L’éditeur Good Shepherd se propulse à nouveau sur le devant de la scène avec Phantom Doctrine, un XCOM-like mais sans Aliens. Le jeu est développé par CreativeForge Games, sorti le 14 août 2018, c’est un joli mélange de jeu de rôle tactique au tour par tour, d’opérations stratégiques et d’enquêtes de contre-espionnage.
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La Cabale, une cellule d’espionnage secrète se lance dans une quête visant à démanteler le monde d’organisations néfastes se cachant dans l’ombre profitant des tensions entre l’URSS et l’OTAN. Vous êtes évidemment responsable de cette organisation pour gérer les agissements de vos agents et résoudre les enquêtes en cours.
Dans Phantom Doctrine, vous avez le choix d’entrée de jeu d’être responsable de l’organisation de la CIA ou du KGB. Ces deux factions n’ont aucune interaction entre elles, en charge de leur propre groupe d’espions. Quelle que soit votre alliance, chaque décision doit être soigneusement étudiée en dépit de conséquences désastreuses. Ce sentiment de prise de décision stratégique dans l’urgence constante devient une seconde nature durant cette campagne captivante.
L’histoire est nourrie par tensions et suspicions : le composant essentiel de Phantom Doctrine. L’introduction nous prévient de ne se fier à personne : des taupes ou agents dormants peuvent contrecarrer le bon déroulement de la gestion de la Cabale. Tout comme XCOM, son système de combat isométrique au tour par tour devient complexe. De nombreuses fonctions de gameplay sont disponibles dès la première mission. Une période pour s’acclimater à la vie d’agent(s) secret(s) s’impose pour découvrir ses actions spéciales. La paranoïa s’installe graduellement : chaque décision devient une tactique rigoureusement mise en place avant même le début de mission. Le récit est difficile à suivre, rempli de personnages intrigants et de twists scénaristiques dignes des meilleurs films d’espionnage. Les prestations vocales nous plongent dans l’ère de la Guerre Froide où la méfiance est palpable à chaque mot. La bande-son, quant à elle, vient immortaliser l’atmosphère maussade et pesante.
Tu tires ou tu pointes ?
La vue isométrique rappelle le récent XCOM, cependant, son approche historique s’approche d’un jeu qui date : Commandos (Pyro Studios, 1998). Son gameplay similaire est similaire, points d’action, couverture, surveillance, et ces mécaniques familières ont néanmoins quelques subtilités uniques qui s’immiscent et s’intégrent dans notre façon de jouer. Un grand nombre d’objectifs se dressent durant les missions obligeant de mesurer au millimètre la stratégie adoptée. Le panel d’actions possibles est large, une approche furtive ou plus offensive change la façon de progresser dans le niveau. Bien que Phantom Doctrine privilégie l’approche furtive, les situations nécessitent parfois de forcer son chemin à travers l’ennemi. Les options de combat sont variées et diffèrent selon l’arme choisie: tir automatique, en rafale, tir de précision, tir à la tête, etc. Mais avouons que mener une mission grâce aux possibilités tactiques furtives en raison des moults stratégies disponibles est très satisfaisant.
Éviter les embuscades ennemies est plus dur une fois l’identité d’un agent compromise.
La discrétion mise en avant, les agents déguisés peuvent opérer sous le nez de l’ennemi, les unités de soutien sont là pour localiser cibles ou menaces potentielles tapies dans l’ombre, les objets ou actions de distraction pour détourner l’attention, éliminer une cible en silence puis faire disparaître le corps ; il est même possible de se servir d’un « agent dormant » et le manipuler pour arriver à ses fins ! La préparation en amont des missions est primordiale pour avoir toutes les chances de son côté. Cela permet d’avoir plus d’options tactiques durant le déroulement des objectifs. Cependant, la gestion du facteur temps est essentielle, sans la préparation adéquate, car la marge d’erreurs est beaucoup moins permissive. Il est néanmoins possible d’entamer les missions sous de nombreux angles, par contre la pression engendrée par une mauvaise préparation peut avoir des conséquences désastreuses sur l’opération.
Ne parlons pas de la panique ressentie lors d’imprévus qui subviennent sans prévenir !
La mission qui tourne au vinaigre nous oblige à faire face à des choix cornéliens. En tant que responsable de la Cabale il est de votre ressort de choisir entre sacrifier son agent, le laisser se faire capturer avec les risques que cela implique ou encore tenter d’évacuer tous les agents malgré une issue périlleuse. Les missions sont prenantes par l’équilibre des mécaniques complexes et variables de Phantom Doctrine. Elles le hissent dans la catégorie tactique par son éventail d’options. La pression ressentie par l’enjeu engendré lors des décisions sur le terrain tout comme les choix en amont rendent l’aventure satisfaisante à jouer ; tout à fait approprié à la thématique du jeu.
Au cœur du contre-espionnage
La gestion des activités et des agents est l’un des piliers fondamentaux sur lequel Phantom Doctrine repose au même titre que l’approche minutieuse sur le terrain. Pour cela, plusieurs cellules distinctes vont permettre de développer votre planque ainsi que ses membres.
À commencer par les « Quartiers de l’équipe » qui regroupe tous les agents actifs et leur fiche détaillée (compétences, armes et accessoires équipés, talents et formations). Le petit détail discret c’est l’histoire du personnage intégrée dans sa fiche d’où les talents innés qui lui sont propres. Ceci peut faire la différence car ces talents, parfois cachés, pourraient dissimuler un agent dormant dans votre propre structure. Il est intéressant de booster les personnages aux compétences variées et de conserver des agents moins polyvalents pour les petites missions « escarmouches ».
Les cellules sont toutes améliorables tout au long de la campagne.
Ensuite l' »Infirmerie » permet de soigner les unités blessées. Rien de plus, rien de moins. L’atelier est, quant à lui, dédié à la fabrication d’objets. C’est ici que les agents conçoivent crochets à serrure ou autres grenades à fragmentation. De plus, quelques améliorations techniques pour la planque sont régulièrement mises en avant comme ajouter une place supplémentaire à l’infirmerie ou avoir de meilleures capacités de reconnaissances tactiques. Enfin la cellule « Analyse » est l’endroit où le Sherlock Holmes en vous peut s’exprimer. En effet, ici le tableau d’enquêtes regroupera les enquêtes en cours. Les dossiers régulièrement mis à jour avec de nouveaux indices récoltés, à vous de tisser les liens pour résoudre les enquêtes sur un tableau de bord. Un agent assigné à un dossier accélère la cadence dans la récupération de données. Sous forme de mini-jeu, relier les indices entre-eux est assez relaxant : le thème de l’espionnage est bien là.
Une fois sur la carte du monde, vos futures missions dépendent de votre capacités à gérer les opérations ennemies.
Cependant, ne vous croyez pas à l’abri pour autant ! Les espions ennemis tentent sans relâche de localiser l’emplacement de votre base durant les phases de gestion des missions sur un atlas. Sur la mappemonde la gestion du réseau d’espionnage implique de décider où envoyer ses espions et à quel moment. Dans ce mode il s’agit de déployer assez d’agents pour avoir le temps d’espionner les activités suspectes et prendre des décisions en conséquence. Le facteur temps est décisif, chaque action et déplacement demande du temps pour être effectué. Hormis dans la planque, le temps continue de défiler : vos missions progressent et les machinations complotistes ennemies aussi. Si on fait la comparaison avec les missions de campagne, le jeu demande de réfléchir à deux fois avant d’engager toute action. La gestion des missions sur l’atlas est obligatoire pour accéder aux missions, ne sous-estimez pas ce mini-jeu !
Une fois la barre de danger remplie, il faut vite déménager sa base sous peine d’être débusqué et perdre la partie.
La cerise sur le gâteau sont les événements aléatoires qui peuvent subvenir durant la campagne. Le plus fastidieux est de découvrir une taupe parmi vos agents bien longtemps après l’avoir vous-même recrutée : traumatisant. Tout en faisant partie de l’intrigue, d’autres surprises implémentées habilement appuient l’état de paranoïa typique de la Guerre Froide. Phantom Doctrine arrive avec brio à nous sortir de la zone de confort, souvent la confiance se paie au prix cher.
Le revers de la médaille
Bien que l’état de qui-vive soit brillamment retranscrit dans Phantom Doctrine, son gameplay, l’écriture et la prestation des voix sont faits aux petits oignons. Cependant, il brille moins sur d’autres aspects. Le point noir réside dans ses visuels qui font un peu tâche par rapport aux intentions de réalisation. Les rares cinématiques font un peu de peine, les quelques illustrations statiques rattrapent le coup mais rien d’impressionnant. Techniquement, c’est décevant. La réalisation graphique est malheureusement obsolète. Les personnages frôlent l' »uncanny valley » : il paraissent peu naturels dans leurs déplacements. Si on peut déplorer une couverture imparfaite dans la plupart des environnements ou parfois des tirs ennemis capillotractés, la partie tactique s’en sort plutôt bien. Je comprends qu’un agent infiltré brise une fenêtre pour optimiser ses temps de trajets, mais cela ne semble choquer personne aux alentours. Une coutume bien bizarre je vous dis !
L’optimisation des menus est difficile à lire, beaucoup d’informations à l’écran malgré la présence d’un didacticiel. Le tout est de distinguer les possibilités d’actions entre le mode infiltration et le mode combat. Les agents possèdent des habilités communes, d’autres leur sont propres ! Les petites icônes ne sont pas faciles à atteindre et le manque d’attention sera le pire ennemi. À de nombreuses reprises j’ai tiré au fusil au lieu de simplement effectuer une neutralisation discrète car il me manquait un point d’action. Le jeu propose automatiquement la compétence offensive suivante, même les menus sont nos ennemis !
Les environnements manquent d’un grain de folie pour faire vivre les décors.
Le level-design, quant à lui, est très bon mais son visuel rend l’ensemble monotone ; rien ne distingue un environnement d’un autre ce qui rend l’exploration redondante. Pour être plus clair, les environnements sont en fait sublimes. De nombreux titres sont décevants par leur dépendance au contenu généré de manière procédurale. Dans Phantom Doctrine, chaque bâtiment est à sa place. Il y a une impression de finition dans l’agencement des pièces et leurs dimensions. Complexes militaires, hôpitaux civils, morgues, prisons ennemies, repaires industriels, etc. Le jeu ne manque pas de localités pour nous faire voyager, cependant il manque tout de même quelque chose. Plus de diversités dans les textures, plus de variations de couleurs, un plus large répertoire d’assets, un lighting moins uniforme : les développeurs n’ont pas réussi entièrement à faire respirer visuellement leur œuvre.
Vos agents peuvent sauter du premier étage en portant un agent ennemi sur les épaules sans sourciller…
Malgré des visuels un peu faiblards, Phantom Doctrine fait forte impression par son immersion engageante. Il y a beaucoup à faire dans cette campagne solo d’une durée de vie estimée entre 30 et 40 heures ! L’histoire est remplie de twist scénaristiques, trahisons, complots et surprises dans des missions générées de manière procédurale. Le jeu propose de jouer trois factions : le KGB, la CIA et le Mossad (jouable en terminant la campagne une fois) qui ont chacune leur propre trame scénaristique. Incroyablement riche de contenus et de quelques mini-jeux, CreativeForge Games réussit à remodeler la recette des jeux de stratégie/tactique en vue isométrique au tour par tour. L’expérience ressentie est unique en son genre, la tension et la paranoïa des années 1980 durant la Guerre Froide sont palpables. Malgré quelques incohérences, elles sont finalement négligeables pour un jeu de cette trempe.
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