Oyé Oyé, Obsidian Entertainement revient après 2 ans d’accalmie suite à la sortie de Grounded. Auparavant au travail sur The Outer Worlds, leur dernier RPG en date, le studio s’est depuis attelé à la création d’une production bien particulière et résolument old-school du nom de Pentiment. Dirigé par Josh Sawyer, directeur et lead designer sur Fallout New Vegas ou encore Pillars of Eternity, le nouveau titre d’Obsidian n’a pas manqué de faire sensation lors de ses diverses présentations, orné d’une patte artistique unique dessinée à la main et puisant son inspiration dans les fresques médiévales d’époque. Annoncé comme un jeu d’enquête point and click 2D avec une petite touche de RPG, et la liberté d’action comme cœur de son game design, Pentiment se paye le luxe de non seulement tenir toutes ses promesses, mais de proposer bien plus encore.
Conditions du test : Nous avons terminé Pentiment sur PC. Dans un souci de préserver nos lecteurs, nous resterons très flous sur les tenants et les aboutissants de l’histoire, ses personnages clés et ses événements marquants. Test garanti sans spoil.
Sommaire
ToggleLe Moyen Age in a nutshell
L’histoire de Pentiment se déroule en 1518, période transitoire tumultueuse entre fin du Moyen Age et Renaissance, chargée de dissensions entre vieille école et nouvelles idées considérées comme blasphématoires. Vous y incarnez Andreas Maler, jeune artiste illustrateur fraichement débarqué en Haute Bavière bien résolu à terminer son dernier chef-d’œuvre dans le scriptorium de l’abbaye de Kiersau, accompagné d’autres collègues dessinateurs travaillant sur leurs propres œuvres. Son quotidien d’artiste talentueux et fauché sera bien vite ébranlé par un assassinat perpétué en plein cœur du monastère. Un mystère que le jeune homme se devra de résoudre, au travers d’une fascinante enquête mêlant jeux de pouvoir au sein du clergé, méthodes occultes, et tensions entre les habitants du village.
Une investigation complètement ouverte dans un environnement qui l’est tout autant. Des bas-fonds du village, en passant par le centre-ville et l’immense abbaye le surplombant, ou encore la foret bordant le bourg, vous êtes ici totalement libre de mener vos recherches comme bon vous semble et où vous le souhaitez, en prenant bien soin de tailler le bout de gras avec un imposant casting de personnages, tous remarquablement écrits et mémorables à leur manière. Ne disposant d’aucun doublage, Pentiment ruse en adaptant les polices d’écriture ainsi que les bruitages des bulles de dialogue selon la classe sociale du personnage rencontré. Une astuce pertinente qui a le mérite de donner un ton unique à chacun, sans qu’aucun mot ne soit prononcé. Un petit coup de maître de game design.
Ne passons pas par quatre chemins, Pentiment est un bijou de sound design et d’esthétique. Les bulles de dialogues sont rythmées par le doux bruit du grattage à la plume, de griffonnage pressé lorsque le personnage est mal à l’aise, ou encore de fautes de syntaxe corrigées à la volée par un gribouillage témoignant de l’éducation toute relative de l’interlocuteur. Un véritable bain de plaisir pour nos yeux et nos oreilles, le tout chaleureusement bercé par une ambiance médiévale envoutante. On a rarement vu un soin du détail sonore aussi pointu dans un point and click 2D. Les visuels ne sont pas en reste, dans l’interface comme en jeu, rarement pris en défaut et maitrisés jusqu’au bout via ses tableaux dessinés à la main, le tout animé avec un minimalisme d’une rare élégance. Un travail de minutie qui force l’admiration.
Une liberté et des choix qui impactent radicalement l’histoire
Obsidian dispose d’un sacré palmarès dans le domaine du RPG à embranchements. L’exemple le plus célèbre étant Fallout New Vegas, qui avait comblé son monde par les multiples cheminements encastrés dans ses quêtes. Authentique retour aux sources s’il en est, Pentiment est un véritable festival de choix et de décisions cornéliennes à prendre toutes les 30 secondes. Et on ne parle pas uniquement de ses nombreuses options de dialogues qui ne manqueront pas de faire poper un « ça ne sera pas oublié » comme la saga Walking Dead de Telltale sait si bien le faire. A la différence qu’ici aucun mot, aucun choix n’est laissé au hasard et vous retombera sur le coin du visage quelque minutes voire même plusieurs heures plus tard de façon presque émergeante tant les possibilités sont nombreuses, allant de la simple altercation à la disparition pure et simple de certains personnages. L’histoire elle, continuera son bonhomme de chemin de manière dynamique selon vos trouvailles, qui vous en veut, qui vous apprécie, ou plus pragmatiquement qui respire encore.
En tout début de partie, vous aurez le choix entre plusieurs options qui définiront le passé d’Andreas, ainsi que ses qualités primordiales. Vos voyages vous ont-ils mené en Flandres ? En Italie ? Dans le canton suisse de Bale ? Andreas est-il un vaurien ? Un homme d’affaire ou bien un rat de bibliothèque ? Quelles matières avez-vous étudié à l’université ? Une profusion d’options qui impacteront directement le cheminement de l’enquête, et votre manière de procéder. La façon dont Pentiment tisse la toile de sa tentaculaire narration est d’autant plus stupéfiante qu’elle vous laisse entièrement maître de vos mouvements et de vos décisions. Vous pouvez très bien finir l’aventure en snobant totalement certains habitants qui, si vous aviez établi des liens avec eux, auraient joué un rôle majeur auprès d’Andreas par la suite ou auraient influé sur le destin d’autres personnages périphériques. Là où le titre est malin, c’est qu’il n’est pas possible de sympathiser avec tout le monde.
Le jeu dispose d’une horloge étalant les différents moments de votre journée. Matin, dîner, après-midi, souper, et nuit. Certaines actions ou événements clés permettant de se rapprocher des personnages prennent du temps et vous feront directement passer au palier horaire suivant. Tous les midis et soupers, vous devrez choisir avec qui casser la croute, ce qui provoquera non seulement des dialogues et des événements/mini jeux uniques, mais aussi de fortes conséquences découlant des divers embranchements de la conversation et des personnes avec qui vous l’avez menée. Un véritable imbroglio de possibilités qui vous fera plus d’une fois prendre le temps d’une importante réflexion quant à votre prochaine action, puisque les personnages de l’univers de Pentiment sont extrêmement nombreux. En bref, coté liberté et choix, Pentiment n’a pas démérité sa communication et s’impose instantanément comme un maître étalon du genre.
Obsidian rappelle qui est le patron en termes d’écriture
Pentiment se démarque également par la formidable qualité de son écriture. Depuis ses dialogues, en passant par son inattendu sens de la mise en scène, ou plus simplement dans l’histoire passionnante qu’il nous conte, le titre déploie ses protagonistes avec une grande habileté, tout en gardant le soin minutieux de nous les faire découvrir petit à petit. Leurs qualités, leurs défauts, leurs secrets les plus sombres, c’est un peu comme si les habitants de l’abbaye et de ses environs avaient tous 2 ou 3 squelettes cachés dans leurs placards. Comme explicité au-dessus, vous ne pourrez évidemment pas tous les découvrir en une seule partie. L’emploi du temps d’Andreas (et le notre par conséquent) est bien trop chargé pour connaitre tous les résidents comme sa poche, et le nombre de jours restant avant d’assumer les conséquences de nos choix est limité.
Souvent d’une justesse irréprochable, parfois touchants, parfois drôles, les dialogues sont un exemple d’intelligence et de finesse d’écriture. De ce point de vue Pentiment tape en permanence dans le mille, tout cela en ayant le culot de vous faire inexorablement passer à coté de beaucoup d’interactions en fonction de vos choix de départs, ou des personnes que vous fréquenterez dans son univers. Une générosité gargantuesque qui convie inévitablement l’énorme rejouabilité du titre à la table. Si vous comptiez faire le tour du jeu en une partie, vous serez de toute évidence déçus (ou aux anges, c’est selon), puisque les nombreux dénouements auxquels vous serez confrontés en cours d’aventure disposent de bien trop de variables et de paramètres qui changeront complètement d’une partie à l’autre.
Le titre puise de toute évidence son inspiration dans des œuvres cultes comme Le nom de la rose, assassinat et enquête morbide en terre sacrée comme toile de fond (même si le jeu prend place 200 ans après les événements du livre/film). Pentiment fait également office de fenêtre sur une ère plutôt méconnue et fascinante dans ses moindres détails. De grande personnalités et événements de l’époque y sont fréquemment mentionnés. Si vous manquez de références sur la période, pas de panique, le titre vous laissera cliquer sur certains grands noms afin d’en avoir une description plus détaillée, et vous permettra de replacer les choses dans leur contexte. Non content de proposer un jeu à l’intérêt ludique exceptionnel, Obsidian se permet même de vous donner un petit cours d’Histoire. Quelle meilleure manière d’apprendre, on se le demande.
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