Pour tous ceux qui ont été bercés par les films du studio Ghibli ainsi que par de nombreux J-RPG, Ni no Kuni premier du nom avait été une petite aubaine charmante et inattendue. Le titre de Level-5 avait su marquer l’année 2013 en donnant littéralement vie au talent du studio d’animation, tout en proposant un J-RPG qui tenait la route, malgré quelques lenteurs et un classicisme trop prononcé. L’annonce d’une suite fut forcément accueillie avec enthousiasme, même si ce Ni no Kuni II : L’avènement d’un nouveau royaume n’allait pas pouvoir bénéficier pleinement du support de Ghibli. Ce nouvel opus a donc beaucoup à faire pour reconquérir les amoureux du premier opus autant que ceux qui avaient pu être déçus. Heureusement, Level-5 semble bien avoir révisé ses bases afin de nous proposer un tout nouveau type d’expérience. Préparez-vous à plonger une nouvelle fois au sein d’un monde enivrant et incroyablement riche, dans lequel les quelques désillusions ne ternissent jamais la féerie du voyage d’Evan.
Avant de commencer ce test, nous tenons à préciser qu’il n’est pas nécessaire d’avoir joué au premier Ni no Kuni afin de profiter de cet épisode. Seules quelques références et clins d’œil sont disséminés ici et là, sans que cela ait une vraie incidence sur le scénario du jeu. Par ailleurs, aucun spoil ne sera formulé dans cet article, si ce n’est l’introduction du jeu.
Sommaire
ToggleUne aventure magique guidée par un rêve naïf
Si le monde de Ni no Kuni II est empreint de magie et de fantaisie, les premières minutes de l’œuvre nous dépeignent un cadre tout à fait différent, plus contemporain et qui nous est plus familier afin de nous présenter Roland. Ce quarantenaire occupe la fonction de président au sein de son pays, mais se voit être transporté dans un autre monde suite à une catastrophe. Il fait alors la rencontre du jeune roi Evan, qui s’apprête à être renversé suite à un coup d’Etat orchestré par l’ancien conseiller du père d’Evan. Le jeune garçon se voit donc contraint de fuir le château avec l’aide de Roland, motivé par l’idée de construire un nouveau royaume afin d’endiguer toute sorte de guerre, pour que le drame qu’il vient de subir ne se reproduise plus jamais.
Vous l’aurez sans doute deviné, Ni no Kuni II nous raconte donc à la manière d’un roman d’apprentissage l’évolution de notre jeune héros, qui passe du statut de garçon un peu rêveur à un souverain exemplaire. On s’éloigne alors quelques peu des poncifs traditionnels du J-RPG, du moins dans un premier temps puisque la quête d’Evan consiste avant tout à bâtir un nouveau fief et à obtenir le soutien des autres royaumes pour les unifier. Naturellement, cette naïveté apporte au récit une certaine dose de légèreté vraiment appréciable, ce qui était certainement le but initial. Malgré tout, on ne pourra pas s’empêcher de trouver tout cela un peu mielleux par moments, d’autant plus que certaines questions soulevées par les personnages auraient pu être pertinentes.
Sans aller jusqu’à parler d’ingérence, d’espionnage et d’autres problèmes politiques, il y avait de quoi poser les bases d’un récit un peu plus rafraîchissant, sans perdre cet optimisme pour autant. Pourtant, le titre met parfois en avant des thèmes lourds comme la lutte des classes, mais ne va jamais creuser bien loin. Pas de prises de risque donc, mais l’histoire qui nous est contée reste tout de même sympathique et facile à suivre, voire drôle à l’image du Mécabook, un simili-Facebook dans lequel les habitants du monde entier commentent avec humour tous les événements du moment. Ni no Kuni II nous livre donc un conte de fées innocent, ce qui colle parfaitement à la patte artistique du titre.
Volontairement édulcorée de nombreux sujets, l’histoire aurait pu vraiment se démarquer en prenant un peu plus de risques.
Même si le studio Ghibli n’est pas présent comme dans le premier épisode, la direction artistique de ce titre parvient sans peine à nous rappeler l’esthétique du studio et à nous enchanter. Comme vous avez pu le voir sur les nombreuses images, le soin apporté au design des personnages est particulièrement agréable à l’œil et dénote de ce que l’on a l’habitude de voir dans les J-RPG. Impossible de ne pas reconnaître l’identité visuelle du studio d’animation, puisque c’est Yoshiyuki Momose qui est à la manœuvre (ancien talent de Ghibli) et le bougre effectue un travail tout à fait convaincant. On émettra un peu de réserve sur les décors, réalisés en cel-shading, qui offrent un rendu moins convaincant et desservi par des textures un peu faiblardes.
On note tout de même que l’ambiance fonctionne toujours, notamment dans les diverses villes comme Gamblor qui fait office de casino géant ou la reposante ville portuaire Celacan. Il est d’ailleurs dommage de constater que les autres environnements ne sont pas du même calibre, puisque Ni no Kuni II fait preuve d’un peu de fainéantise en recyclant pas mal de décors sur les différents donjons. Cette nonchalance se ressent également sur le peu de cinématiques que comporte le jeu, ainsi que sur l’absence de doublage sur de très nombreux dialogues annexes. La carte du monde, sur laquelle vos personnages se baladeront en mode Chibi, n’est pas non plus très convaincante et se permet de faire chuter le framerate, alors qu’elle ne comporte que peu de détails.
Mais finalement, si l’on doit dresser un bilan esthétique, il est difficile de retenir ces petits défauts et de ne pas être émerveillé par l’incroyable charme qui se dégage du titre. D’autant plus que la touche de Ghibli ne se fait pas ressentir qu’au niveau des yeux. Sous la baguette de Joe Hisashi, l’orchestre philharmonique de Tokyo se démène pour ravir nos oreilles avec des partitions enchanteresses. Aussi diverses que cohérentes, ces musiques participent à l’aspect conte interactif que nous propose Ni no Kuni II, et on vous garantit qu’elles vous resteront en tête pendant un long moment. Soulignons également la présence du doublage original japonais, que l’on vous conseille vivement face à un doublage anglais plutôt agaçant.
Les fonctions d’un souverain
Il serait cependant injuste de résumer ce titre à sa charmante bouille, puisque Ni no Kuni II est gorgé de fonctionnalités en tout genre, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Commençons tout d’abord par évoquer le mode Royaume, dans lequel Evan devra construire son nouveau fief en partant de zéro. Avec l’aide de ressources et de pièces d’or, le jeune roi va donc bâtir un à un les nombreux édifices utiles au royaume, comme une forge, une scierie ou bien des potagers, ce qui l’aidera ensuite à gagner en influence et en revenu quotidien. Prenant l’aspect d’un city-builder extrêmement simplifié, le mode Royaume vous tiendra régulièrement occupé, sans être pour autant tout à fait indispensable. Néanmoins, investir du temps de jeu dans ce mode vous permettra de débloquer des bonus extrêmement utiles, surtout en ce qui concerne les compétences de vos personnages, puisque la plupart de leurs habilités s’obtiendront en développant votre institut de magie. Le mode Royaume fait ainsi figure de parenthèse reposante durant votre voyage, tout en ajoutant un peu de diversité au sein de la formule classique des J-RPG.
Au-delà des pièces d’or et de l’influence, votre royaume ne grandira pas sans quelques fidèles prêts à mettre la main à la pâte. Il va donc falloir recruter des centaines de PNJ à travers le monde, que cela soit durant votre quête principale ou durant la multitude de quêtes annexes que l’on vous offre. Si la plupart d’entre eux possèdent leur propre petite histoire, souvent assez peu intéressante, certains pourront être débloqués à l’aide d’un système nommé « Quête Express », qui se contente de vous proposer des quêtes Fedex simples à remplir. Vous gagnerez ainsi une monnaie spéciale qui vous permettra de recruter directement de nouveaux PNJ, sans que ces derniers ne vous proposent des quêtes personnelles.
Une fois enrôlés dans votre royaume, vous aurez la possibilité de les assigner à n’importe quelle tâche, même si chacun d’entre eux a sa petite spécialité. Tout comme vos héros, ces PNJ progresseront au fil des travaux effectués et renforceront leurs aptitudes. Ce système de recrutement évoquera sans doute quelques souvenirs aux amateurs de la série des Suikoden, et c’est souvent avec plaisir que l’on parcourt le monde à la recherche de nouveaux alliés pour venir gonfler les rangs de notre royaume.
Pouvoir bâtir son royaume soi-même est une excellente idée, et s’investir dans la construction vous offrira de nombreux bonus.
Par ailleurs, la défense de ce dernier représente également un autre pan entier de gameplay. Dans ce mode que l’on traduira par « Escarmouche », Evan doit prendre la tête de quatre bataillons afin de repousser les armées ennemies. Se déroulant sur la carte du monde, ces batailles permettent d’apporter une dose de stratégie au jeu, même si elles restent relativement basiques. On retrouve ici le même système triangulaire que dans les Fire Emblem, puisque les différents escadrons possèdent tous un type d’arme plus ou moins efficace selon le bataillon auquel vous ferez face. Il faut donc faire pivoter vos troupes autour d’Evan afin de tirer avantage de chaque type d’arme, tout en écrasant les troupes et les édifices adverses.
Chaque escadron possède aussi une capacité qui lui est propre, qui peut s’enclencher en sacrifiant un peu de notre puissance globale. Il faudra cependant veiller à ce que cette dernière ne tombe pas à zéro, ce qui entraînerait une défaite immédiate. Sans être totalement passionnant, ce mode a de quoi tenir en haleine pendant plusieurs heures de jeu tout en se diversifiant quelque peu au fil des batailles. Sa relative facilité d’accès cache également une bonne dose de difficulté, ce qui est bien le seul endroit où vous rencontrerez un peu de challenge.
D’une simplicité royale
En dehors de son scénario un peu faible et d’autres petits soucis, Ni no Kuni II cache un autre problème de taille : son absence de difficulté. Tout au long du jeu, vous ne rencontrez que très peu de résistance face à vous, et il ne sera pas rare de terrasser une horde d’ennemis sans problèmes alors que cette dernière est d’un niveau bien supérieur à celui de votre équipe. Si cela peut être vu comme un confort pour certains, qui n’ont pas envie de s’investir pleinement dans les combats pour profiter de la trame scénaristique, il faut bien avouer que cela gâche complètement le sel du système de combat, qui est lui, extrêmement bien conçu. Il faudra cependant lorgner du côté des monstres uniques, possédant une force plus élevée que la moyenne, ainsi que sur les Labyrinthes afin de profiter de la richesse de ce système. Ces donjons générés de manière procédurale feront grimper la difficulté selon le temps que vous mettrez à les boucler et vous proposeront des récompenses plus intéressantes selon votre niveau de danger. Une bonne idée qui ne rattrape pas la trop grande facilité de toute l’aventure.
C’est bien regrettable car Ni no Kuni II a énormément de choses à nous offrir durant les combats. Alors que le premier épisode de la licence comportait une certaine mollesse durant les affrontements, ce nouvel épisode puise dans des influences telles que Tales of et Shining Resonance pour donner un bon coup de dynamisme à l’ensemble. Sans être pour autant frénétiques, les combats ont du punch et de l’impact, avec des compétences spectaculaires qui s’enclenchent facilement et sans presque aucun temps mort.
Votre positionnement dans l’espace joue donc ici un rôle important, et il faut savoir manier la roulade et la garde avec habilité afin de ne pas trop se faire martyriser, même si encore une fois, les ennemis ne représentent pas une grande menace. Le basculement du côté de l’A-RPG fait beaucoup de bien à la licence, même si on n’aurait pas refusé encore un peu plus de vitesse, notamment au niveau du déplacement des personnages. Comme il est possible de changer de leader instantanément à n’importe quel moment, ce petit défaut ne gêne aucunement le plaisir offert par les affrontements.
Malgré l’absence de challenge, le système de combat fait des merveilles et ne manque pas de dynamisme.
Le titre de Level-5 met en place une mécanique intéressante, celle du changement d’arme. En plus d’une arme à distance, tous les personnages pourront être équipés de trois armes au corps à corps (seulement si elles sont du même type, comme trois épées ou trois marteaux par exemple) et il sera possible de switcher entre elles d’une simple pression de touche. Là où cet aspect devient plus stratégique qu’il n’y paraît, c’est que ces armes vont gagner en puissance au fur et à mesure de vos coups. Lorsque l’une d’elles aura atteint les 100 %, la prochaine capacité utilisée bénéficiera d’un plus grand impact en plus d’autres effets supplémentaires. A titre d’exemple, la première capacité d’Evan lui permet d’effectuer un grand coup d’épée autour de lui en temps normal, mais avec une arme à 100 %, ce coup deviendra enflammé et gagnera nettement en force et en portée. Il faut donc penser à surveiller régulièrement vos trois armes afin de profiter au mieux de leur puissance.
Mon royaume pour un Mousse
L’attention doit également être portée sur le comportement des « Mousses », des petits êtres mignons qui viendront vous prêter main forte durant les affrontements. Exit les familiers du premier opus donc, et place à un nouveau système bien moins envahissant, tout en étant sacrément utile. Il est possible de faire équipe avec quatre petites équipes de Mousses qui possèdent chacune leur particularité. Tantôt offensive, tantôt curative, leur magie peut être mise à profit lorsqu’elles se regroupent pour effectuer une capacité spéciale. Certaines peuvent donc se métamorphoser en canon, tandis que d’autres vous protégeront des attaques adverses tout en vous soignant. Ces petits êtres discrets sont donc un renfort à ne pas négliger.
Les Mousses, des créatures aussi discrètes que pratiques, peuvent faire basculer certaines affrontements si elles sont bien gérées.
Il en est de même pour l’Egaliseur, un système qui permet de bien se préparer aux futurs combats. Divisé en quatre parties, il modifiera certaines caractéristiques selon vos besoins du moment. Par exemple, si vous faites face à de nombreux golems sur votre route, il sera possible d’augmenter votre efficacité contre ce type d’adversaire via l’Egaliseur. Votre résistance face aux éléments sera également gérable depuis cet outil. De la même façon, vous pourrez choisir quel type de butin vous souhaitez, que cela soit de l’argent en plus grande quantité ou des équipements plus rares. Même si cela facilite encore une fois les batailles, il faut tout de même avouer que l’idée est tout à fait intéressante, surtout lorsque l’on se rend compte qu’elle n’est pas si permissive que cela.
Ni no Kuni II est donc aussi riche que varié et aurait véritablement pu frapper un grand coup s’il n’était pas aussi accessible. Cela n’empêchera pas d’être captivé par le titre une fois la manette en main, et ce durant un sacré paquet d’heures. S’il faut compter environ une trentaine d’heures afin de venir à bout de la quête principale, il en faudra bien plus pour faire le tour de la centaine de quêtes annexes. Faire prospérer votre royaume au niveau maximum vous demandera également un certain temps, et les nombreuses batailles militaires viennent compléter l’excellente durée de vie du titre. L’œuvre de Level-5 réussit parfaitement à intégrer la multitude de mécaniques qu’il met en place, et ce n’est pas un scénario en retrait ainsi qu’une trop grande facilité qui viendront ternir cette fable onirique.
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