Persona 5 Tactica nous permet une nouvelle fois de retrouver les Voleurs Fantômes dans un autre contexte. Après la danse dans Dancing in Starlight, le dungeon crawler dans Q2 et le musou dans Strikers, Joker et ses amis s’essaient cette fois-ci au Tactical-RPG mais au lieu de jouer la facilité, Atlus a décidé de chercher une formule pour convaincre les personnes habituellement plus réfractaires à ce genre ou qui ne le connaissent tout simplement pas.
Un pari audacieux qui a donc de quoi rendre curieux vu que l’on peut vite se retrouver à déplaire à la fois à cette cible et à ceux qui auraient pu être intéressés par un TRPG. Même si un autre spin-off n’est jamais très loin (on compte sur toi le jeu de combat), il s’agit des dernières aventures de l’équipe avant un repos bien mérité, le temps que Atlus nous propose Persona 3 Reload et Metaphor: ReFantasio. Voyons donc quel en est le résultat.
Conditions de test : Nous avons joué un peu plus de 25 heures sur la version PlayStation 5 pour boucler l’aventure et faire une partie du contenu annexe.
Sommaire
TogglePrécédemment, euh, pendant ce temps dans Persona 5
Désolé si vous espériez un bond dans le futur puisque Persona 5 Tactica se déroule pendant Persona 5. Plus précisément, on retrouve nos héros pendant les vacances d’hiver, quelques semaines avant la fin de l’année scolaire qui verra la séparation du groupe. Ils passent un après-midi paisible devant la télévision du Café Leblanc qui nous apprend au passage la disparition d’un député.
C’est à ce moment précis que le temps s’arrête et que l’endroit semble avoir été téléporté dans un autre monde. Quand ils sortent pour explorer, ils se rendent compte qu’ils sont dans leurs tenues de combat et l’endroit ressemble suspicieusement à un Palais du Métavers. Sauf que les choses ne sont pas aussi simples que ça, leurs pouvoirs ne fonctionnent plus de la même façon et leur rencontre avec Marie et ses Légionnaires se solde par un cuisant échec.
Heureusement, une certaine Erina apparaît pour sauver la situation au dernier moment et propose une alliance avec son Armée Rebelle. Joker et son équipe l’aident à sauver le peuple de ce Royaume en renversant la tyrannique Marie et en échange, elle les aidera à trouver un moyen de rentrer chez eux. Forcément, les choses ne se dérouleront pas comme prévu et il y aura plus d’un monde à libérer d’un despote.
Plutôt l’abstention que Toshiro
En lisant la partie précédente, vous ne pensez probablement pas que le protagoniste du jeu n’est ni Joker, ni Erina, mais bien le député disparu. Toshiro Kasukabe était effectivement prisonnier dans les geôles de Marie et absolument toute l’histoire va tourner autour de lui. Il est pressenti pour devenir le prochain Premier Ministre après ce qu’il s’est passé dans le jeu d’origine, et il va falloir en faire quelqu’un de courageux et d’intègre.
Car oui quand on le retrouve, c’est un énorme lâche qui préfère la torture et l’opression à l’idée même de risquer sa vie pour la liberté et il est assez prompt à détourner le regard devant la corruption. Nos héros et Erina n’ont pas d’arc et sont donc simplement là pour faire des discours de motivation à Toshiro qui veut toujours se rendre ou fuir. Ce qui peut honnêtement vite taper sur le système surtout vu sa place centrale.
Persona 5 Tactica tente tout de même de le faire évoluer et de le rendre plus attachant, mais s’il ne partait pas déjà de loin, il vient aussi avec une de ces fameuses amnésies qui arrangent bien le scénario. Après chaque révélation ou rebondissement, il va donc récupérer le souvenir lié. Quand il est autant antipathique, le voir aussi souvent se souvenir d’une information capitale un peu trop tard n’aide pas vraiment son cas.
Du côté des figurants
D’autant plus que cela ne laisse pas assez de place aux personnages que l’on aime déjà. Certains en sont réduits à des traits qu’on ne leur connaissait pas vraiment jusque-là comme Yusuke qui est obsédé par la nourriture ou Makoto qui ne peut plus avoir le rôle de stratège au milieu de Joker, Morgana, Futaba, Erina et Toshiro et qui se retrouve donc à être celle dont on craint les sautes d’humeur.
Certes, il aurait été compliqué de leurs donner une évolution dans une aventure qui se déroule vers la conclusion du jeu d’origine. Mais on se retrouve avec un résultat où ils n’ont pas grand-chose à apporter si ce n’est signaler quand quelque chose leur rappelle leur propre passé et donner des leçons de vie à Toshiro. En dehors d’une scène drôle, on ne les met jamais dans des situations qui pourraient apporter quelque chose de nouveau.
Donc d’un côté, si vous êtes déjà fans des personnages, Persona 5 Tactica ne vient jamais faire quelque chose d’intéressant avec eux. Et de l’autre, avec les résumés sommaires des évènements de Persona 5, il ne s’agit pas non plus d’une bonne porte d’entrée pour découvrir l’univers si vous ne le connaissez pas déjà. Il faut dire qu’en une vingtaine d’heures, il aurait été difficile d’en attendre beaucoup plus.
Hop hop hop, on enchaîne, on perd pas de temps
Car oui, l’aventure principale de Persona 5 Tactica se boucle en une vingtaine d’heures. Concrètement, il s’agit d’un enchaînement de niveaux assez basique. L’équipe est dans sa base, ils établissent un objectif et partent l’accomplir ce qui fera donc enchaîner deux ou trois niveaux avant de pouvoir revenir à la base pour acheter de l’équipement, gérer les points de compétences ou refaire les anciens niveaux avant de partir pour l’objectif suivant.
En dehors de ça, il faudra se contenter de quelques petits dialogues facultatifs dans la planque pour retrouver un peu l’aspect social du jeu de base en grappillant au passage quelques points de compétences. Et sinon, on a une quinzaine de quêtes secondaires qui sont tout simplement des niveaux beaucoup plus courts mais aussi beaucoup plus complexes à réussir, ce qui fait que c’est surtout ici qu’on trouvera du challenge.
Atlus avait vendu les objectifs secondaires des niveaux comme le moyen pour les joueurs et joueuses plus confirmés d’y trouver de la difficulté, mais dans les faits, cela se réduit souvent à ne laisser personne être mis K.-O., terminer en un certain nombre de tours et ne pas laisser d’ennemis en vie. Des choses que l’on fait sans s’en rendre compte la plupart du temps et qui n’amène donc pas la rejouabilité et le challenge espérés par les développeurs.
Le tour de chauffe
Mais passons enfin plus concrètement au gameplay de Persona 5 Tactica qui fait vraiment tout ce que l’on peut attendre d’un Tactical-RPG adapté de Persona 5. On se déplace de case en case, on peut attaquer au corps-à-corps ou bien à distance avec son arme à feu ou bien laisser faire sa Persona pour lancer les compétences habituelles. Atlus a tout fait pour retranscrire l’ensemble de ses mécaniques pour faciliter l’initiation des fans.
L’accessibilité est d’ailleurs le mot d’ordre. Ce qui passe notamment par le fait que notre équipe soit composée la majorité du temps de trois unités seulement, ce qui est donc beaucoup plus facile à gérer qu’une grosse armée. Et si l’un des membres de votre équipe tombe au combat, il sera remplacé par un autre. Le nombre de remplacements dépend de la difficulté choisie avec même la possibilité d’avoir des vies infinies dans le mode le plus simple.
Si le combat tourne mal ou que vous n’êtes pas content de vos choix, vous pouvez aussi revenir au début du tour précédent quand vous le souhaitez. Et le dernier aspect de cette simplification est la longueur des niveaux. On dépasse rarement les dix tours, le jeu déteste s’éterniser et vous sanctionnera même si vous mettez trop de temps à réussir votre objectif. Tout ce que l’on vient de dire, c’est la théorie mais pas forcément la pratique.
Les tests sont formels, c’est bien Persona
Déjà, avec la mécanique du One More qui permet de rejouer plusieurs fois pendant les tours, les niveaux ne sont pas si éclair que ça et on est donc bien content de ne pas avoir plus que trois ou quatre personnages à contrôler si tout le monde avait autant d’action à faire à chaque fois. Il faut savoir que Persona 5 Tactica tiendrait plus du puzzle game que du Tactical RPG et fait moins penser à Fire Emblem qu’à Into the Breach quand on fait rebondir les ennemis les uns sur les autres.
Il existe un système de couverture qui fait qu’une unité placée contre un mur est immunisée aux coups critiques tandis que les coups reçus sont bloqués ou amoindris selon la hauteur de l’obstacle et l’angle de l’attaque. Par contre, sans cette protection ou s’il y a une altération d’état, c’est le critique et donc le One More assurés. On ne réfléchit pas vraiment en termes de dégâts mais plus en optimisation de ses actions.
Il faut dire que c’est bien encouragé par la Triple Menace, l’équivalent de l’Assaut Général. Après un coup critique, un ennemi est ici aussi à terre et s’il se trouve dans le triangle formé par vos personnages, cela vous permet de lancer cette attaque ultime qui touchera toutes les unités adverses présentes dans cette zone, les tuant probablement au passage. La question devient donc comment agrandir au maximum le triangle.
Persona 5 Tactica porterait-il mal son nom ?
Il faut dire que la gestion des déplacements et positions est primordiale dans Persona 5 Tactica. Au point que les éléments ne servent à rien. Pas de faiblesse au feu ou à la glace, à la place, les sorts vont plutôt venir jouer avec la couverture. Le vent va repousser, le psi attirer… Une attaque élémentaire va déplacer sa victime ou au moins lui donner une altération d’état pour que quelqu’un d’autre en profite derrière.
Et pour renforcer cet aspect puzzle, les niveaux vont finir par dépendre d’énigmes avec des interrupteurs. Parfois, une de vos unités devra rester sur l’interrupteur pour laisser passer les autres en se bloquant dans la zone. Parfois, l’interrupteur ouvrira des portes et en fermera d’autres, ce qui obligera à coordonner les déplacements de chacun pour pouvoir avancer. On a souvent l’impression d’être dans une pièce à énigme où les ennemis sont des mécanismes comme les autres.
Techniquement, cela demande de la stratégie même si ce n’est pas exactement de la stratégie de combat. Donc certains apprécieront ce petit twist tandis que d’autres y verront un refus d’obstacle. Le problème est surtout que comme cela devient un puzzle, il existe une bonne solution, quelque chose qui se ressent particulièrement dans les niveaux annexes. Le jeu sera plus ou moins tolérant avec votre manque d’optimisation mais ne vous laissera pas trouver votre propre méthode.
La fusion n’est pas un échec
C’est donc surtout le level-design qui est mis à l’honneur dans Persona 5 Tactica qui s’amuse donc avec ses interrupteurs et ses différents étages. Étages qui permettent d’ailleurs de retrouver une version du Baton Pass. Sauf qu’ici, au lieu de se passer leur action, les personnages se passent leur ennemi. Lorsque l’on jette un adversaire d’un étage, si un allié se trouve près de son point de chute, il lui mettra une rafale au passage.
Cela n’arrive pas assez souvent à notre goût mais la petite animation fait toujours son petit effet très satisfaisant. L’autre mécanique assez gadget est la compétence spéciale à activer après avoir rempli une jauge de tension. Chaque personnage jouable a sa propre version de l’attaque qui est rarement pertinente, sauf dans le cas de Joker puisque cela lui garantit le One More et peut donc vous sortir d’une situation délicate.
Il faut avouer que lors de nos premières heures, le déclic avait un peu de mal à se faire avec le gameplay jusqu’au moment où l’on a compris qu’il ne fallait pas voir le jeu comme un Tactical-RPG mais plus comme un jeu de réflexion et de puzzle. Et il faut donc saluer l’adaptation bien pensée des mécaniques de Persona 5 dans ce contexte même si notre lune de miel a été de courte durée…
Quand soudain, c’est le drame
En effet, il faut évoquer un gros problème de Persona 5 Tactica, une certaine bascule au niveau des efforts. Au départ tout va bien, les deux premiers mondes ont des thèmes marqués (la Révolution Française et le Japon Féodal), chaque niveau a son propre décor entre les rues de la ville, les prisons, la base du boss, on a des objectifs variés tels que atteindre la sortie le plus vite possible, escorter un PNJ, détruire un objet…
Et puis, on termine le deuxième monde et tout effort s’arrête. Pas de thème pour les mondes, pas de décors pour les niveaux, juste des plateformes génériques au-dessus du vide, plus de variation pour les objectifs de niveaux, on doit se contenter de tuer des vagues d’ennemis. D’ailleurs, plus de nouveaux ennemis, on restera avec les 6 types qui sont déjà un nombre un peu trop faible.
On garde toujours du level-design correct mais en dehors de ça, on a rarement vu un abandon aussi clair qui se conclut avec un ultime chapitre best-of qui nous ressort même du contenu déjà fait. Ce qui est d’autant plus dommage parce qu’on peut comprendre un essoufflement des idées mais quand même, au bout de deux mondes seulement, cela devient incompréhensible.
Avec Lavenza dans le rôle de Forgelina
Dans un titre où les éléments importent peu, la pertinence des Personae communes est limitée. Mais Persona 5 Tactica n’allait tout de même pas se priver de Jack Frost et compagnie donc tout l’aspect collection et fusion des Personae est bien présent. C’est juste qu’au lieu d’avoir Joker qui peut changer à la volée, chaque Voleur Fantôme peut équiper une Persona secondaire qui améliore ses statistiques et lui apporte deux compétences supplémentaires.
Pour gérer tout cela, on retrouve Lavenza dans une Chambre de Velours qui prend la forme d’une forge. En plus de ses fonctions habituelles, elle peut aussi fusionner les Personae pour en faire des armes à feu qui feront plus de dégâts que celles de la boutique mais auront aussi une chance d’infliger une altération d’état. Et si vous vous posez la question, on obtient de nouvelles invocations au hasard à la fin de chaque niveau.
Et pour gagner encore en efficacité, chaque personnage a aussi son arbre de compétences qui peut augmenter la portée de ses attaques, le nombre de cases lors de ses déplacements, la puissance de l’équipe, rendre du mana à chaque tour. Bref, on se sent vite intouchable, surtout quand on garde les boosts aléatoires de Futaba qui garde son rôle de support non-jouable.
Bizarrement, Mona n’est pas impacté par le changement visuel
Persona 5 Tactica utilise un style visuel dérivé des Persona Q avec des designs Super Deformed, un choix qui risque de ne pas plaire à tout le monde. Pas très dérangeant pour notre part, entre l’aspect plus puzzle et les niveaux relativement courts, cette simplicité nous fait surtout penser que le jeu aurait parfaitement sa place sur mobiles, mais on salue l’expressivité que cela apporte aux illustrations lors des dialogues.
Côté musique, pas de Shoji Meguro qui laisse une fois de plus la place à Tonishi Konishi qui fait tout de même appel à Lyn et Lotus Juice pour assurer une certaine continuité avec Persona 5 avec des chansons qui s’intégreraient parfaitement dans le jeu de base. Pour les doublages, on retrouve les habituels castings anglais et japonais et leur excellent travail. Et heureusement, on continue la tendance à la traduction française, mais avec quelques coquilles.
Étant donné que notre test a été effectué sur la version PS5, rien à signaler au niveau de la technique mais on a tout de même remarqué certains chargements assez longs pour qu’on se demande si le jeu a planté. Absolument rien de dramatique mais on n’a plus l’habitude de remarquer les chargements sur cette plateforme, surtout pour un titre aussi simple, ce qui nous rend donc un peu curieux de voir ce que cela donne sur les autres consoles.
Le cas Repaint your Heart
Logiquement lorsque l’on teste un jeu, on ne doit pas prendre en compte ce qu’il y a autour mais c’est un peu compliqué avec le DLC intitulé Repaint Your Heart. Il s’agit d’une aventure à part et où Joker est cette fois-ci accompagné par Goro Akechi et Kasumi Yoshizawa (venue de Persona 5 Royal) qui sont tous deux jouables pour l’occasion. L’exemplaire fourni par l’éditeur ne contenait pas cette extension mais on l’imagine conséquente vu son prix d’une vingtaine d’euros.
Et non pas que l’on se lance dans une croisade anti-DLC mais notre problème vient du fait que cette extension sorte en même temps que le jeu, ce qui signifie que cela aurait très bien pu être inclus dans la version de base. Pas de souci quand cela arrive quelque temps après mais là c’est beaucoup trop rapide pour que cela ne soit pas insultant, surtout pour un jeu qui choque déjà par son brutal arrêt des efforts.
Pour ajouter un peu à l’injure, sachez que l’on retrouve les crédits de Repaint Your Heart dans le générique de fin de Persona 5 Tactica même si l’on n’a pas le DLC de quoi prolonger l’arrière-goût un peu amer que l’on avait déjà. On pourrait comprendre que quelques bonus et costumes soient disponibles immédiatement mais ce contenu est trop conséquent pour qu’on laisse passer cette pratique sans sourciller.
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