Débutée en 2010 sur PlayStation 3, la série Hyperdimension Neptunia aura mis un certain temps à convaincre la presse occidentale, malgré son allégorie de la guerre des consoles plutôt bien sentie. Pourtant, sa longévité, et surtout son nombre hors normes d’épisodes, prouvent une chose : cette petite licence nippone marche. Il faut dire qu’elle fait beaucoup pour être aimée, ne serait-ce que sur le plan cross-media, puisqu’elle s’est offert plusieurs mangas et animés. Mais on pourra aussi parler de « fan-service » assez ciblé, ce qui nuit peut-être à son image hors du Japon, mais participe certainement à son succès commercial. Il est évident que les jeunes femmes dévêtues constituent un argument de vente pour certains joueurs.
Au-delà de cela, si ses premiers opus s’avéraient limités sur de nombreux points, un rapide coup d’œil sur Metacritic nous apprend que la qualité est allée crescendo depuis le remake du premier volet, qui avait bien besoin de retouches. Depuis, cette licence un peu particulière a eu droit à un paquet d’itérations, souvent plutôt bien reçues, s’évertuant à complexifier un système de jeu efficace, et poursuivant une histoire sympathique faisant la part belle à des personnages au character design très marqué. Aujourd’hui, abordons son dernier volet en date, Neptunia : Sisters VS Sisters, débarquant près de deux ans après le spin-off Neptunia X Senran Kagura, et un an pratiquement jour pour jour depuis l’arrivée de Dimension Tripper Neptune, un opus à part.
Conditions de test : Nous avons testé le jeu sur PlayStation 4 Pro, et notre partie avoisine la quinzaine d’heures. Il est bon de noter que cet article est réalisé par un novice sur la licence, n’ayant jamais eu l’occasion de toucher aux précédents volets. Notre test arrive un peu tard, et nous en sommes désolés, mais le planning de sorties étant fort chargé, il a fallu prioriser les critiques.
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ToggleL’éléphant dans la pièce
D’un point de vue extérieur, il est facile de s’imaginer que Hyperdimension Neptunia et ses suites ne constituent qu’une niche destinée à titiller les joueurs masculins, en leur présentant une offre pléthorique de jeunes femmes peu vêtues. Et, d’une certaine manière, à la fin de notre partie sur Neptunia : Sisters VS Sisters, nous sommes bien incapables de vous dire que non, ce parti pris n’a rien à voir avec du fan-service bête et méchant. Comme chez beaucoup d’autres licences nippones, finalement, la sexualisation de personnages féminins est pensée comme un argument de vente à part entière. Mais alors, pourquoi la série perdure-t-elle après tant d’années ?
Eh bien pour la simple et bonne raison que cet aspect ne revêt finalement qu’une importance de surface. Il s’agit d’un habillage, qui enrobe un cœur de jeu plus complexe qu’on ne pourrait le croire au premier regard. Et un habillage plutôt réussi, de surcroît. Parce que, bien que la technique soit dépassée, ce qui se voit particulièrement en combat (mais nous y reviendrons), le character design est une franche réussite, quoi qu’on en dise. Malgré ses archétypes qui grossissent volontairement leurs traits, le titre jouit d’une palanquée de personnages (exclusivement féminins) colorés, identifiables, et joliment dessinés.
Le tout sert une histoire qui, à défaut d’être très inspirée, ou originale, se suit avec un certain plaisir. Narrée comme dans un Visual Novel, celle-ci connaît régulièrement des retournements de situation, qu’on voit souvent venir. Mais elle s’offre, c’est récurrent chez la série, une vision métaphorique de la guerre des consoles qui fonctionne plutôt bien, avec pour cet épisode l’apparition du smartphone et ses dérives. Le sujet est intéressant, et la critique qu’en fait le jeu l’est tout autant. D’ailleurs, toujours en marchant précautionneusement sur le fil de la métaphore, le jeu approfondi avec une certaine justesse ce sujet si rare (voire inexistant) dans le paysage vidéoludique.
Reste que cela passe par des dialogues plaquant les modèles de personnages vaguement animés sur des fonds peu inspirés et fixes. Parfois un peu longs et toujours particulièrement mièvres. Mais cela participe étrangement au fait que l’on s’attache rapidement aux protagonistes. Dommage que le jeu soit entièrement en anglais, mais heureusement le niveau de langue requis n’est pas bien haut. Bien sûr, il faut malgré tout maîtriser la langue de Shakespeare pour pleinement comprendre l’humour du jeu, qui s’adresse exclusivement aux geeks purs et durs. Ce que cela signifie, c’est que si un novice en jeu vidéo prendra sûrement du plaisir sur le soft, il ne comprendra pas la moitié des allusions.
De tour par tour à Action-RPG
Contrairement à une majeure partie des épisodes de la série, Neptunia : Sisters VS Sisters n’est pas un jeu de rôle classique, avec ce que cela implique de combats au tour par tour. Mais bien un Action-RPG, autrement dit un jeu dans lequel vous incarnez directement votre personnage lors des affrontements, et devez gérer ses attaques, ses esquives et ses parades. Un changement de voie qui s’opère en douceur, puisque le titre n’a pas la prétention de viser la profondeur d’un The Witcher 3 ou d’un NieR Automata. On est finalement plus proche de ce que propose un Tales of Arise, avec des combats en arènes plutôt agréables à prendre en mains et spectaculaires.
Enfin, spectaculaires dans une certaine mesure, puisque comme nous l’abordions plus haut la technique est loin d’être le point fort du jeu. Et il faut bien reconnaître que les affrontements connaissent de rares chutes de framerate, ou que la caméra y est régulièrement capricieuse. Qu’à cela ne tienne, bien qu’ils soient particulièrement brouillons, on y prend rapidement du plaisir, et on peut même les qualifier de jouissifs. La prise en main est immédiate, on n’utilise que peu de touches, et le résultat fonctionne plutôt bien. S’approfondissant à mesure que l’on progresse, ce système permet par ailleurs de créer ses propres combos, ce qui est une riche idée.
Dommage que lesdits combos sortent toujours avec la même touche. On a un peu l’impression de jouer à la version PSP de Crisis Core : Final Fantasy VII par moments, en martelant le bouton carré (sur PlayStation) sans distinction de rythme, pour enchaîner les attaques de manière frénétique. Heureusement, Neptunia : Sisters VS Sisters a aussi son lot de spécificités qui dynamisent le tout, et nous font oublier sa répétitivité. Comme l’utilisation de trois personnages au combat, qui peuvent sortir différentes attaques spéciales selon un certain timing, les transformations qui offrent un gain momentané de puissance, et bien sûr le système de parade et d’esquive.
Si les premiers affrontements laissent un peu de marbre, on finit par prendre un réel plaisir à les enchaîner, et la difficulté relativement absente participe grandement à cet état de fait. Le jeu n’oppose qu’une faible résistance, hormis face à certains mobs, ce qui permet aux combats de ne jamais durer bien longtemps. Par ailleurs, on gagne beaucoup d’expérience et d’items, ce qui permet d’être relativement confortable pendant toute la partie. Certains trouveront cela dommage, quand d’autres profiteront simplement de la balade agréable et sans prise de tête que propose ce spin-off. Parfois, il n’y a pas de mal à traverser un jeu sans résistance, surtout quand la bande-son est plutôt cool, comme ici.
Classico-classique
L’heure est grave, puisque le monde de Gamindustri a subi de lourdes pertes, attaqué par un ennemi dont personne ne sait rien. Pour que les choses reviennent à la normale, il va vous falloir venir à bout de différentes menaces, dans une petite liste de lieux plutôt variés. Pour se faire, vous partez en mission dès qu’un adversaire se présente, accompagné de deux acolytes, que vous pouvez changer au besoin, dans des environnements dirigistes, au level design un brin perfectible, mais pas foncièrement moches. Le tout pour faire reculer l’influence de rPhone sur la population, représenté concrètement par une barre de progression sur la carte du monde.
On peut dire que Neptunia : Sisters VS Sisters n’essaye jamais vraiment d’être original dans son approche. Mais ce qu’il reprend à la recette classique de l’Action-RPG, il le fait avec une certaine justesse. L’exploration n’est pas son point fort, mais il parvient à ne jamais la rendre irritante en proposant des missions assez courtes, qui permettent de voir l’histoire évoluer à bon rythme. La variété des décors est par ailleurs appréciable, même si les intérieurs font parfois un peu de peine à voir. Enfin, avec la série, on ne s’attendait pas à un canon de beauté technique, c’est évident, et le titre remplit son office sans trop de vagues à ce niveau.
Son contenu annexe est aussi l’une de ses grandes forces. On passera rapidement sur ses quêtes subsidiaires, qui demandent souvent d’aller tuer des monstres, trouver des objets, ou sauver des PNJ dans des maps que l’on a déjà visitées. Cela permet parfois d’enrôler des personnages qui serviront exclusivement à la confection de CD. Mais Jamy, à quoi peuvent bien servir des disques dans un jeu de rôle ? Eh bien, tout simplement à ajouter des capacités spéciales à nos héroïnes, et même différents bonus en combat. Une riche idée, qui permet parfois de changer drastiquement notre approche, comme avec les esquives qui peuvent gagner en rapidité et en distance.
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