On ne va pas vous le cacher, le projet Monster Crown nous fait saliver depuis un moment. Petit succès sur Kickstarter, où il récolta plus de 45 000 dollars US, le jeu du Studio Aurum, édité par Soedesco, aura mis cinq longues années à nous parvenir. Un développement plutôt long pour un jeu indépendant, s’expliquant tout bêtement par les ambitions démentielles du développeur. Quoi qu’il en soit, après plus d’un an d’accès anticipé, ce RPG inspiré des Pokémon de la Game Boy Color débarquait le 12 octobre sur Steam, mais aussi sur Nintendo Switch. Nous avons sauté sur l’occasion pour partir à la chasse aux monstres.
Notez que, tandis que la version Steam est proposée une vingtaine d’euros, l’eShop de la Nintendo Switch affiche Monster Crown une trentaine. Une hausse de prix que l’on ne comprend pas, même si ce n’est pas la première fois que nous faisons face à ce problème.
Conditions du test : Nous avons joué près de 25 heures à la version Nintendo Switch, principalement en mode portable. Au cours de notre partie, nous avons rencontré plusieurs bugs nous contraignant à relancer le jeu.
Sommaire
ToggleDes ambitions démesurées ?
Franchise la plus rentable de l’histoire, Pokémon a malgré tout ses détracteurs. Surtout depuis la sortie des versions Épée et Bouclier qui, malgré des ventes remarquables, n’ont pas été appréciées par une bonne tranche des habitués de la série. Il faut dire que les fans en ont gros. Voir la licence de Game Freak, qu’ils côtoient pour certains depuis leur plus jeune âge, se transformer en expérience informe, sans saveur, âme ou challenge, ça fait mal au cœur ! Mais comme l’appel au boycott n’a que peu de chances d’aboutir, ou même de faire réfléchir le studio japonais sur ce que souhaitent vraiment les joueurs, certains ont décidé de prendre le taureau par les cornes.
C’est ainsi que nous avons eu droit à bon nombre de Pokémon-like ces dernières années. Des titres indépendants, développés avec le cœur, proposant une vision subjective de ce que la série devrait tenter de faire à l’avenir. Temtem, Nexomon et sa suite Extinction, Monster Sanctuary, ou encore Monster Harvest… Une longue liste de projets aux ambitions et aux propositions très différentes. Tandis que certains visent le retour à du Pokémon en 2D parfaitement classique, comme Nexomon de Vewo Interactive, d’autres tentent carrément un changement de formule radical, comme Monster Sanctuary. Qu’en est-il de Monster Crown ?
Pour commencer, le développeur du jeu n’a jamais caché ses intentions : faire un Pokémon-like en 2D, aux inspirations Game Boy Color, le tout enrobé d’un scénario mature et de mécaniques complètes. Avec, en supplément, des fonctionnalité multi, rien que ça ! Bref, ce que souhaitait faire le Studio Aurum, ce n’est ni plus ni moins que de sortir sa version fantasmée du jeu de dressage de monstre. Autant dire que, sur le papier, cela vend du rêve ! C’est d’ailleurs pour cela que le titre a récolté suffisamment de fonds pour s’offrir une sortie en bonne et due forme via sa page Kickstarter.
Enfin, il faut dire que les premières images avaient de quoi faire saliver les amoureux de RPG rétro. Le cahier des charges semblait respecté, avec une ambiance visuelle très proche de ce que proposent les versions Or et Argent de Pokémon. Retour à des couleur saturées, des environnements très carrés, et des designs délicieusement old school. Autant du coté des décors que des créatures d’ailleurs, puisque les premières ayant été montrées avaient clairement de la gueule ! Quant à la bande son, difficile de se faire une idée en avance, mais les sonorités du premier trailer donnaient clairement envie de rallumer sa GBC…
Une richesse surprenante
Bien sûr, quand un développeur annonce trop de choses, et surtout prononce trop de belles paroles, on a vite fait de se faire embobiner… pour au final se retrouver avec un produit non conforme aux attentes. C’est exactement ce que l’on a longtemps reproché à Peter Molyneux, notamment avec le premier Fable. Pourtant, du coté de Monster Crown, le contenu est bien là. Tout ce que le développeur a pu annoncer est présent dans les quelques 3,2 Go de la version Nintendo Switch, et plus encore. Mais alors, où est le problème ? Nous y reviendrons bien assez tôt.
Pour commencer, le nombre de créatures est tout simplement énorme. Comptez 200 monstres différents parcourant l’île de la couronne. Un chiffre déjà respectable, auquel s’ajoute une quantité tout simplement folle de fusions. L’une des particularités du titre, c’est en effet qu’il est possible de réaliser des croisements entre les créatures. Cela fonctionne comme chez un Digimon Story : Cyber Sleuth ou encore un Shin Megami Tensei III. En d’autres termes, vous sacrifiez deux monstres pour en obtenir un nouveau qui sera parfaitement unique. Une sorte de Pokédex est d’ailleurs de la partie, histoire que vous puissiez savoir où vous en êtes dans votre collection.
Du coté du système de combat, que l’on attendait au tournant, le jeu est là encore plutôt honnête. La stratégie est à l’honneur, le challenge aussi, poussant à se concocter une équipe équilibrée et à chasser avidement l’expérience. Notez d’ailleurs qu’il est possible d’activer et de désactiver au besoin le système de points d’XP partagés. Ainsi, vous décidez si toutes vos créatures tirent des bénéfices de vos gains, ou seulement celles ayant pris part au combat. Par contre, comme chez un Nexomon, l’expérience n’est distribuée qu’à la fin, une fois que tous les monstres de votre adversaire ont été mis au tapis. En plus de cela, le titre regorge de bonnes idées. Notamment un palier de niveau un peu plus radical que chez les Pokémon old school, contraignant à changer régulièrement de créature en combat. Autrement dit, impossible de faire tout le jeu avec un seul monstre. Avec ce système, c’est tout le challenge qui se révèle relativement corsé.
Les affinités de type ne sont guère compliquées à assimiler, mais une erreur de jugement peut vite se révéler fatale, même à niveau égal. On trouve aussi un cycle jour / nuit, ou encore un système de Shiny (qui n’a malheureusement pas droit à un visuel unique). Un background assez sombre, avec l’évocation régulière de guerre et de morts. Il est possible d’apprendre différentes capacités à vos monstres, ou encore de gonfler leurs statistiques grâce à de rares et coûteux objets, et le titre n’est pas avare en contenu annexe. D’ailleurs, niveau durée de vie, Monster Crown n’est pas ridicule, puisqu’il se termine en une vingtaine d’heures en ligne droite. Enfin, les Capsules Secretes de Pokémon sont astucieusement remplacées par différents objets nous permettant de partir à l’exploration du monde plus librement.
Reste une dimension multijoueur qui fait le strict minimum. Mais, on ne va pas se le cacher, sur le papier cela fait tout de même rudement envie, puisque c’est une composante qui manque cruellement aux autres jeux indépendants du genre. Ainsi, il est possible de s’échanger des créatures ou de combattre entre amis. Dommage que Monster Crown ne permette pas une recherche aléatoire d’adversaires ou des échanges avec des inconnus, mais c’est déjà vraiment pas mal comme ça !
Plus sombre que de coutume
Il paraîtrait idiot de faire un aparté sur le scénario d’un Pokémon, n’est-ce pas ? Puisque la série principale manque cruellement de qualité à ce niveau, mais aussi de profondeur. Si ce n’est du coté des versions Noire et Blanche, peut-être. Cela fait des années que les fans réclament une évolution, ou bien un regain de maturité… malheureusement pour eux, Game Freak écrit tout l’inverse. Jusqu’à retirer toute véritable engeance des dernières versions. Un comble, quand on sait combien la Team Rocket et ses homologues malveillants faisaient le sel des premiers jeux, malgré des plans capillotractés.
Avec Monster Crown, c’est un peu différent. Le développeur l’avait annoncé sur sa page Kickstarter, l’idée était d’offrir au titre un scénario mature et sombre. Et le résultat est plutôt satisfaisant, il faut l’avouer. Que ce soit clair, on a droit au même postulat de départ, autrement dit un enfant de 14 ans qui part à la chasse aux monstres. Mais la finalité est plus intéressante que cela, offrant même quelques choix dans le déroulé de la trame.
Si le background a de sérieuses qualités, et qu’on aimerait d’ailleurs qu’il se développe un peu plus, l’histoire en elle même met un certain temps à décoller, et n’atteint pas de sommets incroyables. On est tout de même face à un scénario bien plus élaboré que de coutume dans ce genre de jeu, ce qui mérite d’être souligné. Enfin, c’est surtout l’écriture qui surprend, mais aussi la qualité de la localisation française. Hormis de rares morceaux de dialogues qui n’ont pas été traduits, le résultat est une franche réussite qui participe grandement à l’immersion. On notera aussi que les noms des différentes créatures sont souvent bien trouvés.
La route est encore longue
Il ne vous aura pas échappé que nous n’avons dit que du bien de Monster Crown jusque là, et on imagine aisément que vous avez déjà vu la note. Alors, où est le problème ? Eh bien, si dans le fond le titre regorge de qualités indéniables, et qu’on aurait sincèrement aimé lui attribuer un avis positif rien que pour sa proposition intéressante, il manque malheureusement de finition, et regorge de petits problèmes qui gâchent tout bonnement l’expérience. D’une certaine manière, malgré son temps de développement plutôt long, on peut clairement dire que Monster Crown n’est pas terminé, et qu’il aurait bien mérité quelques mois de production supplémentaires.
Pour commencer, la bande son est vraiment chouette, mais tourne en rond très vite. De surcroît, les différentes musiques ne se lancent pas toujours au bon moment, et nous avons même fait face à un bug supprimant tout morceau pendant un temps… tandis qu’un autre a tout simplement fait disparaître les bruitages en combat, et ce jusqu’à la fin de notre partie ! Même constat du coté de l’aspect graphique très réussi, qui est entaché par différents bugs visuels, mais aussi par un level design complètement à revoir. Quant à l’exploration, on cherche encore à comprendre pourquoi le jeu saccade constamment. On aimerait vous dire que toutes les créatures sont aussi sublimes que celles que présentait le dernier trailer en date, mais là encore ce n’est pas le cas. Nombre de fusions sont tout simplement dégueulasses, il n’y a pas d’autre mot.
Outre ces différents bugs, dont certains nous ont carrément contraints à relancer notre partie, le titre enchaîne les bonnes idées, mais leur exécution est pratiquement toujours à revoir. Par exemple, la disposition des actions en combat est intelligente et ergonomique, rappelant ce que fait un Persona 5 par exemple. Mais le restant de l’interface manque cruellement d’organisation et se révèle par trop souvent rudimentaire. Impossible d’ordonner simplement nos créatures comme chez un Pokémon. Il est possible de choisir quel monstre envoyer au combat au début de l’affrontement, mais la liste que l’on fait défiler est cruellement austère et n’affiche aucun visuel. À vous de connaître par cœur le nom de vos alliés, donc, même dans le cas où vous en changeriez souvent.
Toujours coté combats, le jeu n’embarque aucun système de points de magie, ou d’endurance. Ainsi, on peut simplement enchaîner bêtement nos attaques les plus puissantes, sans avoir à réfléchir. Ce qui fait évidemment beaucoup de tord à l’aspect stratégique, pourtant bien exploité à l’origine. On notera aussi que les animations des attaques ne s’affichent pas toujours correctement, idem pour les bonus ou malus infligés, et le tout souffre d’une lenteur affligeante. Nous sommes par ailleurs tombés sur des ennemis qu’il était parfaitement impossible de mettre KO, allez savoir pourquoi. Quant au système de croisement de monstres, il est vraiment intéressant, mais n’est pas encore au point. Malgré tous les signaux nous avertissant que l’on perd les deux créatures à l’origine de la chimère désirée, il s’avère que celles-ci ne disparaissent tout simplement pas…
Pour finir, le scénario n’a rien de décevant, et le background jouit de qualités indéniables. Mais la progression en elle-même est à revoir. S’inspirant de Pokémon, là encore, elle nous contraint à quelques allers et retours peu intéressants. Mais surtout, tout va trop vite, la faute à un dirigisme global gênant. Autant du coté de la trame que du level design d’ailleurs, qui ne nous laisse pas vraiment vagabonder à loisir. Comprenez par là que l’environnement donne effectivement l’impression de regorger de secrets… mais qu’on est presque toujours arrêté par une barrière naturelle. C’est très frustrant !
Cet article peut contenir des liens affiliés