Discret dans ses apparitions, et ce malgré une présence via un trailer lors du Summer Game Fest 2022, Neon White est un titre atypique développé par Angel Matrix et Ben Esposito, maître penseur du projet, et est édité par Annapurna Interactive, habitué des concepts esthétiques originaux comme l’atteste le récent Solar Ash, ou prochainement avec Stray. Il va de soi que cette collaboration a du sens au vu de ce qui est proposé ici. Pour faire simple, il s’agit d’un Fast-FPS orienté plateforme et speedrun. En effet, le game design se tourne vers une approche speedrun. Il faudra aller le plus vite possible d’un point A à un point B tout en profitant d’une grande souplesse de mouvements, avec pour but de faire le meilleur temps. On retrouve les habituelles médailles de rangs, ghost et classements en ligne de quoi se motiver. Sachez que des pré-tests en compagnie de speedrunners professionnels ont été faits, de quoi garantir une certaine maîtrise.
Mais Neon White c’est bien plus que ça. Vitesse, précision, shoot, cartes, plateformes ou encore mécaniques de Visual Novel, voilà ce qui se trouve dans les veines du soft d’Angel Matrix. Possédant une direction artistique vaporeuse, mais surtout un character design stylé, le soft est une expérience ouvertement axée sur le skill et l’apprentissage à coup de tentatives multiples. L’échec fait partie du délire. Il y a aussi de l’action, avec des démons à éliminer sur votre route à l’aide d’armes symbolisées par des cartes. Nous ne sommes pas dans du Deckbuilding pour autant, mais le gameplay, sur lequel nous reviendrons, est entièrement basé sur cette mécanique originale. Avant de rejoindre les cieux, il convient de rappeler que la tête pensante du projet, Ben Esposito, monsieur derrière Donut County, avait une idée précise de ce qu’il voulait réaliser.
Dans le gameplay oui, mais également dans l’esthétique globale du soft, de même que dans son ton ouvertement absurde et nonchalant. Citant des inspirations issues d’animés pour adultes des années 90 et du début des années 2000, Esposito a aussi figuré parmi le collectif Arcanes Kids, dont une des philosophies étaient de cacher des secrets dans le gameplay, et de de créer des jeux qu’ils auraient souhaité voir sur Dreamcast. Des précisions qui peuvent expliquer certains partis pris dans Neon White, notamment visuels.
Condition de test : Jeu testé sur PC via Steam. Nous avons passé environ 30 heures sur le soft, de quoi voir le bout et débloquer les dialogues et quêtes optionnelles. Nous avons également fait en sorte d’obtenir au minimum l’or dans chaque mission.
Sommaire
ToggleThe Neon Demon
Si vous ne savez pas où vous mettez les pieds, c’est normal. Vous pensez sans doute qu’il n’y aura qu’à enchaîner les niveaux et défourailler à tout va. Et bien non, Neon White n’est pas un Fast-FPS comme les autres et propose une narration efficace, avec un vrai lore. Il y a bien plus que de simples lignes écrites sur un coin de table. Une idée d’Esposito qui souhaitait apporter cela à un genre vidéoludique qui s’en passe bien trop souvent. Une occasion de maîtriser le rythme de l’aventure et donner intérêt et consistance à l’univers créé. Bien entendu, il est tout à fait viable de faire abstraction du scénario et profiter pleinement du gameplay, mais ce serait rater une part intéressante du soft. Laissée au soin de Ryann Shannon, l’histoire nous met dans la peau de White, un assassin nonchalant et amnésique récemment mort. En effet, vous êtes repêché de l’Enfer afin de nettoyer le Paradis de démons qui pullulent. Pour ce faire, vous êtes mis en concurrence avec d’autres repêchés, que l’on appelle « Neon ».
Aussi perdu dans ce monde que peut l’être White, vous apprendrez au fur et à mesure de l’histoire ce qui se joue dans l’ombre, car il se trame des trucs louches au Paradis. Mais vous allez aussi en apprendre sur le passé de vos personnages et des autres individus importants dans l’intrigue. Beaucoup de questions se posent, et il est plaisant de se laisser voguer au gré des divers dialogues qui viendront ponctuer l’aventure. D’ailleurs, l’ensemble des PNJs sont réussis. Chacun possède une personnalité bien marquée, ils sont attachants tout autant que loufoques. Ils se démarquent tous des autres. Si cela passe évidemment par les dialogues qui mettent en lumière des façons de penser et des réflexions le plus souvent alambiquées, le doublages quasi intégral n’y est pas pour rien.
Presque entièrement doublé, Neon White profite de voix diverses et variés. On sent l’envie et la passion des doubleurs qui donnent du corps aux personnages, une identité. Cela fonctionne à merveille, au point qu’il est facile de reconnaître qui parle au son de sa voix. Une franche réussite qui participe à l’attachement qu’on leur porte, et ce malgré des profils psychologiques plutôt douteux. De plus, le jeu ne lésine pas sur les références en tout genre et sur un humour absurde et décalé, avec une pointe irrévérencieuse plutôt subtile. Une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle de Paradise Killer. A la fois envoûtante, détendue et mystérieuse.
La bande-son composée par Machine Girl transpose bien ces ressentis. Ça touche à tout, avec des sonorités allant du beat hip-hop à de la trap, d’autres morceaux seront plutôt du côté de l’électro et de la vaporwave. Parfois c’est au sein même d’un son que les sonorités vont se mélanger, pour un résultat qui peut déconcerter avec une approche proche de l’expérimental. Et c’est totalement cohérent avec l’ambiance de l’univers. De même que les musiques s’adaptent bien aux situations, narratives ou de gameplay. En outre, nous ne l’avons pas précisé, les séquences narratives sont essentiellement mises en scène à la manière d’un Visual Novel, au point même de pouvoir nouer des liens avec des personnages spécifiques. En leur offrant des cadeaux, qu’il faut dénicher dans les niveaux, vous débloquerez des quêtes et dialogues optionnels. Les premières seront des missions supplémentaires axées sur une mécanique de gameplay particulière, tandis que les dialogues bonus éclairerons sur les évènements du passé. Un vrai plus pour le lore et afin de mieux cerner les personnages.
Mon voisin le tueur
Avant de nouer des liens sociaux, il faut donc récupérer des cadeaux. Dissimulés dans chacun des niveaux traversés, ils nécessiteront parfois quelques folies pour être obtenus. De surcroît, avoir accès à ces cadeaux ne se fera qu’une fois un rang de vision atteint. Rang de vision symbolisé par une petite jauge à remplir en améliorant ses scores. Il existe quatre palliers de vision, obtenir une médaille d’or en valide déjà trois. Qui plus est, un rang débloque une fonctionnalité ; accès au classement en ligne, le ghost, ou encore une indication de raccourcis en jeu pour approcher la médaille de platine. Un système de récompense simple mais efficace, on est incité à multiplier les tentatives pour s’améliorer. Puis, en moyenne, il faudra une vingtaine de secondes pour terminer une run dans les meilleurs temps, et les chargement entre deux essais sont très court.
De quoi rendre les parties rapidement addictives. Et c’est peu dire. Si vous adhérez au concept et à l’univers, tant visuel que sonore, et nul doute qu’il ne touchera pas tout le monde, il devient difficile de lâcher, l’expérience étant jouissive à souhait. Pour la faire courte, Neon White c’est du Fast-FPS dans la lignée d’un Ghostrunner ou un Mirror’s Edge. Dans le sens où il faut systématiquement aller du point A au point B le plus vite possible, tout en prenant soin ici d’éliminer les démons sur la route. Chaque mission est construite sur ce même principe. La particularité vient de la mécanique des cartes. Appelées cartes d’âme, elles représentent une arme que vous pouvez utilisez. Alors que vous débutez systématiquement avec une carte Katana, vous devez récupérer des cartes sur votre parcours, des ennemis en lâchent en mourant, et les utiliser pour tirer sur les démons. Les munitions étant fortement restreintes, il faudra se montrer précis pour ne pas gâcher une carte. La subtilité bonus, c’est qu’il est possible de défausser pour activer une compétence de mouvement. Primordiales, elles vous aideront à franchir la ligne d’arrivée.
Parce que malgré sa classe, notre White ne peut que sauter et se déplacer « en glissant ». Vous ne pouvez avoir que deux cartes différentes sur vous, et trois d’une même arme. White ne dispose pas d’un grand panel de mouvements, ceci étant il jouit d’une sorte d’apesanteur très agréable lors des sauts, ainsi que d’une liberté de mouvement dans les airs. De fait, les compétences d’action ont leur importance. À titre d’exemple, défausser sa carte pistolet vous octroie un saut supplémentaire, quand le fusil à pompe offre un dash multidirectionnel. Il n’y a pas à dire la prise en main est simple et grisante. Il faut dire que tout se passe avec les deux sticks analogiques et les gâchettes, ni plus ni moins. Le challenge est quand même présent, vous devrez utiliser vos cartes à bon escient, choisir quand défausser ou quand privilégier les tirs. Parce que n’avoir que son katana en main, c’est être à poil dans Neon White.
Cependant, ne vous attendez pas à construire votre main. Les cartes sont prédéfinies pour les niveaux et vous devez composer avec ce qu’il y a sur place. Ce sont des ressources à gérer et tout le monde est mis sur un pied d’égalité. Ici on progresse par son propre skill. Comme le dit Ben Esposito, l’idée c’est de résoudre des sortes d’énigmes de temps. C’est-à-dire, trouver les routes et mouvements optimaux pour réussir les meilleurs chronos. En limitant la liberté des joueurs, joueuses, avec des cartes prédéfinies donc, cela suit l’idée d’outrepasser la limite imposée par les game designers. On pense être limité en possibilité d’action, pourtant, c’est en optimisant au mieux ses ressources que l’on va se transcender et avoir ainsi l’impression de briser un mur, de casser le jeu. Et c’est là même toute l’essence de Neon White. Dans tous les cas, c’est votre maîtrise du jeu qui vous garantira le succès, il n’y a que vous à blâmer.
Killing them softly
Notez qu’il y a un réel sentiment de progression au cours de l’aventure. Non pas que vous débloquiez de nouvelles compétences, mais de nouvelles armes feront leur apparition et vont redynamiser l’expérience l’empêchant de tomber dans une routine. Les situations de jeu vont évoluer au fur et à mesure, se complexifier aussi, et montrer l’étendue des possibilités d’actions. De même que de nouveaux ennemis vont apparaître, avec de nouvelles attaques signatures et faiblesses. Chaque arme aura son démon, un peu comme dans Doom toute proportion gardée. En outre, le rythme d’apparition de ces nouvelles cartes, et donc des nouvelles mécaniques de gameplay associées, évite de crouler sous les informations, on apprend petit à petit à se familiariser avec l’armement et le bestiaire. Le gameplay parvient aisément à se renouveler, et au bon moment. Le jeu cache aussi d’autres surprises mais pour cela il faut un minimum s’impliquer dans l’univers et la complétion totale des missions. A noter qu’il est viable de refaire les niveaux à n’importe quel moment.
Tout ce qui touche au gameplay fonctionne, l’équilibrage de la difficulté est tout aussi bien géré. A vous d’apprivoiser le level design et la moindre parcelle de terrain pour grapiller du temps, le jeu invite à expérimenter chaque niveau. Le plaisir découle aussi des sensations de jeu comme nous l’avons déjà mentionné. On est souvent pris dans une sorte de flow jouissif. Nos propres prouesses nous poussent au dépassement. Car le jeu d’Angel Matrix se veut très libre dans son appréhension et donne la possibilité de sortir quelques skills de folie. Quand ce n’est pas le level design vicieux qui se charge de vous obliger à vous surpasser. Neon White c’est stylé, rien que les déplacements font de l’effet.
Les niveaux sont bien ficelés et tirent habilement parti des possibilités offertes par le gameplay. Que ce soit sur l’horizontalité ou dans la verticalité c’est toujours une réussite avec quelques séquences vraiment intenses. Beaucoup de bonnes idées se trouvent dans les phases de jeu. Malheureusement, malgré des visuels qui contribuent à créer cette drôle d’ambiance, force est de constater que graphiquement, d’un point de vue technique, ce n’est pas la folie. Bien que l’aspect vaporeux des décors a son charme, le tout manque finalement de folies et de grandiloquence. Si l’on comprend bien la volonté d’une lisibilité à toute épreuve, pour solliciter les réflexes et réactions instinctives, quand on prend le temps de se poser, ce n’est pas folichon. Aucune recherche du détail ni même textures. Cependant, on peut s’en accommoder, sachant que ça fait sens sur l’approche old school du jeu vidéo apportée par Esposito. Constat retrouvé dans le bestiaire, des masses noires assez générique. Epurée au maximum, la direction artistique va à l’essentiel et ne s’embarrasse d’aucun superflu ou autres éléments qui n’auraient pas d’utilité pratique.
Ce ne sont pas les animations ou des effets qui vont changer le constat. Cela n’est pas forcément déconnant dans l’univers de Neon White, c’est juste un peu surprenant compte tenue de la qualité du travail effectué sur tout le reste du jeu. Un minimalisme au service du gameplay. En revanche, côté character design nous ne sommes pas indifférents. Affaire de goûts et couleurs, il y a quand même de la prestance et du style dans leur esthétique. Un charme qui fait mouche, les personnages ont la classe, White aussi, et on le ressent jusque dans le gameplay.
Cet article peut contenir des liens affiliés