Même si le style de la team Asano (Bravely Default, Triangle Strategy) n’a pas entièrement conquis les plus exigeants en matière de JRPG, Square Enix peut compter sur elle pour créer des valeurs sûres. Avec Octopath Traveler II, Acquire compte corriger les faiblesses souvent pointées du doigt dans le premier opus malgré une bonne réception du public et des critiques. Mais à quel point cette suite fait mieux que son prédécesseur ?
Conditions de test : Nous avons joué au titre sur Switch OLED durant 80 heures en bouclant entièrement quelques scénarios et en accomplissant des quêtes annexes.
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ToggleQuand ça tente de corriger Bravement les Defaults
Fort de son succès commercial et de sa popularité, qui a même accouché d’un jeu mobile assez sympathique (Octopath Traveler: Champions of the Continent), cette suite semble être de prime abord une redite de la formule qui a précédemment bien fonctionné avec un JRPG découpé en huit grands scénarios, chacun incarné par un héros différent. Contrairement aux apparences, Octopath Traveller II est l’exemple parfait d’une suite qui améliore tout ou presque. Il consolide ainsi ses forces et atténue certains gros défauts, sans toutefois complétement les gommer, tout en ne faisant aucune concession sur ses fondations.
Sachez tout d’abord qu’il n’est absolument pas nécessaire d’avoir fait le premier opus pour profiter pleinement de celui-ci puisque nous avons droit à un tout nouvel univers et de nouveaux personnages à découvrir. Malgré tout, gardez en tête qu’il sera très difficile de passer à Octopath Traveler premier du nom après celui-ci. Ce second volet se permet même de s’écarter un peu de l’ambiance purement médiévale pour s’embarquer dans quelque chose de plus moderne. On apprend par exemple à un moment de l’histoire l’introduction de la machine à vapeur, pour mieux vous situer.
Vos premiers pas dans Solistia se feront dans la peau d’un protagoniste principal que vous choisissez parmi les huit proposés. Ce sera votre point de départ, de même que votre fil rouge et il sera impossible de le retirer de votre équipe avant d’avoir terminé entièrement son intrigue. Le titre ne vous enferme pas pour autant dans cette case puisque vous pouvez par la suite aller chercher les autres personnages afin de les intégrer dans votre équipe. Très rapidement, vous être lâché dans le monde ouvert du jeu qui vous offre une liberté sans commune mesure par rapport aux JRPG plus traditionnels. Libre à vous d’embrancher sur l’histoire d’un autre personnage ou d’explorer selon vos envies.
Il faut dire que le choix n’est pas forcément évident. Octopath Traveller II propose huit personnages aux métiers, caractères et motivations différentes. Certains joueurs n’accrocheront qu’à une poignée d’entre eux tandis que d’autres apprécieront le fait de naviguer entre toutes ces histoires pour constamment varier l’expérience. C’était d’ailleurs notre état d’esprit en jouant et il faut avouer que l’écriture est particulièrement réussie dans cet opus. On s’étonne même à apprécier certains personnages et scénarios qui ne nous avaient pas fait forte impression avec leur chapitre d’introduction.
Qu’en est-il de la dynamique de groupe ?
Vous aurez forcément vos préférences, mais la majorité de ces huit axes offrent leurs lots de rebondissements (pas toujours prévisibles tout de même) et de moments forts. Comme pour Triangle Strategy, la Team Asano emprunte beaucoup à des constructions à la Game of Thrones qui mettent en exergue ce qu’il y a de meilleur et de pire dans l’humanité via de multiples points de vue. Les idées sont tantôt utopiques ou naïves (Partitio qui veut éradiquer la pauvreté) tantôt pragmatique et cynique (Oswald, l’érudit ayant tout perdu et voulant venger sa famille quoi qu’il en coûte), mais rien n’est jamais simpliste.
Grâce à cette profondeur et une narration bien plus digeste, on passe un très bon moment à enchaîner les chapitres qui échappent en outre aux redondances du premier opus dans leurs constructions (ville, donjon et boss). Les chapitres ne sont ni trop courts, ni trop longs et sont toujours pertinents dans ce qu’ils racontent afin de dévoiler petit à petit les enjeux ou des éléments de contexte importants dans le passé d’un personnage. Le doublage japonais impeccable apporte énormément aux profils avec un casting parfaitement au point. Si vous êtes fan d’anime ou d’autres gros jeux japonais, impossible de ne pas reconnaitre des voix familières.
Dans le premier jeu, le défaut le plus souvent énoncé était le manque d’interaction entre les différents protagonistes dans leurs histoires respectives. On sent que le studio a pris en compte ces retours, mais cela ne change pas la donne pour autant. Chacun est seul acteur de sa pièce et les autres n’interviennent jamais officiellement. Malgré un manque de cohérence, c’est un choix assumé qui fait sens selon nous tant ce grand nombre de personnages intervenant partout casserait tout simplement le bon rythme des chapitres que l’on a constaté.
Cela n’empêche pas d’avoir régulièrement des dialogues optionnels après chaque évènement afin qu’un membre donne son avis ou un conseil sur ce qu’il vient de se passer. En combat, on peut aussi les entendre s’encourager ou se remercier. Cela entretient un tantinet l’illusion que l’on voyage bien en groupe et que les trois compagnons ne restent pas exprès hors-champ. Malgré tout, la grande nouveauté visant à palier ce manque d’échanges reste les quêtes en duo qui font office d’épisodes cross-over où deux personnages mettent leurs talents respectifs à contribution sur plusieurs chapitres. Ces histoires sont un peu plus légères, cependant là encore l’écriture est loin d’avoir été négligée.
Un gameplay soigné de jour comme de nuit
Là où Octopath Traveller II resplendit le plus, c’est via son gameplay qui a profité d’un très bon coup de fouet. Au niveau des combats, on retrouve ce système au tour par tour inspiré par Bravely Default avec des points d’exaltation à dépenser intelligemment pour enchaîner plusieurs fois la même action ou la renforcer. Chaque ennemi possède des faiblesses aux armes et magies qui permettent de briser un compteur de garde. Une fois celui-ci à zéro, vous interrompez son action pendant un tour tout en infligeant bien plus de dégâts. Rien de nouveau jusque-là, cependant chaque personnage possède désormais une action unique.
Une mécanique représentée par une jauge et qui renforce l’aspect stratégique des affrontements. Oswald peut par exemple transformer un sort multi-cible en un sort unique bien plus puissant, ou encore Partitio peut avoir accès à tous ses points d’exaltation. De plus, grâce aux classes secondaires, la flexibilité des stratégies s’en voit décuplée. On a non seulement accès à des classes inédites, mais aussi à celles de nos compagnons, offrant ainsi un large éventail de synergies assez efficaces, en particulier avec les nombreux passifs qui leurs sont liés. On passe souvent moins de temps à vouloir absolument briser la garde de l’adversaire qu’à préparer une énorme attaque pour enlever un grand nombre de PV en un coup.
Le sentiment de liberté dans l’exploration est aussi intact et se voit même renforcé grâce à un cycle jour/nuit qui apporte un peu plus plus de vie, notamment aux villes qui s’en retrouvent moins figées. D’une simple touche, vous pouvez immédiatement modifier le moment de la journée avec son lot de changements via les PNJ. On retrouve les capacités d’exploration des personnages qui bénéficient de talents différents si le soleil est couché ou non. Le jour, Throné peut voler les objets des PNJ tandis que la nuit, elle peut les assommer. Certains sortent toutefois du lot comme Hikari qui peut défier n’importe qui en duel pour acquérir une technique ou encore ceux pouvant recruter un PNJ pour bénéficier d’effets passifs (dans les boutiques par exemple) ou bien les appeler au combat. D’autres capacités en revanche font parfois doublon avec l’une moins efficace que l’autre.
Une HD-2D encore plus belle
Ce cycle a également une incidence sur les ennemis rencontrés, qui seront plus forts et donneront plus d’EXP de nuit, tandis que les personnages bénéficieront d’avantages supplémentaires, comme Throné qui obtient de nombreux buffs en début de combat. Cela met d’ailleurs en exergue les défauts majeurs d’Octopath Traveler II, à savoir son système d’EXP et les rencontres aléatoires incessantes. Même s’il est possible de les réduire un petit peu via un passif de l’érudit, on aimerait parfois simplement explorer les donjons et les routes librement sans se faire harceler par les monstres toutes les deux minutes. On comprend que le jeu limite nos accès dans certaines zones en mettant des ennemis de très haut niveau, mais on se retrouve encore à devoir gérer les rencontres récurrentes sur une route de niveau 1 après 70 heures de jeu.
C’est dommage car le voyage constant est l’un des gros plaisirs du jeu. Avec ses nombreux secrets et quêtes annexes (qui demandent de réfléchir un minimum), Octopath Traveler II nous donne envie de fouiller les moindres recoins de son univers. L’autre point embêtant est le partage d’EXP inexistant. Sur les huit héros, vous ne pouvez en embarquer que quatre à la fois, ce qui vous force à changer sans arrêt les compositions d’équipe afin de les garder à un niveau correct, ne serait-ce que pour compléter leurs propres chapitres. Les phases de grind en deux chapitres sont donc souvent de mise. Cela aurait pu être supportable si justement on ne mangeait pas autant de rencontres aléatoires.
Le titre peut tout de même remercier ses graphismes HD-2D qui subliment nos expéditions. Square Enix a bien raison d’utiliser ce « cheat code » qui fait mouche à chaque fois (Live a Live, Triangle Strategy et prochainement Dragon Quest III), la team Asano a amélioré le rendu ici pour un résultat encore plus bluffant. Sur Switch aucun souci de notre côté avec des performances correctes en docké et en portable (sauf à deux lieux bien précis qui causaient des chutes de framerate). Saluons enfin le travail musical de Yasunori Nishiki qui nous propose ici une bande-son incroyable qui peut même prétendre être meilleure que la précédente. Les morceaux parviennent à donner une identité sonore à chaque personnage et le jeu propose des thèmes de combats qui restent longtemps en tête.
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