Certaines licences semblent particulièrement tenaces, quand bien même elles ne compteraient pas parmi les grandes réussites critiques de notre temps. Hyperdimension Neptunia fait assurément partie de cette étrange catégorie, puisque ses débuts assez médiocres sur PlayStation 3 ne laissaient nullement présager l’apparition d’une aussi vaste série. Pourtant, près de vingt-quatre ans après la sortie nippone du premier opus, voici que débarque en Occident la vingt-sixième itération de la franchise, Neptunia Game Maker R:Evolution.
Un titre qui reprend globalement ce que faisait Neptunia : Sisters VS Sisters que nous testions il y a un peu plus d’un an, pour un verdict assez chaleureux. Ce qui présageait du bon pour les joueurs réceptifs à ce genre de productions, et plus particulièrement ceux qui suivent Neptunia depuis ses premiers pas, bien entendu. D’autant que, ne boudons pas notre plaisir, cet opus est entièrement traduit en français, et dans diverses langues européennes du reste. Une attention qui fait assurément plaisir à voir, mais ne suffit pas pour éviter un sentiment de redite.
Conditions de test : Nous avons passé environ 25h sur le titre dans sa version PlayStation 5. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
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Il convient peut-être, avant tout, de préciser une petite chose : cet article est écrit par un novice dans la série, n’ayant eu l’occasion que de toucher à Sisters VS Sisters l’an passé. Un bagage un peu mince, comblé par quelques recherches sur le net bien entendu, mais rien ne vaut évidemment l’investigation de terrain. Aussi, non seulement il va sans dire que nous ne sommes pas la cible première de cette suite, mais il y a par ailleurs certains problèmes soulevés dans ces lignes qui risquent de paraître absurdes aux habitués, qui les ont peut-être connus tout du long de leur expérience sur la franchise. Maintenant que c’est dit, nous pouvons embrayer.
Neptunia Game Maker R:Evolution, qu’est-ce que c’est ? Eh bien comme Neptunia : Sisters VS Sisters, il s’agit d’un Action RPG prenant place dans un monde très coloré où le jeu vidéo revêt une importance capitale dans le quotidien de la planète entière. Ici, les déesses, qui sont des personnifications des géants de l’industrie vidéoludique que nous connaissons (Sony, Microsoft, Nintendo…), régissent l’intégralité du marché avec leurs consoles et leurs jeux. Ce qui donne lieu à de véritables guerres de position sur une carte du monde statique, puisque selon une règle inexpugnable, les créatrices ne peuvent distribuer leurs jeux que dans les zones qu’elles contrôlent.
Bon, cela peut sembler compliqué à première vue, mais que les néophytes (et les autres) se rassurent : on est face à une histoire assez limpide. D’ailleurs, malgré des facilités d’écritures qui sautent aux yeux, et un ton globalement très mièvre (encore plus voyant depuis l’arrivée d’une traduction en français de très bonne qualité), on rentre très vite dans cette histoire agréable à suivre, qui jouit des mêmes qualités et souffre des mêmes défauts que précédemment. Autrement dit, puisque Neptunia Game Maker R:Evolution emprunte au Visual Novel, et que la série est connue pour son économie de moyens, ses dialogues, qui constituent l’unique biais pour faire avancer l’intrigue, prennent une forme assez cheap.
Dans le même temps, à condition de n’avoir aucun problème avec les poitrines surdimensionnées et les tenues affriolantes, ou encore avec les caractères stéréotypés d’héroïnes de manga qui hurlent à tout bout de champ, on s’attache vite aux personnages principaux, composés de trois nouvelles têtes et d’une que les fans connaissent bien. Tout ce petit monde est d’ailleurs entièrement doublé en anglais et en japonais, ce qui permettra à chacun de trouver son compte. Notons, pendant que nous y sommes, la bande-son très réussie. Il va bien sûr être question de jeu vidéo, avec cet fois un objectif simple : conquérir l’industrie à l’aide de son propre studio de développement. Une idée qui, sur le papier, a de quoi faire saliver. Et côté écriture, même si le parti pris enfantin peut rebuter, cela fonctionne plutôt bien, bien que l’on voit venir les rebondissements à des kilomètres.
Comme chez Sisters VS Sisters, Neptunia Game Maker R:Evolution jouit d’un rythme savamment réfléchi. Les dialogues sont finalement les seuls temps morts, et il suffit d’adhérer à son univers et ses héroïnes (puisque pratiquement aucun personnage masculin n’est à prévoir) pour passer un bon moment. Bien que l’on pourra reprocher au titre l’absence d’une option simple, permettant aux joueurs ayant déjà bouclé le précédent volet de passer outre une partie des tutoriels, qui sonnent comme une horrible redite, et surtout qui se révèlent un peu longs quand on connaît déjà… D’autant plus que le gameplay n’a rien de compliqué à comprendre, ni à prendre en main.
Les malheurs de la vertu
À première vue, rien ne bouge vis-à-vis de Neptunia : Sisters VS Sisters. On retrouve le même système de combat basé sur l’utilisation de deux touches pour attaquer, et une servant autant à parer qu’à esquiver. Deux autres serviront à déchaîner une capacité spéciale, et à faire rentrer notre personnage dans un genre d’état de rage (se traduisant à l’écran par une transformation encore plus dévêtue que de coutume) augmentant nettement les dégâts infligés aux adversaires. Que ce soit clair, si vous avez déjà touché à un Action-RPG, a fortiori à des titres comme Tales of Symphonia et consorts, Star Ocean The Second Story R ou encore Eternal Sonata, vous avancerez en terrain conquis, et n’aurez aucun mal à trouver vos marques.
Chose qui peut autant être prise comme une qualité que comme un défaut. Puisque le titre peut assurément être tenté par un joueur ne connaissant pas la série, ou le précédent volet, dans la mesure où le scénario (bien que raccrochant quelques wagons avec des événements passés via des personnages, mais rien de bien invasif) n’est pas bien compliqué et tourne surtout autour de la découverte de ce nouveau monde par notre héroïne principale. Mais aussi que le titre nous prend assez par la main pour qu’aucune de ses mécanismes ne semble trop complexes… d’autant qu’à la vérité, le gameplay est d’une grande simplicité.
Un petit air de PlayStation 2 se dégage de cette production et de la précédente. Ce genre de ton qui sonne simple, rappelant une époque où des idées basiques de game design pouvaient donner des jeux fort agréables, aux concepts ne volant pas nécessairement haut, mais tenant malgré tout en haleine pendant des heures. Un peu dans le même genre que Sand Land, sorti récemment, bien que ce dernier soit nettement plus ambitieux. Et justement, ce qu’il manque assurément au titre de Compile Heart, et la série commence à en avoir l’habitude, c’est un regain de moyens. Ses idées, comme dit plus tôt, sont simples, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Ce qui gêne en revanche, c’est que leur exécution n’aille jamais en profondeur.
La confusion des sentiments
Prenez les combats pour commencer. Certes, ils sont jouissifs, et vont vite, ce qui fait que l’on ne s’ennuie pas pendant une bonne dizaine d’heures à tabasser toutes sortes de créatures bariolées. A fortiori grâce à l’ajout d’un personnage supplémentaire, pour un total de quatre sur le terrain, qu’il est possible d’incarner à sa guise, le changement s’effectuant d’une simple pression sur la croix directionnelle. Mais on rencontre vite des limitations évidentes, puisque les combos sont basiques et que, malgré une bonne volonté qui se voit, on a trop vite l’impression de tourner en rond, de refaire en boucle les mêmes choses. Ce que le bestiaire peu fourni, et repris en grande partie de l’opus précédent, favorise, et même accélère.
Et puisqu’on en est à parler de recyclage, car il s’agit assurément de cela, alors il est bon de noter que les biomes des environnements rappelleront beaucoup de souvenirs aux joueurs s’étant essayé au précédent volet de la série. Mais, pire, certaines maps sont même reprises à l’identique, nous faisant simplement commencer à un endroit différent dans l’espoir que nous ne nous en rendions pas compte… alors, bien entendu, tout le monde n’y prêtera pas forcément attention, d’autant que Neptunia Game Maker R:Evolution est assurément un jeu pop-corn, autrement dit une expérience qu’on consomme sans trop réfléchir, en mettant simplement son cerveau en pause. Mais un tel manque de considération pour les joueurs, et surtout les fans, fait tout de même un peu de peine à voir.
D’autant plus quand on constate qu’en termes de réalisation, rien n’a bougé depuis le précédent volet. En ce qui nous concerne, nous testions, en 2023, l’opus Sisters VS Sisters sur PlayStation 4. Cette année, Neptunia Game Maker R:Evolution nous arrivait, quant à lui, sur sa petite sœur, la PS5. Et que ce soit clair, nous n’avons vu aucune différence entre les deux jeux sur le plan technique et visuel. Le dernier né souffre des mêmes ralentissements, des mêmes problèmes de caméra en combat, du même déficit général de lisibilité en pleine action. Alors on connaît le manque de moyens du studio de développement et de l’éditeur, mais un petit quelque chose en plus n’aurait pas été de trop, ou simplement un travail sur le framerate.
Heureusement, quelques bonnes idées sont tout de même à noter, rehaussant significativement l’intérêt sur le long terme. Nous parlions plus tôt de création de jeux, et de l’ouverture de notre propre studio dans ce monde étrange. Et dans les faits, si cette fonctionnalité demeure encore une fois sous-exploitée, ce que l’on regrette, le concept fonctionne malgré tout assez bien. On récupère différents artistes à mesure que l’on progresse dans l’aventure et que l’on effectue des missions annexes (d’une banalité aussi déplaisante que dans l’opus précédent, malheureusement), et l’on investit de l’argent et des ressources dans cette entreprise qui gagnera rapidement en volume et en renommée. Comme pour les combats, malgré le manque de profondeur, cela a quelque chose d’assez grisant.
Et puis, reste l’apparition d’une moto, sur laquelle monter dans les environnements à explorer… bon, c’est amusant, et ça peut effectivement permettre de gagner quelques minutes lorsque l’on désire aller au plus vite, en évitant les combats. Mais cela va malheureusement avec une maniabilité qui manque d’un petit quelque chose… à commencer par une touche pour reculer… Par ailleurs, l’engin va un peu trop vite, ce qui n’aide pas à maintenir notre cap. Cela dit, cette petite nouveauté est plutôt sympathique, et ajoute une vraie dose de fun à l’exploration, et pas seulement ! Puisqu’il est aussi possible de concourir dans des courses, face à des monstres, ou de réaliser des défis au sein des environnements. Un vrai plus, qui apporte une dose de fraîcheur notable.
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