Il y a de ces jeux qui marquent le parcours d’un joueur. Il y a des propositions de jeux qui marquent également, et créent un souvenir. Oxenfree était à l’époque de ceux-là pour les joueurs. Avec une proposition originale, forte. Presque 10 ans plus tard, Night School Studios, sous l’égide de Netflix, arrive avec une suite très attendue, Oxenfree II: The Lost Signal. Que donne cette suite attendue par les fans d’expériences narratives ?
Que l’on vous prévienne, ce test ne contiendra aucun spoiler concernant l’histoire de ce second épisode de Oxenfree, ni du premier jeu. Nous vous conseillons fortement de découvrir les deux titres de la meilleure façon possible, sans même lire quoi que ce soit concernant leur scénario. Si il n’est pas nécessaire de jouer forcément à Oxenfree, premier du nom, nous ne pouvons que vous le conseiller. Cinq années séparent les deux récits, mais pour information, le premier jeu a été mis à jour à plusieurs reprises, notamment au cours des derniers mois, pour ajouter justement des indices et chasses aux informations sous la forme d’ARG, pour donner davantage de contexte et de background à cette suite, Oxenfree II: The Lost Signal.
Conditions de test : nous avons joué à Oxenfree II sur PC via une copie envoyée par l’éditeur. Comptez entre 6 et 8 heures de jeu pour boucler l’aventure. Concernant la configuration, le jeu fonctionne autant sur un PC actuel doté d’une 1080 super, qu’une Microsoft surface GO. A noter que vous pouvez d’ores et déjà jouer au jeu gratuitement si vous possédez un abonnement à la plateforme de SVOD Netflix.
Sommaire
ToggleDe l’enquête au sensoriel
Dans Oxenfree II, vous incarnez Riley. Une scientifique, arrivant sur l’île de Edwards afin d’étudier des signaux étranges. Forcément tout ne va pas se passer comme prévu et, avec son collègue Jacob, ils vont faire face à des évènements paranormaux tout en essayant de sauver l’île, mais aussi leur santé mentale. Là où les choses changent, c’est que la menace est ici plus vraie que nature, avec une secte venant mettre le chaos.
Ce qui est intéressant dans l’écriture, c’est tout le miroir réalisé par rapport au premier jeu. Nos personnages principaux sont plus vieux que ceux du premier épisode, mais leurs crises existentielles sont les mêmes, et leur peur du futur accentuée. C’est comme si, au final, le jeu avait également évolué avec nous. La secte, elle, est principalement gérée par des adolescents. Le parallèle avec le premier épisode est ainsi assez intéressant car on peut y voir la conséquence de nos actions passées, même si 5 années séparent les histoires, comme si un fossé générationnel existait entre nos personnages et cette nouvelle génération.
Pour le coup, Oxenfree II: The Lost Signal fait partie de ces jeux pour lesquels moins on en sait, mieux on se porte. Tout comme le premier volet en réalité. Forcément, si vous avez joué au précédent, vous savez ce qu’il en retourne, mais sachez que vous allez voyager dans différentes époques et dimensions, et faire face à cette peur, comme le personnage, d’être perdu, d’avancer a tâtons, et vous poser constamment des questions sur ce qui est réel, ainsi que le sens de tout ceci.
Night School Studio, de ce côté, a déjà réussi un pari, celui de proposer des sensations assez uniques dans un jeu vidéo. Et plusieurs approches concernant sa réception. Car tout comme son prédécesseur, on peut autant recevoir le jeu de façon très terre à terre, en menant l’enquête, en essayant de scruter chaque détail, chaque indice laissé dans les dialogues, ou bien recevoir tout ceci de façon sensorielle.
C’est dans cette notion là que on pouvait déjà rapprocher le premier Oxenfree d’un Twin Peaks de David Lynch. Cet équilibre est totalement de retour dans Oxenfree II et il est très plaisant aussi de simplement se prendre le jeu de plein fouet, de se retrouver transporté et perdu tout comme notre personnage. Et forcément, quand la conclusion de l’histoire arrive, on se retrouve pendant un moment seul face à notre écran, à réfléchir à ce que l’on a vécu et le sens de tout ceci.
L’ensemble de ceci est de plus boosté par toute la patte graphique du jeu ainsi que la réalisation. On va avoir un rendu visuel proche du cinéma d’animation mais avec de très grands angles afin d’écraser les personnages sous le poids de l’île, véritable protagoniste du jeu. Au niveau de la réalisation, de nombreux moments de distorsion de temps et de dimensions vont également arriver, de façon très efficace.
Des choix toujours aussi impactant
Pour que tout ceci fonctionne aussi bien dans une telle œuvre, il faut réussir à proposer un équilibre entre un jeu qui va être centré sur une personnalisation de l’expérience du joueur via des choix, tout en restant dans une véritable maîtrise de la narration. Là où Night School Studios fait très fort dans ce Oxenfree II: The Lost Signal, c’est dans le camouflage desdits choix. Si certains aspects sont visibles, comme l’évolution de notre relation avec un personnage (visualisé via une petite bulle de dialogue avec le visage du personnage en question dedans), l’ensemble paraît très naturel.
Et on se retrouve à faire quelque chose de très rare dans ce genre vidéoludique qu’est le jeu narratif, en ne se questionnant quasiment pas sur quel type de personne on souhaite être. Là où souvent dans une production Telltale, par exemple, nous allons nous dire : je vais être un personnage méchant, qui va être dirigé par des choix tranchés d’une direction ou de l’autre, Oxenfree II reste tout le temps plongé dans cette zone grise. Et c’est justement dans cet entre-deux que l’équipe d’écriture peut justement totalement contrôler l’ensemble de la narration en laissant autant de liberté aux joueurs.
Cette différence fait que lorsque l’on incarne Riley, nous l’incarnons réellement, avec son passé et sa personnalité. Ainsi, en jouant avec cette zone grise, nous avons un personnage qui est très écrit, mais ouvert de façon assez équilibrée pour que nous nous en fassions notre propre image. Et tout ceci se joue autant dans le choix des dialogues, le choix des silences, le choix de l’inaction ou de l’action. Oxenfree 2 est un jeu qui joue également parfaitement avec le non choix, et sa signification.
Bien entendu certains choix vont paraître plus évidents. On va avoir, par exemple, des décisions entre deux choix de dialogues, qui sembleront mener vers une issue entre les deux personnages ayant échangé lors de nombreuses discussions. Mais est-ce que la personne en face de nous va réellement écouter ce dernier avertissement ou conseil de votre part ? Cela dépendra des échanges que vous aurez eu auparavant et de comment vous serez perçu. A la fin du jeu, vous aurez une scène, très bien mise en scène d’ailleurs, vous montrant justement quels choix « majeurs » ont été réalisés durant l’ensemble de l’aventure. Et forcément, c’est quelque chose d’assez classique, mais peut-être n’aurez-vous même pas remarqué que ces choses étaient des choix.
Le minimalisme du gameplay pour servir la narration
Oxenfree II est de plus un jeu qui se joue de manière très simple, afin justement de pouvoir concentrer toute l’attention du joueur sur son histoire. Il est ainsi possible de jouer de toutes les façons possibles : manette, clavier et même souris. Le gameplay se compose principalement de déplacements et de dialogues. Ce qui fait l’originalité de la proposition de Oxenfree, premier et second du nom, c’est de proposer une mécanique d’utilisation d’ondes pour écouter des radios, déclencher des failles.
Un talkie-walkie est également disponible pour discuter à distance avec d’autres personnages. Certains puzzles très légers sont également disponibles. Comme vous vous en doutez, ce n’est pas là que se concentre le gros de l’intérêt du jeu. Mais l’ensemble est très bien utilisé et rythmé afin de constamment préserver un intérêt pour le joueur et éviter la linéarité de l’aventure. Il y a peut être un seul moment où le rythme baisse un peu, et nous avons l’impression d’avoir une certaine répétitivité dans la mission principale, mais cela dure environ 20 minutes à peine.
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