Bien qu’il se soit excessivement bien vendu, Pokémon Épée / Bouclier a néanmoins divisé. D’un coté les joueurs casual y ont vu un divertissement sympathique, de l’autre les plus assidus et les fans de la première heure ont rapidement déserté son aventure dénuée de challenge et de véritables nouveautés hormis une zone ouverte dont l’intérêt reste discutable. Depuis les opus 3DS, les amoureux de la série en ont gros, et Game Freak semble s’en moquer royalement.
Ainsi, ils sont nombreux à espérer un changement majeur dans la conception des jeux Pokémon, sans quoi certains risquent fort d’abandonner cette licence qui les accompagne pourtant depuis un moment. D’autres ont décidé de prendre le problème à bras le corps, se lançant eux-mêmes dans le développement d’alternatives plus ambitieuses, mais évidemment aux moyens plus limités. Parmi eux, Temtem et Nexomon, deux titres qui ne manquent pas de qualités.
Trois ans après un premier épisode intéressant, quoique souffrant de quelques lacunes héritées de son statut de jeu indé, la licence de Vewo Interactive revient avec Nexomon : Extinction. Un titre qui vise plus haut, plus grand, puisqu’il est disponible dès son lancement sur PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch, en plus de sa version PC. Et si l’idée n’est pas de concurrencer les derniers Pokémon, il se pourrait bien que ce second volet ravisse leurs détracteurs.
Conditions du test : Nous avons joué près de 30h sur Nintendo Switch. Sur TV, avec le modèle classique, mais principalement en portable avec une Switch Lite. Vous pouvez également retrouver notre guide complet de Nexomon Extinction.
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Avec l’écrasante renommée de la licence de Game Freak dans le milieu du RPG mêlé de capture de monstres, malgré une qualité qui décline depuis plusieurs générations, la comparaison est évidemment inévitable. Et ce n’est pas un problème pour Nexomon : Extinction, qui ne cherche absolument pas à cacher ses inspirations, puisées principalement dans les Pokémon old-shcool. D’où une vue du dessus à l’ancienne, un retour aux herbes hautes, mais aussi un style graphique plus minimaliste que chez les titres récents du genre.
Mais surtout, si la comparaison n’est absolument pas un problème en premier lieu, c’est parce que le titre de Vewo Interactive ne cherche pas à concurrencer Épée et Bouclier. Mais plutôt à proposer une alternative aux fans qui refont en boucle les épisodes GB, GBA et DS par dépit. À défaut de suivre les évolutions connues par la série de Game Freak depuis la 3DS, Nexomon : Extinction s’attelle plutôt à corriger les différents défauts qui lui collaient à la peau avant le passage à la 3D. En commençant par l’écriture et le challenge.
Le titre est en effet beaucoup mieux écrit que la majeure partie de ses concurrents, notamment parce qu’il propose un véritable scénario suivi et se révèle plutôt mature. Mais aussi, les dialogues ne sont pas seulement là pour nous indiquer où aller et quoi faire. Chaque personnage interrogé au cours de l’aventure aura quelque chose d’intéressant à nous raconter, ne serait-ce que sur le monde qui nous entoure. Enfin on remarquera surtout le travail apporté aux lignes attribuées aux personnages principaux : l’humour est omniprésent, allant parfois jusqu’à casser le quatrième mur, pour le meilleur comme pour le pire.
Quant à notre avatar, il est toujours muet, ce qui justifie l’apparition d’une mascotte parfois franchement amusante, d’autres fois un peu agaçante. Cela dit, il est appréciable de pouvoir changer de pseudo mais surtout d’apparence à tout moment, parmi une liste de 26 personnages prédéfinis. L’occasion d’aborder le character design assez inégal du titre, autant du coté des créatures que des protagonistes. Certains monstres sont franchement beaux et inspirés, d’autres plus quelconques, et d’autres encore font penser à des Pokémon. En soi, ce n’est pas un gros problème, puisque l’aspect visuel des Nexomon reste dans l’ensemble moins enfantin que chez Game Freak, ce qui est assez plaisant.
En terrain connu, mais pas trop
Si l’on peut affirmer sans se mouiller que le challenge ne manquait pas chez la série de Game Freak jusqu’aux premiers opus 3DS, celui-ci restait malgré tout adapté à un public assez large. Certes, certains enfants n’ont probablement jamais vu la fin des versions Rouge et Bleue, voire Or et Argent. Mais la licence a ensuite revu sa difficulté un peu à la baisse, et il est de notoriété publique que venir à bout de Rubis et Saphir, puis de leurs suites, ne demande pas de gros efforts. Malgré leurs problèmes de conception.
Le titre de Vewo, quant à lui, ne fait pas de cadeau. Ses combats sont relativement techniques, bien qu’ils soient moins stratégiques que ce à quoi nous a habitué la série de Game Freak. Ce qui est dû aux différentes capacités qui sont le plus souvent offensives. Enfin cela n’empêche pas le titre d’être parfois assez intransigeant, dans le cas d’une erreur de jugement. Notamment parce que l’IA n’hésite pas à switcher ses créatures lors d’un rapport de force le plaçant en mauvaise posture. Une attaque élémentaire lancée au bon moment et c’en est fini de notre Nexomon préféré.
Par ailleurs, le titre abolit le système de PP inhérent à Pokémon, et le remplace par la fatigue. Une mécanique bien plus adaptée au genre, c’est un fait, mais qui augmente là encore la difficulté des combats. Il faudra en effet faire très attention à cette jauge qui descend rapidement, et peut vite nous pousser dans nos derniers retranchements, ou nous obliger à utiliser un objet et donc à perdre du temps. À ce niveau, on constate que l’utilisation de soins, tant pour les PV que la fatigue, est une habitude à prendre. Or, l’argent est difficile à obtenir et les items sont onéreux. Quant aux combats en eux-mêmes, ils se révèlent finalement assez proches de ce que l’on connaît chez Game Freak, exception faite du système de fatigue et d’une statistique de vitesse attribuée à chaque capacité.
Il est possible d’attribuer jusqu’à quatre capacités à un Nexomon. Chacune d’entre elles a un coût en fatigue, souvent proportionnel à sa puissance. On retrouve par ailleurs un système d’affinités élémentaires qui n’est pas très compliqué à intégrer, notamment parce qu’il n’y a que neuf types de créatures. On notera pour finir que le mapping des touches sur la version console est plutôt bien pensé, permettant de choisir parmi les options sans avoir à user de la croix directionnelle ou du joystick gauche. Dommage que la version Switch soit dénuée de tactile.
Là où le titre fera probablement le plus plaisir aux amoureux de Pokémon qui désespèrent d’y voir apparaître des changement radicaux, c’est dans sa façon d’appréhender son environnement. En effet, bien que l’histoire veuille nous faire passer par un chemin défini, en nous envoyant tour à tour dans chaque zone du jeu, il est néanmoins tout à fait possible de partir explorer la carte (qui dispose d’un level design plutôt intéressant) dès notre starter en poche. Ce qui n’est évidemment pas aisé, étant donné que les créatures et les dresseurs sont nombreux à nous attendre.
Dans le même ordre d’idée, Nexomon : Extinction permet d’équiper ses compagnons avec différents orbes, qui confèrent des bonus. Une riche idée qui approfondit son système de jeu déjà bien fourni. Quant au système de capture, il ne nous laisse pas complètement passif, et ça c’est chouette !
Quelques limitations évidentes
C’était plus ou moins à prévoir, Nexomon : Extinction souffre de pas mal de limitations. À commencer au niveau de son aspect purement visuel. Réalisé sous Unity, le titre n’est pas moche, c’est un fait indéniable. Néanmoins, ses environnements sont inégaux, tantôt plutôt jolis et inspirés, tantôt moyens et redondants. On notera surtout que le développeur les a un peu trop chargés en éléments, rendant les décors parfois illisibles. Mais en faisant avec ses moyens limités, Vewo Interactive est tout de même parvenu à offrir à son titre une identité remarquable. Quant à la bande-son, elle est là encore inégale. Quelques bonnes surprises, mais aussi deux ou trois thèmes qui font mal aux oreilles.
Il est appréciable de constater que l’histoire et les dialogues sont assez adultes. Il est question de morts, de vols, et quelques personnages sont plutôt ambigus. L’ennui c’est que le travail de localisation a laissé de nombreux ratés. On est régulièrement confronté à des fautes d’orthographe très voyantes, voire à des mots qui n’ont pas été traduits depuis l’anglais. Mais aussi, plus rarement, à des tournures de phrases qui ne veulent rien dire. Rien de rédhibitoire non plus, mais cela peut agacer dans la mesure où cela casse pour quelques instants l’immersion dans le jeu.
Enfin ce sont surtout de multiples problèmes de finition et de calibrage qui gangrènent le jeu. Par exemple, lorsque l’on capture un Nexomon, on peut voir ses statistiques… mais pas celles de nos compagnons. Il est ainsi difficile de déterminer s’il faut l’ajouter à notre équipe, ou l’envoyer au stockage (qui fonctionne par ailleurs de la même manière que chez un Pokémon). Il n’est pas possible non plus de voir son niveau de rareté, qui détermine pourtant, le plus souvent, la puissance d’un Nexomon sur le long terme. Idem, lorsque notre créature tombe au combat et qu’il faut en envoyer une nouvelle prendre sa place, l’ennemi peut attaquer dès que celle-ci entre sur le terrain. Une erreur grossière qui handicape le joueur plus qu’autre chose.
Par ailleurs, il est impossible de modifier l’emplacement des capacités de nos créatures, ce qui peut se révéler fâcheux lorsqu’elles en apprennent une nouvelle, puisque cela chamboule leur ordre. Et dans le feu de l’action, une fois habitué à aller chercher une attaque à un endroit précis, on oublie qu’elle a changé de place. Dans un autre registre, nous faire choisir au démarrage entre neuf starters, un pour chaque type, est une riche idée. Mais le fait de pouvoir les trouver à l’état sauvage peu après fait chuter leur importance. D’autant qu’elles font partie des créatures les plus puissantes que vous pourrez capturer, hormis les légendaires évidemment.
Nexomon : Extinction ne manque pas de contenu, et sa durée de vie est dans la moyenne des jeux du genre… à savoir tout à fait respectable. Mais il reste dommage que le niveau des créatures à l’état sauvage (ainsi que celles des dresseurs) s’aligne sur celui des nôtres. L’idée est bonne, mais très mal exploitée, puisque cela empêche de se forger une collection complète si l’on n’a pas exploré le monde de fond en comble dès le début de l’aventure (puisqu’il n’y a pas de système de reproduction). Par ailleurs, cela peut rendre les choses très compliquées si l’on fait gagner quelques niveaux de trop à un Nexomon en particulier, ce qui arrive finalement très vite puisque les zones sont organisées par type. Enfin les quêtes annexes sont relativement nombreuses, mais en dehors des récompenses leur intérêt est très limité, hormis dans de rares cas.
Pour finir, le plus gros défaut de ce RPG reste évidemment l’absence de multijoueur. Il était presque évident que l’on n’aurait pas droit à des combats et des échanges en local sur Switch, aussi attristant que soit ce détail. Mais quel que soit le support, il ne dispose pas non plus de multijoueur en ligne. Et ça, pour le coup, ça passe quand même beaucoup moins, surtout qu’il possède pas loin de 400 créatures. Un système d’échanges entre joueurs semblait clairement indispensable, et pourquoi pas des combats pour tester nos différentes stratégies. Au lieu de ça, il va falloir se contenter de retourner vers les différentes dresseurs, qu’il est possible de combattre à volonté.
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