Oxenfree est la première production du studio Night School Studio, studio fondé en 2014 par des anciens de Telltale Games, mais aussi de Disney. On peut ainsi déjà voir que le projet de jeu a déjà franchi les barrières du simple jeu et on peut voir une réelle volonté artistique, et ceci dès les premiers trailers sorti en 2014 et 2015. Chose également étonnante, le jeu est distribué non pas par un éditeur habituel, mais par Skybound, le label de Robert Kirkman (à qui l’on doit une bande dessinée appelée The Walking Dead).
Si les barrières entre les différents arts sont aussi poreuses ici, c’est car l’ambition est du même acabit : proposer un jeu narratif doté d’une patte graphique forte. Une partie de l’équipe de développement a par le passé déjà travaillé dans le milieu de la bande dessinée, et on peut voir une certaine influence des romans graphiques indépendants américains mais également différents films d’animation plus récents. Heather Gross, lead artist du jeu, s’est notamment inspiré de film comme Le chant de la Mer. On peut d’ailleurs le voir au premier coup d’œil de part l’aspect graphique des arbres par exemple. Je vous invite d’ailleurs à aller regarder les différentes vidéos sur la création du jeu, dont la playlist est disponible ici.
Des adolescents sur une plage
L’histoire raconte celle de Alex et de son groupe d’amis, se retrouvant sur une plage pour festoyer au rythme de jeux et de bières. Rapidement, le groupe se sépare, et Alex, en compagnie de ses potes Ren et Jonas, vont créer des résonances surnaturelles entre une grotte et une radio. Pour le coup, le reste des événements arrivant assez tôt dans le jeu, le spoil est plutôt de mise. On peut tout de même dire que l’histoire possède un équilibre assez délicat mais réussi de ce mélange entre les thèmes liés à l’adolescence, tout en ayant une touche surnaturelle placée au bon moment. Vous pourrez de plus découvrir lors du jeu différents objets comme des lettres, qui vous permettront d’en apprendre davantage sur l’île et son histoire qui est un véritable personnage du jeu.
Si on aurait pu catégoriser le jeu d’une expérience narrative lambda, plusieurs aspects vont littéralement changer la vision du joueur envers le jeu. Tout d’abord, il est impressionnant de constater que l’ensemble du jeu est jouable. Vous ne trouverez donc aucune cinématique, ce qui est plutôt rare pour un jeu dit narratif. Étant inspiré par les productions de Telltale, le jeu vous propose donc d’effectuer des choix de dialogues. La grosse différence est alors que là où les productions de Telltale propose assez souvent des cinématiques avant de proposer les dialogues, Oxenfree est la première production « Walking Talking ». Avec pas moins de 12 000 lignes de script, vous serez amenés très souvent à discuter avec les différents personnages.
Vous devrez également lors de votre périple, utiliser une petite radio portable. En utilisant le stick droit, vous allez alors pouvoir choisir les différentes fréquences, et ainsi capter des ondes particulières, mais encore une radio explicative des environnements aux alentours et les lieux clés de l’île, permettant vraiment de donner un réalisme aux différents lieux. On a tout simplement l’impression que cette île existe, et que l’on pourrait aller la visiter avec notre petite radio comme guide.
Oxenfree libère un sentiment d’authenticité assez rare dans le jeu vidéo.
Chaque choix a réellement son importance et semble au final très naturel. Il est impressionnant de voir que vos relations avec les différents protagonistes sont si réalistes et si personnelles. Ayant effectué pas moins de 3 parties du jeu (une partie dure environ 4 heures), nous n’avons jamais eu les mêmes lignes de dialogues. Et c’est bien là la grande différence avec une production de Telltale. En condensant son propos dans une aventure unique, et en axant tout le concept de choix dans la routine même du joueur, le jeu gagne réellement en intensité et propose une véritable authenticité dans le sentiment que dégage ce jeu.
Cette authenticité, on la retrouve dans chaque aspect du jeu. Vous devrez par exemple lors de votre aventure, utiliser de maintes et maintes fois une radio portable. Chaque son émis est en réalité des sons enregistrés d’un véritable poste radio acheté et testé pour l’occasion par le compositeur. Ce genre du soucis du détail permet à un jeu de posséder une aura assez particulière. Car même si on ne savait pas cette anecdote, ce genre de détail comme une sonorité, une phrase de dialogue faisant une référence à un film, tout cet ensemble permet de donner de la dimension au jeu, de donner vie aux personnages, de leur donner de la profondeur, de les rendre crédibles et réalistes. Et même si les événements que vivent les personnages restent par moment de l’ordre du surnaturel, les explications données permettent tout de même de croire aux événements.
La fin du jeu vous mettra d’ailleurs dans tous vos états, en vous questionnant directement sur votre statut en tant que joueur dans cette aventure, que ce soit face à des choix qui vous seront difficiles à faire mais qui seront les véritables conséquences de vos actions passées. Rarement un jeu vidéo à été capable de créer autant d’émotions et de proposer une expérience si personnelle tout en paraissant naturelle.
La sublimation du jeu par l’artistique
Mais on pourrait dire que cet Oxenfree serait bien plat sans la contribution artistique derrière le projet et tout d’abord visuellement. Comme dit précédemment, la Lead Artist s’est notamment inspirée du travail sur certains films d’animation, mais également de différents artistes. Chaque personnage possède véritablement son trait personnel, et si l’aspect 2,5D aurait pu nous empêcher de profiter pleinement du travail de conception et animation des personnages, il n’en est rien. Chaque décor est de plus de véritables tableaux, qui nous transportent dans cette ambiance si particulière que le jeu dégage.
Si l’on continue dans l’aspect visuel, on ne peut faire l’impasse sur la mise en scène du titre. Utilisant de nombreuses astuces, petits chamboulements, mais en vous laissant toujours le contrôle, le jeu vous laisse libre pour mieux vous surprendre. C’est par l’utilisation du langage vidéoludique et non cinématique que le jeu trouve ainsi cette liberté. Vous serez véritablement mis à l’épreuve physiquement dans ce jeu, et permet de réellement se questionner sur ton statut en tant que personnage dans ce jeu qui vous manipule en réalité.
Le dernier aspect artistique majeur du jeu est bel et bien toute la dimension sonore et musicale du titre. Si le doublage est tout d’abord d’une qualité assez rare pour une telle production, représentant à merveille les différents états des personnages. Ce doublage est mis en valeur par tout un enrobage sonore cohérent et ambiant, permettant de rentrer véritablement dans cette ambiance si particulière. Je parlais d’authenticité précédemment, et la musique du jeu transpose véritablement tout cet aspect, avec des sonorités exotiques, étranges, qui te transportent littéralement dans cette île aussi fascinante qu’étrange. Le Sound Design transpire également cette patte, où chaque effet sonore a été réellement enregistré uniquement pour le jeu, et on ne retrouve pas les différentes réutilisations d’effets dit « stocks ».
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