qui nous pousse tout de même à la prudence, sans pour autant enlever sa nervosité à l’ensemble. Bref, Beck est très agréable à manipuler et parvient, dans cette section, à se hisser à la hauteur de son grand frère spirituel.
Les douze niveaux proposés bénéficient bien entendu de points de contrôle qui font que vous n’aurez pas à recommencer depuis le début, tant que vous n’avez pas écoulé les deux vies offertes en commençant celui-ci. Ces checkpoints sont souvent accompagnés de l’arrivée du robot Patch qui est là pour offrir des bonus. Lors d’une première partie dans un niveau, ce dernier vous offrira un soin plus ou moins important, cette fonction étant purement aléatoire. La particularité est que si vous perdez et finissez sur l’écran de game over et que vous recommencez sans quitter, le jeu vous aidera en vous offrant davantage de bonus, aléatoires bien entendu. Selon ce que vous obtiendrez, vous aurez alors plus ou moins de difficultés à arriver au bout d’un niveau. On regrettera d’ailleurs la trop grande place donnée à l’aléatoire concernant l’attribution des bonus, qui a un peu trop tendance à conditionner votre réussite sur les niveaux les plus compliqués, notamment pour les moins expérimentés.
Du contenu et une réalisation en demie-teinte
Le titre de Comcept propose en outre un mode normal de base qu’il faudra terminer pour débloquer trois modes de difficulté supplémentaires : les suivants proposent une difficulté plus élevée en termes de dégâts encaissés ou de bonus moindres, et vous bénéficiez de tous vos pouvoirs dès le début, comme pour un New Game+. Le mode le plus élevé propose, lui, ni plus ni moins qu’une mort instantanée si l’on se fait toucher. Donc si vous avez trouvé la difficulté de base ridicule pour vos compétences bien entendues exceptionnelles, vous savez ce qui vous attend. Cet aspect est d’ailleurs bien appréciable pour rallonger la durée de vie du soft qui ne dépassera pas les sept ou huit heures pour finir l’histoire une première fois (et encore). De plus, ce choix a au moins le mérite de proposer une difficulté adaptée à tous les types de joueurs, en manque de challenge ou non.
Ce que les joueurs exigeants devraient aussi apprécier, c’est la présence d’un mode EX. Celui-ci est un mode de jeu en marge du mode histoire proposant de réaliser de nombreux défis comme des contre la montre, de l’élimination de cibles, le Boss Rush (pour affronter tous les boss du jeu à la suite), etc. On dispose de défis réalisables en solo, en coopération ou en duel, permettant d’affronter d’autres joueurs en ligne. Le but est bien entendu d’obtenir le meilleur score possible, avec un bon classement à la clé. Ce mode EX est un ajout plutôt sympathique mais qui ne mettra sans doute pas tous les joueurs d’accord d’un point de vue utile. De plus, on aurait apprécié que les modes pouvant se jouer en multijoueur en ligne soient aussi jouables à plusieurs en local.
Du point de vue du contenu, l’autre élément qui fâche un peu est le fait que l’équipe de développement ait inclut un autre personnage jouable. Il s’agit de Call, vous savez ? La jeune fille robot apparaissant sur la pochette du jeu en compagnie de Beck. Le problème n’est pas son ajout en lui-même, au contraire, c’est même une bonne chose sur le principe. Le souci est qu’elle n’est jouable que sur un seul niveau, qui plus est pas très intéressant. De plus, son gameplay est d’une mollesse incroyable en comparaison de celui de Beck. Tout cela donne clairement l’impression que la possibilité de jouer ce personnage dans l’histoire (et un peu dans les défis) a été ajoutée afin de justifier sa présence sur la pochette du soft… c’est dommage, la petite Call aurait mérité un meilleur sort.
Mighty No.9 offre un contenu raisonnable mais souffre d’une réalisation générale très moyenne.
Ajoutons à cela la présence d’un DLC de précommande permettant d’obtenir un nouveau personnage jouable après l’avoir vaincu. Si cette extension s’avère sympathique sans être absolument indispensable, il semble intolérable de constater que cet ajout est payant et surtout inaccessible aux joueurs achetant la version numérique du titre…
Passons enfin à la réalisation technique et artistique du jeu. Tournant sous le moteur Unreal Engine, le rendu est à peine correct, pour ne pas dire limite. Les décors en arrière-plan ne sont pas toujours très soignés, certains éléments donnant l’impression d’avoir été coupés à la serpe. Les effets visuels sont eux aussi plutôt moyens et se payent en plus le luxe d’amener des soucis techniques. On aurait pu espérer nettement plus d’un Kickstarter à près de quatre millions de dollars, non ? La version PS4 que nous avons testé souffre de gros ralentissements dans certaines zones (comme celle de glace) ou dans les moments affichant trop d’effets visuels simultanément. Pour un jeu ayant souffert de très nombreux reports à tel point que l’on imaginait le voir sortir après Half-Life 3, il semble intolérable de constater de tels problèmes, d’autant plus quand le titre n’est pas censé exiger d’énormes ressources.
Et pour ne rien arranger, nous avons aussi été confrontés à une corruption de sauvegarde à l’approche de la fin du jeu. Nous ignorons s’il s’agissait d’un bug ou du fait que nous ayons quitté le jeu sans retourner sur le menu principal (à la manière d’un Dark Souls), mais si c’est le cas, il aurait été de bon ton de prévenir.
En revanche, les musiques sont quant à elles très réussies, il n’y a rien à dire de ce point de vue. On retrouve l’esprit propre à l’univers robotique de Mega Man et, comble du comble : vous avez le choix entre une version normale des musiques, ou carrément en 8-bits ! La réalisation est donc de très bonne facture de ce point de vue, même si l’on reste assez loin de la maestria musicale d’un Mega Man 2, et c’est bien dommage !
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