One Piece Odyssey est disponible depuis quelques semaines mais entre la réception tardive du code et la bonne durée de vie du jeu, nous avons préféré bien prendre notre temps pour la critique, comme on vous avait prévenu. D’autant plus que la démo disponible (avec progression transférable dans la version finale) pouvait potentiellement commencer à aiguiller les plus curieux d’entre vous.
Car oui, il y avait de quoi avoir des doutes puisque malgré son immense succès, le manga d’Eiichiro Oda n’a toujours pas connu le titre qui mettrait tout le monde d’accord, en dehors des musous qui sont un genre assez particulier. Après la déception World Seeker, Bandai Namco a chargé ILCA de retenter un RPG avec la licence 10 ans après Romance Dawn sur les consoles portables. Voyons donc si le grand jeu One Piece est réel.
Conditions de test : Nous avons joué près d’une centaine d’heures sur la version PlayStation 5 de One Piece Odyssey pour faire la quête principale ainsi que la quasi-totalité du contenu secondaire, quelques collectibles manquant malheureusement à l’appel.
Sommaire
ToggleBasé sur un post-it d’Eiichiro Oda
La première particularité de One Piece Odyssey, c’est le fait de vouloir proposer à la fois une adaptation fidèle des évènements du manga mais aussi une histoire originale écrite par l’auteur lui-même. Notre équipage échoue ainsi sur la mystérieuse île de Waford donc les secrets inquiètent même les Cinq Doyens du Gouvernement Mondial qui suivront nos aventures de près puisque l’on y trouverait quelque chose capable de provoquer la fin du monde.
Dans un premier temps, on y trouve surtout deux personnages originaux, à savoir Adio et Lim. Adio est un aventurier explorateur qui s’est lui aussi échoué sur l’île il y a quelques années et vu les courants marins qui empêchent son départ, il a décidé de s’installer pour veiller notamment sur Lim, une jeune fille qui vivait seule jusqu’à présent, tout en ayant le pouvoir de jouer avec la mémoire des gens.
Ce qui tombe bien pour faire oublier à nos héros comment utiliser leurs pouvoirs et permettre une progression de type RPG tout en créant des simulations d’arcs connus afin de revivre des moments forts de One Piece. Malheureusement, Waford et ses deux habitants restent clairement des prétextes pour le reste et s’avèrent assez basiques voire clichés pour faire briller le pouvoir de l’amitié, pardon, des nakamas.
La mémoire peut jouer des tours
Et si la partie originale est sacrifiée, et bien on ne peut pas dire que la reprise d’éléments connus leur rende si hommage que ça, ne serait-ce qu’au niveau de la quantité. One Piece Odyssey permet de revivre quatre arcs du manga, à savoir Alabasta, Enies Lobby, Marineford et Dressrosa. Non pas de Tougato ou de Pays des Wa, merci d’oublier les 6 ou 7 dernières années de livres ou d’épisodes, logique vu les 5 années de développement.
Décevant mais pas forcément rédhibitoire si les arcs présents sont au moins correctement traités mais un autre problème apparaît. L’équipage est propulsé dans des simulations des évènements, tout en ayant toujours en mémoire le souvenir du déroulement de l’ensemble et avec justement la simulation qui tente de les déstabiliser en changeant des choses et en permettant aux développeurs de ne pas avoir à coller parfaitement à tout.
Et le jeu est particulièrement avare en ce qui concerne les personnages qui peuvent apparaître. Par exemple, Baroque Works se contente de Crocodile et Mr 2 quand le CP9 se limite à Lucci et Kaku. Dressrosa est l’arc le moins limité dans cet aspect mais il démarre quand la Birdcage est Doflamingo est déjà en place donc bon. On voit quelques grands moments mais on est plus souvent frustré par ce qu’il manque.
Encore plus décevant que les What If du MCU
Surtout qu’à avoir tout l’équipage, avec leurs souvenirs, et le prétexte de la simulation piégeuse, One Piece Odyssey avait une opportunité énorme de s’amuser à faire des what if. Mais non, pour un ou une fan, l’impact vient probablement plus souvent de l’émotion des héros de revoir des personnes et des lieux de leur passé que des nouveautés apportées par la liberté créative offerte.
Pire encore, le plus souvent les changements sont surtout là pour permettre à l’action de coller quand même au déroulement normal quand elle ne tiendrait plus de façon logique. Ainsi les membres de l’équipage les plus récents sont absents lors des premiers arcs, on va trouver une nouvelle façon de faire plier Luffy s’il tombait dans un piège à l’origine et pour Marineford, tout le monde va bien se séparer pour que le capitaine finisse seul.
Alors oui, toutes ces remarques font un peu problèmes de fanboy tatillon mais il faut aussi noter que le jeu n’aide pas en s’avérant peu accueillant pour les personnes qui auraient voulu découvrir l’univers via cet expérience puisqu’on nous joue les hits (en gameplay mais surtout en voix-off ou en explications pour Lim) sans vraiment prendre la peine d’installer un contexte ou de créer de la cohérence d’une scène à l’autre.
Climat pas vraiment Tactical
Mais bon, One Piece Odyssey ne serait pas le premier JRPG un peu bancal au niveau de son univers (ou retranscription de l’univers dans ce cas-là) qui pourrait s’en sortir grâce à ses combats et bonne nouvelle, le bilan est beaucoup plus positif sur ce point. On est bien dans des affrontements au tour par tour mais avec un système de zones qui vient apporter une couche supplémentaire de stratégie, tout en restant à des kilomètres de basculer dans le Tactical.
En effet, en début de combat, le jeu répartit les 4 membres de votre équipe et les adversaires dans des zones pour établir qui sera à portée de qui. On ne peut pas se déplacer directement mais on peut décider d’aller affronter quelqu’un au corps à corps s’il n’y a personne à proximité pour nous barrer la route. Sans oublier que certains peuvent attaquer à distance et peuvent donc agir n’importe où tout en restant à leur place.
Ce petit changement par rapport à la norme apporte beaucoup puisque cela permet au jeu de se différencier et donc de potentiellement intéresser les habitués du genre mais aussi celles et ceux qui en sont habituellement moins friands. Le tout avec un fonctionnement assez simple pour ne pas trop complexifier l’expérience pour celles et ceux qui auraient du mal avec le genre, surtout quand il côtoie les autres mécaniques.
One Piece Odyssey a mangé le Fruit du Pierre – Feuille – Ciseau
Car oui, ce n’est pas pour rien qu’il y a un système de places à surveiller un minimum. Les personnages sont répartis en trois classes qui forment un triangle assez classique de forces et de faiblesses et qui nous invitent donc à mettre les bons membres de l’équipe face aux bons adversaires pour à la fois faire plus de dégâts mais aussi en prendre moins. On a aussi dans une moindre mesure d’autres sensibilités présentes pour les états comme brûlure ou poison.
Et tout l’intérêt des places sur le terrain, c’est de pouvoir les échanger ce qui se fait sans beaucoup de contraintes. Tant qu’un personnage n’a pas fait de compétence ou utilisé d’objet lors de ce tour, il peut céder sa position à un autre sur le terrain mais aussi dans la réserve. Et le changement ne compte pas comme une action donc il est vraiment possible de prendre son temps pour ne pas être pris en traître et corriger ses éventuelles erreurs.
L’autre avantage, c’est que cela permet de toujours faire tourner l’équipe et donc de pouvoir jouer à peu près tout le monde (sauf Franky et Brook vu leurs arrivées plus tardives). Surtout que chacun gagne forcément l’xp à la fin des combats donc personne n’est en retard de niveau et aussi, quand vos quatre personnages sur le terrain sont K.-O., le jeu se permet de vous donner une sorte de Continue en faisant automatiquement rentrer les remplaçants.
Luffy qui spamme les Gear, dans un sens c’est cohérent
Autant être honnête, One Piece Odyssey n’est pas très compliqué, il ne possède même pas de modes de difficulté différents pour tenter d’apporter un peu plus de challenge. En plus de ce qu’on a évoqué jusqu’à présent, il faut aussi parler de la gestion du mana, ou plutôt sa non-gestion puisque faire une attaque simple redonne des points en fonction de dégâts et c’est en général plus qu’assez pour faire n’importe quoi au moins au tour suivant.
Une abondance qui permet donc de spammer les capacités spéciales qui sont le réel point fort du jeu. On sent que clairement, c’est l’aspect le plus travaillé pour recréer avec la plus grande fidélité possible les meilleures attaques du manga ou de l’animé avec la meilleure mise en scène possible. On a d’ailleurs quelques capacités de groupe, moins nombreuses et pas forcément efficaces, mais pour participer au spectacle.
C’est d’ailleurs vraiment la stratégie pour maintenir l’intérêt lors des combats, du spectacle et des petites surprises comme les ricochets sur les ennemis ou les objectifs secondaires lancés aléatoirement et qui donnent assez d’xp pour ne jamais avoir à farmer. En dehors des boss sacs à PV, le défi vient surtout du fait de vouloir réussir ces objectifs, d’autant plus quand un allié contrôlé par l’IA vient achever l’ennemi avec le personnage nécessaire pour le bonus.
On est pas près de le trouver le One Piece à ce rythme-là…
Malheureusement, cette simplicité et cette absence de farm se paient un peu quand One Piece Odyssey tente de respecter le cahier des charges des JRPG. En effet, il faudra bien complexifier les choses et étendre la durée de vie ailleurs, et cela se fait au niveau de l’exploration. Le jeu passe son temps à faire faire des allers-retours tout en désactivant le voyage rapide.
D’autant plus qu’on ne fait rien pour nous aider lors du Fedex en affichant rarement les objectifs sur la carte, même quand il s’agit juste de retrouver le donneur de la quête secondaire pour obtenir sa récompense. Et il faut même y ajouter l’impossibilité incompréhensible de changer d’étage affiché quand on consulte la carte pour savoir où aller quand on daigne nous donner un marqueur d’objectif principal.
Le remplissage devient d’autant plus violent vers la fin du jeu quand on nous demande de quitter l’ultime donjon pour refaire une visite d’anciens lieux quand on demandait juste à en finir une bonne fois pour toute. Et tout ça sans compter la vitesse de course des personnages qui fait se demander si Foxy ne serait pas en train de nous jouer un sale coup vu notre incroyable lenteur.
Tout le monde est jouable* (*voir conditions)
Et oui, nous avons bien parlé de la vitesse de course des personnages car il est bien possible de choisir qui contrôler quand on explore le monde de One Piece Odyssey. Et une fois de plus, désolé Franky et Brook puisque seuls les sept premiers membres de l’équipage sont disponibles, chacun ayant sa particularité. Mais bon dans les faits, on reste principalement avec Luffy vu ses avantages.
En effet, son Fluide de l’observation lui permet de repérer les ennemis les plus rentables en xp, ses bras lui permettent d’attraper les objets et collectibles à distance mais aussi de servir de grappin pour grimper. Si Zoro et Chopper peuvent débloquer de nouveaux passages, les autres sont surtout là pour récolter. Un rôle moindre compensé par une fonction de craft sauf dans le cas de la pauvre Nami.
Et puisqu’on parle de craft, autant mentionner l’équipement qui n’est pas classique lui non plus puisqu’au lieu d’avoir des pièces classiques comme arme, torse, etc, on a un système de cases et des objets connus ou génériques à faire tenir comme on le souhaite dans le nombre de cases. Là aussi, on ne révolutionne pas le JRPG mais on essaye de proposer des choses un peu différentes pour se démarquer.
Ca s’en va et ça revient
La structure de la quête principale de One Piece Odyssey est assez simple puisque l’on fait un donjon sur Waford puis un arc connu puis on revient faire un autre donjon et ainsi de suite. Et évidemment, le jeu ne se contente pas de ça et ajoute aussi des quêtes secondaires assez classiques où des PNJ vous demandent de leur rendre des services mais ce n’est pas tout.
On retrouve aussi des avis de recherches qui demandent de retrouver des ennemis pour les vaincre, le plus souvent il s’agit de prétexte pour faire des clins d’œil à d’autres personnages sans avoir à les modéliser (ils sont fans d’untel par exemple). Et on a également les missions permettant de débloquer les attaques de groupe, les moins intéressantes à quelques exceptions près.
Si cela ne vous suffit pas comme contenu, le post-game permet de réaffronter les différents boss qui deviennent plus forts après chacune de vos victoires et le jeu propose aussi des objectifs facultatifs si vous en voulez encore un peu. Bref, il y a de quoi faire mais c’est loin d’être captivant vu la répétitivité de base du jeu qui ne fait que s’amplifier avec tout ce qui est annexe.
Rien ne se perd, tout se transforme
Permettons nous un peu de redondance sur la redondance, à l’image du jeu. On pense notamment au bestiaire assez limité et très adapte du recyclage, là aussi un cliché du RPG poussé à son paroxysme qui n’est pas sauvé par le charisme des différents Kung-Fu Dugongs. Tout comme les PNJ qu’on nous ressert à toutes les sauces pour remplir un peu vainement les décors vides.
One Piece Odyssey est l’exemple parfait du beurre étalé sur une tartine trop grande. On sent qu’il faut remplir pour atteindre une durée de vie acceptable de RPG mais le budget n’était peut-être pas assez pour faire suffisamment de contenu. Donc en plus des allers-retours déjà évoqués, on voit clairement que chaque élément doit être rentabilisé. Si un personnage n’apparaît qu’une seule fois dans l’histoire, alors il faudra une quête secondaire avec.
Quand on voit le nombre de déserts à traverser à Alabasta et de ruines à Dressrosa vis à vis du reste beaucoup plus limités de zones ailleurs, forcément, on se pose la question de savoir si ce n’était pas tout simplement parce que cela coûtait moins cher à produire en se permettant d’être très générique au lieu de faire des reconstitutions. Cela donne donc à l’ensemble un côté assez creux quand même.
Chacun reste dans ses fondamentaux
Même si l’on regrette un peu une certaine avarice dans les éléments repris du manga, il faut tout de même saluer le soin du détail pour respecter ce qui est bien présent. Forcément, en combat Sanji refuse catégoriquement d’agir contre un femme, Usopp ne pourra pas feinter un amiral avec un marteau gonflable et Nico Robin ne pourra pas broyer les parties de personnages qui n’en ont pas.
D’ailleurs si vous vous posiez la question d’affronter des utilisateurs des fruits type Logia sans Fluide, sachez que One Piece Odyssey fait un compromis en permettant à tout le monde de leur faire des dégâts mais en ajoutant aussi une probabilité plus élevée d’échec de l’attaque.
Même si Luffy a une certaine capacité à accepter les énigmes au lieu de passer par la force et à ne pas partir de son côté pour que le jeu tienne, on note aussi la bonne écriture pour le ton de chaque personnage même s’il est vrai que c’était loin d’être complexe vu à quel point chaque rôle est défini. Nami est obnubilée par l’argent, Sanji par les femmes, Zoro se perd, bref tout y est même les moments un peu plus gênants de la navigatrice.
Mon One Piece a tout déteint dans la machine
Les échanges se font dans des petites phases de dialogues sympathiques mais qui recyclent beaucoup les animations des personnages. D’ailleurs, en dehors des attaques, il faut bien reconnaître que nos héros sont extrêmement rigides. Les designs sont bien retranscrits, les poses aussi mais cette rigidité donne quand même un certain manque de vie à l’ensemble.
Le résultat est d’autant plus étrange que l’univers coloré est bien là mais One Piece Odyssey s’évertue à le rendre artificiellement plus terne. On passe beaucoup de temps dans des endroits clos et sombres comme les donjons, cavernes ou égouts. Et les missions permettant de débloquer les attaques de groupe se déroulent avec un filtre blanc. On aurait donc aimé plus de peps pour nos yeux.
Techniquement, le jeu est assez propre, au moins sur la version PS5 testée et son style graphique l’aide bien à être visuellement correct sans avoir à être une claque. On regrette surtout quelques temps de chargement pour passer d’un endroit à l’autre quand la zone de jeu n’est pas si grande que ça, avec même parfois des couloirs pour passer d’un endroit à l’autre dans les parties les plus ouvertes.
Un petit jeune à la musique
Et pour les oreilles, forcément on retrouve les doubleurs japonais officiels qui sont parfaits comme toujours. One Piece Odyssey a d’ailleurs un problème de riche en ce qui concerne les musiques. Comme on pouvait s’y attendre vu le reste des adaptations de manga, on ne retrouve absolument pas les musiques de l’animé pour accompagner les moments cultes revisités.
Mais difficile de dire que Bandai Namco s’est moqué de nous quand le compositeur appelé pour pallier à ce manque est un certain Motoi Sakuraba. La légende du RPG a à son actif les sagas Tales of, Dark Souls, Star Ocean, Golden Sun, Baten Kaitos et on en passe. Donc évidemment, on retrouve une bande-son de qualité avec des thèmes mémorables, qui n’essaie pas de singer ce que l’on connaît déjà.
Cependant, si Sakuraba, certes, a fait de l’excellent travail, il est moins évident de savoir si cela colle vraiment à cet univers. On pourrait mettre ces morceaux dans n’importe quel autre RPG sans que cela dénote. Il manque un soupçon de piraterie pour que la magie prenne mais on ne va quand même pas dire non à un artiste aussi mythique et c’est peut-être l’aspect qui divisera le plus les avis.
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