Cela fait bientôt quinze ans que la licence Orcs Must Die! existe. Chapeauté par le studio indépendant Robot Entertainment, la série a déjà accouché de plusieurs épisodes, les opus canoniques étant sans doute les plus réussis (Unchained n’ayant pas réussi à se faire une place malgré ses idées). Quelques années après le sympathique OMD 3, l’équipe texane veut tenter de renouveler sa formule en injectant une composante roguelike avec Orcs Must Die! Deathtrap. Et s’il y a assurément de bonnes choses, l’expérience s’enlise dans quelques défauts dommageables.
Conditions de test : Nous avons joué un peu plus de 40 heures à Orcs Must Die! Deathtrap sur un PC équipé d’une RTX 2080 Super, d’une carte AMD Ryzen 9 3,79 GhZ et 64 Go de RAM. Nous avons pu faire le tour de l’ensemble des maps, débloquer l’ensemble des pièges et augmenter une bonne partie d’entre eux tout en débloquant quasiment toutes les compétences. Nous avions déjà joué et terminé l’intégralité de la série OMD.
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ToggleUn concept toujours aussi accrocheur
Pourquoi changer une recette qui fonctionne ? Orcs Must Die! est une licence historiquement basée sur du tower defense : des vagues successives d’ennemis arrivent, on doit poser intelligemment des pièges offensifs, construire des barricades pour bloquer l’accès à certains chemins ou inciter les orcs à passer par un endroit, et l’on espère que ces derniers n’arrivent pas jusqu’à la faille, auquel cas on perdra quelques « points de vie ». Si la faille atteint zéro, la partie est perdue. Et cela peut arriver très (très) vite lorsque les pièges (et surtout les barricades) ne sont pas placés où il faut.
Sauf que, la série ajoute une composante action qui n’est pas à négliger : jouable à la troisième personne, on incarne des mages de guerre, ces valeureux guerriers qui partent en croisade contre les orcs. En plus de poser lesdits traquenards, notre héros pourra aussi attaquer directement. Dans Deathtrap, on a six mages différents lorsqu’on lance le jeu (sept en cherchant un peu), chacun ayant ses caractéristiques propres. Vaan attaque avec son arbalète, Harlow est accompagnée d’une créature comme Zoey dans Unchained, Kalos joue les supports avec la possibilité de soigner tandis que Sophie est agile et attaque rapidement au corps-à-corps, quitte à s’exposer. Chaque personnage est relativement différent pour nous laisser apprécier chacune de leur compétence, même si l’on aura rapidement sa préférence (Wren est une magicienne exemplaire pour booster les pièges alors que d’autres trouvent de meilleure synergie en coopération).
Pourquoi ces personnages ? Eh bien, on n’en sait pas vraiment plus puisqu’il n’y a aucun réel scénario ici. On se retrouve juste propulsé dans un hub, une académie de mages, où l’on va devoir faire face à des failles instables en choisissant notre mission au centre. La série n’a jamais brillé pour scénariser ses aventures mais n’espérez aucun fil directeur. Et pas de tutoriel non plus. On a bien un sorte de camp d’entrainement ainsi quelques conseils donnés par Maximilian mais il s’agit simplement de vidéos qui illustrent rapidement quelques bases à peine suffisantes pour les nouveaux venus. Pire, on dirait de simples vidéos YouTube mal incrustées.
Pas de niveau d’apprentissage donc, il faudra vous lancer dans une partie et apprendre à la dure. Certes, les vidéos vous permettent de comprendre le principal, comme l’utilité d’une barricade, en quoi il est important de créer des combos de pièges et à quoi servent les fils (on en reparle), mais c’est sans doute loin d’être suffisant. Pour être honnête, difficile pour nous de pleinement se positionner en tant que néophyte ayant des centaines d’heures sur la série. On avait donc rapidement jaugé les placements idéaux pour les barricades. Mais on imagine assez facilement qu’un nouveau venu puisse avoir du mal sur ses premières heures, ce qui pourrait frustrer avant de prendre ses marques. Une frustration d’autant plus grande lorsque l’on tombe sur les pires bonus/malus aléatoires.
La licence tente d’évoluer
L’action est d’ailleurs un peu plus mise en avant ici, soutenue par les diverses capacités des mages de guerre (chaque mage de guerre à une attaque principale, une seconde, une compétence, un ultime et un piège spécifique) et les différents bonus que l’on glane au fil des manches. Orcs Must Die! Unchained avait aussi misé sur l’action avec son côté hero-shooter, mais faire son chemin de la mort avait toujours une importance capitale. L’époque où l’on devait parfaitement millimétrer la position des pièges et des barricades nous manquerait presque. Il faut dire qu’à plusieurs reprises, on avait cette sensation d’être « plus libre » sur l’emplacement des traquenards que l’on devait poser, là où l’on se sentait parfois incité dans les précédents opus. Non pas que cette liberté soit dérangeante car cela sous-entend davantage de solutions à nos problèmes, mais disons par-là que l’on a cette sensation que les enchainements sont moins efficaces… Et surtout, que l’on perd un peu l’essence même de la série. Un écho à notre première question « Pourquoi changer une recette qui fonctionne ? ».
S’il y a bien quelques maps où l’on essaye de concentrer la venue des orcs dans un même couloir pour enchaîner les combos et les terrasser à grands coups de lasers et de broyeurs après les avoir ralentis au goudron et affaiblis au soufre, c’est parfois beaucoup moins naturel ou dévastateur. La faute à un level design moins inspiré sur certaines cartes ? Pas vraiment puisqu’il faut saluer des maps toujours aussi bien pensées. Certaines nous ont agréablement surpris, en étant bien agencées et remplies de subtilités. Quelques-unes proposent des variantes, avec une faille à protéger qui n’est pas toujours située au même endroit (et même une map où il faut en protéger deux en simultanée).
Disons qu’auparavant, on lançait et souvent, on perdait une première (ou plusieurs) fois avant de comprendre où il fallait placer les pièges. Puis après avoir assimilé les vagues d’ennemis et compris les différents couloirs, on se faisait une « petite route de la mort » où l’on s’amusait à créer les meilleurs combos possibles pour les pièges. Ici, ce n’est pas toujours le cas, avec des recoins moins faciles à appréhender (ce qui n’est pas aidé par le côté aléatoire de la composante roguelike injectée). L’action plus présente et les capacités de nos mages de guerre en sont un premier élément de réponse. Mais il faut aller creuser du côté d’une autre nouveauté pour comprendre pleinement pourquoi on perd en partie cette recette qui fonctionnait si bien. C’est là qu’entre en jeu la composante roguelike.
Le roguelike ne lui va pas si bien
Avec Orcs Must Die! Deathtrap, les développeurs de Robot Entertainment ont voulu apporter une petite innovation sans trop bousculer la formule de base. Ainsi, on retrouve une composante roguelike avec sa part d’aléatoire, avec sa chance et sa malchance. Sur le papier, c’était une très bonne idée : contrer l’aspect répétitif du genre tower defense en proposant des parties qui ne se ressemblent pas, tout en jouant sur l’addiction que peut procurer le roguelike.
Concrètement, dites adieu à la progression de niveau en niveau, où l’on découvrait petit à petit de nouvelles maps et où l’on passait à une nouvelle après avoir terminé la précédente. Ici, depuis le hub, on choisit de lancer un enchaînement de missions. Cela commence par trois missions (dont la dernière étant toujours combat de boss), puis quatre, puis cinq etc… si vous réussissez à terminer toutes les missions sans perdre vos points de faille, la difficulté étant croissante. Chaque mission correspond à une map avec six vagues d’ennemis. Et à chaque fois que l’on doit choisir une mission, trois propositions sont faites : trois maps pour trois débuffs aléatoires que l’on va garder pendant tout l’enchaînement. Cela peut aller de l’apparition d’un type d’ennemi à un prix doublé pour certains types de pièges en passant par l’impossibilité de récupérer des points de vie.
Heureusement, il y a les fils. Ce sont des bonus que l’on va pouvoir activer entre chacune des manches. Pareil, trois propositions, un fil à choisir, que l’on garde aussi bien pour les prochaines vagues que pour les missions qui suivent. Autrement dit, les fils s’accumulent et il faut faire de bons choix en anticipant ce qui va suivre. Avoir 20 000 pièces runiques pour poser des pièges à la prochaine manche, c’est bien, mais n’est-il pas plus judicieux de prendre ce bonus +15% de dégâts que l’on pourra user pour toutes les missions ? Peut-être prendre un coût divisé par deux pour poser des sentinelles ? Ou plutôt miser sur un emplacement supplémentaire pour les barricades ?
Eh oui, on en vient à l’un des choix controversés : les barricades sont certes gratuites, mais ont une limite. Pire, elles ont une limite commune lorsque l’on joue en coopération. On comprend l’idée puisque cela force à faire des concessions et à tenter des chemins. Mais certaines cartes sont définitivement trop grandes. On pense aux ruelles, impossible à couvrir avec la quantité de barricades au début. Certes, la limite peut augmenter, mais ce n’était pas ça l’idée d’un Orcs Must Die, ce qui aura de quoi bouleverser les habitués de la franchise. Et c’est bien ça, le sentiment qui se dégage du titre : il faudrait presque mettre de côté ce dont on a l’habitude dans la franchise. Notez tout de même qu’au moment de la publication du test, un patch a déjà été déployé, augmentant la limite de barricades disponibles suite aux premiers retours de la communauté.
Tout n’est pas à jeter pour autant parce qu’il en ressort tout de même quelques bons moments. Si la pose de pièges n’est plus aussi grisante, certaines situations procurent une immense satisfaction avec plusieurs manches bien serrées, à l’instar de cette carte où il y a deux failles à protéger. En coopération, c’est d’autant plus jubilatoire puisque l’on peut réellement créer de bonnes synergies. S’il faut tout de même communiquer un peu pour éviter de faire n’importe quoi avec les barricades, on passe d’excellents moments, surtout avec le retour de la coopération à quatre joueurs.
Les orcs n’ont qu’à bien se tenir
Mais puisqu’il fallait bien faire un ultime reproche, le grind est bien trop présent. Si débloquer de nouveaux pièges se fait assez rapidement (il suffit de ramasser une trentaine de crânes dorées), améliorer ses traquenards et ses personnages via les autres crânes est trop fastidieux. D’un côté, on peut améliorer chaque piège selon trois statistiques (coût, durée, dégât…) où le coût augmente à chaque dépense. D’un autre côté, on a un énorme arbre à compétences avec une branche commune à tous les mages (prix des pièges diminué, dégâts augmentés…) et une branche dédiée à chacun des héros. Comptez bien plusieurs dizaines d’heures pour grapiller quelques améliorations ici et là.
A contrario, s’il y a bien un aspect à saluer, c’est la partie technique. Orcs Must Die! Deathtrap est irréprochable à ce niveau. Sur la quarantaine d’heures jouées, c’est simple, nous n’avons rencontré qu’un seul bug mineur (et c’était rigolo, le boss s’étirait en longueur – voir la capture d’écran ci-dessous). Aucun ralentissement notable, malgré les centaines d’orcs affichés à l’écran qui se font déchiqueter par une tonne d’effets visuels. Evidemment, le titre n’est pas une référence en matières de graphismes mais le moteur tourne comme un charme. On regrette que l’évolution vis-à-vis du troisième volet soit minime, mais l’on peut tout de même saluer le travail effectué sur les ombres et la lumière.
Moins d’efforts ont été ressentis sur l’aspect sonore. Budget resserre oblige, on imagine que les développeurs ont pris l’option de facilité ici, où l’on retrouve une bonne partie des bruitages et autres éléments de sound-design. On perd également le doublage français que l’on avait pu avoir sur quelques épisodes. Ce qui n’est pas bien grave me direz-vous dans une aventure si peu scénarisée, mais les quelques répliques (« mais qui va ramasser les morceaux ? ») alimentaient l’humour si propre à la série.
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