Persona 3 Reload arrive pour offrir au classique d’Atlus sa quatrième version. Persona 3 marque la prise de pouvoir du trio Katsura Hashino (Directeur) – Shoji Meguro (Compositeur) – Shigenori Soejima (Directeur artistique). Ensemble, ils mènent la série dans une nouvelle direction dont on sent le potentiel dans cet épisode mais qui s’affirme vraiment à partir de la suite, ce qui donne à Persona 3, un petit côté ébauche de choses à venir.
Le jeu d’origine sort en 2006 au Japon sur PlayStation 2, avec dès 2007 une version améliorée FES qui apporte un épilogue d’une trentaine d’heures. Et en 2009, la PSP accueille Persona 3 Portable qui réduit un peu le tout pour le faire tenir sur un UMD mais propose l’option de jouer une protagoniste féminine, une addition non-négligeable qui a un impact sur les dialogues et change près de la moitié des liens sociaux.
Seulement voilà, entre les versions bien distinctes et la grande évolution apportée par les suites, Persona 3 est devenu un classique du JRPG sur lequel on ne sait pas vraiment comment se lancer et qui a surtout pris un très gros coup de vieux, comme on l’avait déjà constaté l’an dernier avec le remaster de P3P. C’est pour cela qu’Atlus s’est fixé comme mission de faire un remake capable de plaire au public de Persona 5 et on va donc voir si l’objectif est réussi.
Conditions de test : Nous avons joué environ 75 heures sur la version PlayStation 5 pour arriver au bout de l’aventure et faire la majorité du contenu annexe.
Sommaire
TogglePersona 3 Reload pas tout
Autant ne pas éviter le sujet, avec ce remake, Atlus a fait le choix de la simplicité. Persona 3 Reload se concentre sur le contenu de la première version. Donc pas d’épilogue de FES, ni de protagoniste féminine. Mais cela ne veut pas dire non plus que tout a été jeté à la poubelle puisque l’on retrouve le lien social d’Aigis et la liste des quêtes annexes ressemble plus à celle de P3P qu’à celle du jeu de base.
On retrouve les déplacements dans la ville ou au lycée au lieu d’un simple menu (pour le peu d’espace que cela représente) mais le constat est clair, cette nouvelle version a moins de contenu que les précédentes, surtout quand le volume de contenu inédit est loin de compenser. Les quelques nouvelles scènes sont sympathiques mais ne justifient pas de lancer ce remake si vous avez déjà joué à Persona 3 ces dernières années.
La fidélité d’un remake n’est pas un péché, cependant il est difficile de se défaire de l’impression de refaire exactement le même jeu avec un nouveau moteur. Une précision qu’il nous semble important de signaler quand le testeur de cette version est aussi celui du portage de l’an passé ce qui va donc forcément teinter d’une façon ou d’une autre cet article. Vous êtes donc prévenus.
Lugubre ce Tatsumi Port Island
Et si vous ne connaissez pas le jeu de base, des présentations s’imposent avant d’entrer dans le vif du sujet de Persona 3 Reload, même si vous avez joué aux suites. Certes, on a bien un JRPG au tour par tour qui demande de gérer le quotidien d’un lycéen entre ses cours, ses relations et le fait de devoir sauver le monde. Mais ne vous laissez pas piéger par la présence d’un enfant de 10 ans et d’un chien puisque l’ambiance est beaucoup plus mature.
Le thème principal du jeu est la mort et son côté inéluctable. On incarne un orphelin qui revient dix ans plus tard dans la ville où a eu lieu l’accident de ses parents. Et ici, chaque soir, on bascule dans l’Heure Sombre. Le temps se fige, les gens sont dans des cercueils protecteurs, du sang apparaît au sol et le lycée local se transforme en tour géante du nom de Tartare, d’où sortent les Ombres, des monstres qui attaquent les personnes sans cercueil.
Les victimes deviennent alors des Égarés, une sorte de zombie passif qui se contente de marmonner à propos de la fin du monde. Heureusement, notre héros rencontre d’autres personnes qui forment l’équipe S.E.E.S. et ensemble, ils sont capables de combattre les Ombres grâce à leurs Personae qu’ils invoquent via un Evoker, un pistolet qu’ils se pointent sur la tête avant de tirer…
Le chien ne parle même pas !
Ce n’est pas pour rien que Persona 3 Reload démarre par un avertissement à propos des sujets abordés comme le suicide, le harcèlement scolaire, auxquels on pourrait ajouter l’automutilation. Si le jeu n’est jamais trop graphique, l’atmosphère peut souvent être pesante ou dépressive. Le décalage n’est pas si extrême par rapport aux suites mais on est quand même dans un ton moins optimiste et plus mature que les épisodes 4 et 5.
L’aspect “pouvoir de l’amitié” est déjà plus limité à cause de l’entente du groupe. Ici, ça se dispute, ça se méfie des uns et des autres, ça remet en cause les décisions, les motivations et les méthodes. On a aussi souvent des passés plus tragiques. Encore une fois, pas de quoi rebuter si vous avez apprécié les sorties plus récentes mais au contraire, cela peut séduire davantage les personnes qui trouvaient l’expérience un peu trop juvénile jusqu’ici.
Il n’est pas rare de voir cet opus cité par certains comme leur préféré grâce à son aventure mature, prenante et pleine d’émotions, qui se fait entre 60 et 80 heures selon votre rythme. Un ton qui se retrouve également dans les liens sociaux, les personnes avec qui l’on peut nouer des relations et qui semblent régulièrement beaucoup moins sympathiques. Ils restent intéressants et bien écrits mais on a moins envie de passer du temps avec eux.
Le pouvoir… des connaissances du boulot
Les liens sociaux sont d’ailleurs un point très important pour Persona 3 Reload. En effet, si la série est réputée pour l’interconnectivité entre le quotidien et les combats, c’est un aspect qui se développe surtout à partir de Persona 4. Dans le 3, le seul effet concret d’un lien social, c’est le boost d’xp apporté lors d’une fusion. Et donc chaque membre de l’équipe n’a pas forcément son lien social, les personnages masculins en particulier.
Pour ce remake, Atlus a décidé de ne pas toucher à cela. Donc non, les coéquipiers ne s’entraident pas lors des affrontements pour faire des miracles lors des situations critiques et non, Junpei, Akihiko, Shinjiro, Ken et Koromaru n’ont pas de liens sociaux alors qu’ils y avaient droit dans Persona 3 Portable avec la protagoniste féminine. C’est d’autant plus dommage que les développeurs savent clairement que c’est un problème.
Un des attraits de la saga est le développement des personnages principaux donc Atlus tente de limiter la casse. Pour cela, chaque allié masculin, mais aussi les antagonistes, ont droit à quelques scènes en tête à tête avec le héros afin d’un peu mieux les connaître. Un effort louable mais loin d’être suffisant quand on compare aux autres personnages du jeu. Tout est d’ailleurs plus lié à l’intrigue et donc ce contenu disparaît s’il n’est pas fait à temps.
De la tomate au coup critique
Et pour pallier à l’absence de travail d’équipe apporté par les liens sociaux, Persona 3 Reload a aussi une solution de secours. Le dortoir où vivent les membres du S.E.E.S. se garnit de plusieurs activités à faire avec un partenaire comme la cuisine, le jardinage, la lecture ou la télévision. Faire trois fois une activité avec quelqu’un permet de débloquer (ou d’améliorer) sa compétence passive.
Soyons honnêtes, certains personnages s’en sortent mieux que d’autres avec leur passif. Par exemple, les boosts temporaires sont plus efficaces sur Akihiko, Koromaru baisse la précision et l’esquive des ennemis lors des trois premiers tours et à côté de ça, Yukari voit le coût de ses sorts de soin diminuer de 75%. Oui, ça la rend plutôt indispensable et l’équilibre des personnages n’est pas vraiment respecté.
Il faut dire que si Persona 3 Reload veut s’approcher de Persona 5, il n’adopte pas à 100% ses systèmes. On garde donc les trois types d’attaques physiques et il n’y a pas les sorts nucléaires ou psy, mais on récupère les sorts de lumière et d’ombre qui font des dégâts au lieu de juste avoir une probabilité de tuer. Koromaru et Ken deviennent donc des vrais double-types qui ont donc un avantage certain sur Junpei et Akihiko.
Salon de Théurgie
Un sentiment d’inégalité qui se renforce avec le système de théurgies. Persona 3 Reload s’est inspiré des attaques Showtime de Persona 5 Royal mais ici, comme l’esprit d’équipe est moins présent, ce sont des compétences en duo mais seulement entre un personnage et son invocation. Ou entre deux des Personae du protagoniste mais là, il faut bien avouer que le jeu n’est pas assez clair sur comment obtenir plus de ces théurgies.
Chacun a une jauge de théurgie qui se remplit d’une façon unique. Par exemple, Junpei doit faire des coups critiques, Akihiko doit avoir des boosts et Yukari doit soigner. Et oui clairement, comme pour les passifs, tout le monde n’est pas traité de la même façon. La plupart du temps, une théurgie est une attaque qui ignore les résistances des adversaires, mais on débloque aussi par la suite des théurgies de soutien. Le mode Orgia d’Aigis devient d’ailleurs ici une théurgie.
Dans sa grande réorganisation, le remake se permet donc plus souvent des ennemis sans faiblesse, résistants à tout, voire invulnérables vu que les théurgies font de gros dégâts quoiqu’il arrive. Et donc les combats contre les ennemis plus coriaces tournent souvent à de la simple attente en chargeant les super attaques qui sont le seul moyen de faire descendre la barre de vie.
Du Changement dans les combats
En ce qui concerne le gameplay des combats au tour par tour, Persona 3 Reload fait un melting pot en piochant à la fois dans le jeu d’origine, Portable et dans le 5. Plus rentrer dans les détails transformerait ce test en patchnote où il faudrait préciser ce qui vient de FES, de la PSP, du 4,… La base reste, à savoir la recherche des faiblesses des ennemis pour les exploiter et gagner des tours supplémentaires jusqu’à l’assaut général.
Tout comme les particularités du 3 déjà évoquées telles que les différents types de dégâts physiques. De Portable, on retrouve le fait de pouvoir contrôler son équipe au lieu de regarder l’IA fait n’importe quoi, ou la possibilité de se mettre en garde, mais pas les attaques en duo qui remplacent parfois le One More. L’autre disparition, c’est le système de fatigue présent dans toutes les autres versions mais que personne ne viendra pleurer.
Les ajouts venus de Persona 5 sont la gestion des Personae reprise telle quelle, et la mécanique du Baton Pass qui devient le Changement. On peut toujours passer son tour supplémentaire à un allié en cas de One More mais le bénéficiaire du changement ne frappe pas plus fort ou ne récupère pas de mana. Sauf si la personne qui a activé le One More a une compétence qui a cet effet sur sa Persona ou son équipement, ce qui est très rare.
Du Tartare jusqu’à en être dégoûté
Persona 3 Reload garde le même principe que le jeu de base, à savoir que la quasi-intégralité des combats se passe dans la tour Tartare. Des boss viennent régulièrement en ville mais c’est en général la formule scène de dialogue – boss – scène de dialogue sans gameplay autour, à part deux ou trois salles vides si on a de la chance. Si vous êtes familiers avec Persona 5, c’est l’équivalent d’un jeu avec le Mementos mais pas de Palais.
Car oui, il faut enchaîner les étages qui sont générés procéduralement et donc avec une exploration jamais très inspirée. Et c’est surtout très répétitif, quelques étages génériques, un miniboss, on refait ça encore trois fois et ça donne le quota de combats pour le mois. Sans compter sur les autres visites dans les mêmes étages à la même période pour les missions secondaires, sauf si vous attendez le dernier moment pour tout faire d’un coup.
Surtout que PlayStation 2 (ou peut-être budget) oblige, une nouvelle section ne s’ouvre que tous les deux mois et les salles à disposition du générateur sont aussi très limitées. Le remake essaie bien de plus marquer les différents styles des sections et des pièces mais ne tente pas d’en proposer plus qu’à l’époque ce qui aurait quand même été la moindre des choses pour rendre l’expérience moins désagréable.
Nouvelle formule avec plus de vases
On se retrouve dans une situation similaire aux liens sociaux et la coopération de l’équipe avec les développeurs qui savent très clairement que le Tartare est un problème, mais ne veulent pas le corriger pour autant, et font donc des ajouts minimes pour ne pas laisser ça tel quel. Persona 3 Reload ajoute donc des jarres à briser, différents types de coffres, des salles Monades avec des ennemis plus puissants et la possibilité de courir plus vite.
On peut avoir quelques surprises comme un étage plongé dans le noir, un chat à sauver, une main géante. Seulement chaque surprise qui pourrait potentiellement apporter un peu de saveur à l’exploration est annoncée directement par vos alliés en arrivant dans l’étage pour gâcher la découverte. Et la recherche de fragments de crépuscules, utilisés pour se soigner, ouvrir certains coffres ou rattraper le retard de niveaux de certains membres de l’équipe, n’est simplement pas suffisante.
Finalement, la nouveauté la plus sympathique est le système d’Arcanes majeurs. Quand on tire une carte en fin de combat, en plus des bonus habituels et des Personae, on peut y trouver des cartes de tarot qui viennent apporter un boost de statistiques limité à cette visite. Certains sont totalement inutiles, d’autres tiennent de l’abus et l’attrait vient du nombre limité de cartes que l’on peut récupérer, qui pousse à faire attention à ses choix.
A la portée d’un enfant de dix ans, ou d’un chien
Dans notre preview de Persona 3 Reload, notre bon Quentin se posait des questions à propos de la difficulté du jeu. Et il est impossible de prétendre que l’on se sent souvent en danger, surtout avec Super Yukari qui rend tout le monde invulnérable. Et si on dit que l’on se sent rarement en danger, c’est surtout parce que le Game Over est toujours aléatoire suite à un manque de chance lors d’un sort de mort instantanée groupé, ou d’altération d’état.
Mais en dehors de cela, entre les théurgies, les passifs, la navigatrice Fuuka qui gagne des compétences hors-combat pour simplifier la vie et la générosité du jeu en termes d’xp et d’objets, on ne peut pas dire que tout n’est pas mis en place pour nous aider au maximum. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’en arrivant dans un étage inédit, les ombres fuient déjà devant vous, même en faisant tout pour ne pas farmer.
Et c’est un problème qui est probablement réservé au mode normal et qui s’amoindrit si on augmente la difficulté mais l’IA est particulièrement stupide. De manière quasi systématique, les ennemis ne vont pas décider de lancer leur sort sur le membre du groupe qui y est faible, mais sur celui qui y résiste. Donc on vous recommande vivement de monter la difficulté pour ne pas vous ennuyer si c’est un point important à vos yeux.
Je demande l’appel à un ami
Mais le confort et la facilité sont loin de n’avoir que des mauvais côtés. L’arme secrète de Persona 3 Reload, c’est le travail de simplification de ses menus ou de son interface, souvent hérité de Persona 5. Par exemple, on retrouve le menu du téléphone qui nous indique les personnes et endroits à visiter actuellement et nous permet de nous y téléporter directement.
Les moyens d’augmenter les statistiques sociales sont aussi plus nombreux tout comme les liens sociaux simplifiés puisqu’il n’y a plus de risque qu’ils se brisent. En cas de doute sur son activité, la fonctionnalité en ligne revient pour permettre de voir ce que font les autres joueurs, ou ce qu’ils ont répondu aux questions en cours. On a aussi un retour en arrière qui permet d’annuler jusqu’à cinq jours pour faire d’autres choix.
Mais on salue surtout la gestion des missions annexes qui peuvent être réussies avant même leur apparition. Tout est plus fluide, plus permissif ce qui n’est pas un mal. Les armes à trouver aléatoirement sont désormais dans des endroits fixes, les objets à demander à un PNJ peuvent être récupérés n’importe quand dans le mois au lieu d’une date précise. Et surtout, on peut accepter autant de quêtes que l’on veut au lieu d’être limité à trois à la fois.
Ça change du 480*272 étiré en 4K
Forcément quand on parle de l’influence de Persona 5 sur les menus, cela concerne aussi leurs designs. Et l’équipe a parfaitement trouvé comment reprendre ce qui a été fait sur le dernier épisode tout en l’adaptant à la charte graphique de celui-là, pour que rien ne paraisse déplacé en intégrant l’esthétique du style rétro des années 2000, dans lesquelles se passent Persona 3 (et oui, “écrire style rétro des années 2000” fait mal physiquement).
Le moteur graphique y est évidemment pour beaucoup pour magnifier le jeu. Signalons au passage que si Persona 3 Reload semble bien être Persona 3 avec le moteur du 5, ce n’est pourtant pas le cas puisque les Voleurs Fantômes utilisaient un moteur maison tandis qu’il s’agit de l’Unreal Engine 4 ici. Et autant dire qu’il est loin d’être mis à l’épreuve vu la simplicité visuelle du jeu, héritée de la PS2.
Mais là où le remake brille le plus, c’est dans les détails généreux. Comme dans son redesign très efficace des uniformes de combat de chacun, dans les petites séquences animées, dans les écrans de fin de combat avec ou sans assaut général, dans les animations des théurgies et dans celle d’invocation d’une Persona qui s’apprête à frapper une faiblesse. On ne s’en lasse jamais malgré le côté aussi répétitif du jeu.
Mass Destruction de classiques ?
Un autre bon point de Persona 3 Reload, c’est que l’intégralité des dialogues a été réenregistrée pour l’occasion. Voire même plus puisqu’en plus de ce qui était déjà doublé à l’époque, on a évidemment droit à des doublages sur le contenu inédit mais aussi des anciennes scènes silencieuses jusque là. Il faut quand même noter que si le casting japonais est de retour, le casting américain a lui été entièrement remplacé. Et les sous-titres sont bien en français si vous vous posiez la question.
En parlant d’audio et de remplacement, il faut évidemment terminer avec la bande-son, elle aussi entièrement refaite. Le compositeur Shoji Meguro laisse la place à sa doublure habituelle Atsushi Kitajoh et la chanteuse Yuki Kawamura est remplacée par Azumi Takahashi. Le but étant de fournir des versions plus douces des thèmes connus pour aller avec l’ambiance mélancolique du jeu.
Évidemment, c’est surtout un problème quand on compare avec les anciennes musiques mais on remarque que les nouveaux enregistrements manquent quand même d’énergie et que le contraste apportait peut-être du sel à l’ensemble. Malgré cela, les morceaux inédits s’en sortent parfaitement, déjà car ils ne souffrent pas de la concurrence du passé mais aussi par leur qualité générale.
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