Parmi toutes les licences nées sur PlayStation 2, Project Zero (que nos amis américains connaissent sous le nom de Fatal Frame) compte assurément parmi les plus marquantes. D’une part, parce qu’elle tenait la dragée haute à Resident Evil, Silent Hill et Forbidden Siren, les trois autres ténors de l’horreur de l’époque. D’autre part, parce que son concept ne manquait pas d’originalité, représentant à lui seul une excellente raison de s’essayer à la série.
Malheureusement, comme la plupart de ses confrères, Project Zero aura fini par s’éteindre, probablement la faute à une évolution beaucoup trop lente, et des choix de game design discutables. Enfin ça, c’était avant que Koei Tecmo fasse revenir La Prêtresse des Eaux Noires à l’automne 2021. Un portage de l’opus Wii U, mal reçu à deux occasions, mais dont les qualités en terme d’atmosphère sautent aux yeux.
Ce mois-ci, à défaut d’un nouvel opus (mais cela ne m’empêchera pas de continuer à militer), Koei Tecmo nous sert un volet inédit en Europe. Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire est initialement paru sur Nintendo Wii en 2008. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il est développé par Goichi Suda (papa de No More Heroes) et son équipe de chez Grasshopper Manufacture. La mauvaise, c’est que cette version remasterisée tombe dans les mêmes pièges que la précédente…
Conditions de test : Nous avons joué une petite dizaine d’heures sur la version Xbox Series X du jeu, ce qui ne fut pas suffisant pour voir le bout de l’aventure. Ce test est garanti sans spoiler.
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Si vous suivez ActuGaming depuis un certain temps, alors vous connaissez peut-être notre chronique du dimanche, revenant sur des titres ou des licences dont on aimerait un retour. Et je vous prie de me croire sur parole, si Koei Tecmo ne se décide pas à pondre un véritable nouvel épisode de Project Zero, la franchise aura droit à son plaidoyer. Parce qu’il est malheureux de constater qu’elle tombe peu à peu dans l’oubli. Ce que n’arrangera probablement pas Le Masque de l’Éclipse Lunaire, j’en ai bien peur…
Pas que le titre soit mauvais, loin s’en faut. Et on peut lui trouver plusieurs qualités indéniables, à commencer par son ambiance parfois glaçante, et quelques idées de mise en scène franchement bien senties. La Camera Obscura, un appareil photo qui permet de combattre les ectoplasmes ou de résoudre certaines énigmes, est un outil toujours aussi original et appréciable. On pourrait aussi noter sa durée de vie, très correcte pour le genre. Malheureusement, difficile de tenir la comparaison face aux ténors actuels de l’horreur.
Et même, d’une certaine façon, difficile de mettre face à face La Prêtresse des Eaux Noires et Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire. On parle de deux jeux sortis sur deux générations de consoles distinctes, certes, mais nous reviendrons sur l’aspect technique plus tard. Non, ce qui choque un brin lorsqu’on joue à la version remasterisée de l’opus Wii, c’est bien qu’elle fait tout, point par point, moins bien que le soft qui ressortait en 2021. N’aurait-il pas été plus judicieux de faire revenir le plus daté en premier ?
Handle with care
Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire nous place tour à tour aux commandes de plusieurs protagonistes, perdus sur une île semblant déserte, théâtre de la disparition puis de la mort de quantité de citoyens. Fragmentant son récit pour coller avec ses intentions de mise en scène, le titre joue ainsi avec différentes temporalités, et peut se targuer de le faire plutôt bien… dans une certaine mesure. Car, en effet, il n’est pas évident de s’y retrouver, notamment parce que certains personnages féminins se ressemblent beaucoup, autant physiquement que vestimentairement parlant.
Ce qui est dommage, c’est que malgré de vraies intentions à ce niveau, on finit par ne plus s’y retrouver dans cette histoire décousue, découpée d’une manière un peu étrange. Et si cela participe un temps à l’ambiance nébuleuse, particulièrement appréciable, il faut reconnaître que cela finit par la desservir, en perdant tout bonnement le joueur. Par ailleurs, si l’idée est plutôt bonne, elle induit qu’il va falloir revenir plusieurs fois dans les mêmes zones, sur les traces d’autres personnages, ce qui devient rapidement lourd.
Un peu comme le gameplay du soft, d’ailleurs, qui semble tout faire pour placer le joueur dans un inconfort inégalé. Les protagonistes se meuvent avec la grâce et la lenteur d’un semi-remorque dans un magasin de boules à neige, la faute à une maniabilité qui n’est jamais évidente, et semble perpétuellement coincée entre deux voies distinctes. Le titre venant de la Wii, qui n’avait qu’un seul joystick, il ne permet des déplacements qu’avec celui de gauche sur les pads actuels, et sa caméra suit d’elle-même. Ce qui passe par des angles affligeants, et n’empêche pas nos personnages de changer de direction à la moindre de nos imprécisions.
Et s’il est nécessaire d’utiliser le joystick de droite pour diriger vaguement le faisceau de notre lampe torche, ce qui permet de trouver différents objets dans le décor, cela ne fait pas tourner naturellement le personnage sur lui-même. Ce qui se révèle à la fois particulièrement contre-intuitif, mais aussi très mal expliqué par le jeu. Ce dernier souffrant, de surcroît, d’environnements beaucoup trop étroits, on a très vite fait de s’énerver bêtement en essayant d’atteindre un objet posé au sol, ou même d’ouvrir une porte. Assurément, ce devait être plus simple sur Wii.
Kids see ghosts
Mais, quid du cœur du jeu, les combats contre les ectoplasmes maléfiques qui peuplent cette île étrange ? Eh bien c’est malheureusement le pire aspect de l’expérience, et je pèse mes mots. Nous le disions plus tôt, Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire est initialement paru sur Nintendo Wii, utilisant la Wii Mote et son pointeur pour diriger la Camera Obscura. Une façon de faire probablement assez intuitive sur la console de Big N, mais qui ne trouve pas d’équivalent sur les supports actuels, alors que…
Alors que Project Zero : La Prêtresse des Eaux Noires se permettait d’utiliser la fonction gyroscopique des manettes de Xbox et PlayStation, il un an et demi, pour émuler l’expérience Wii U et ses avantages. Pourquoi la même idée n’a pas été reprise pour cette édition remasterisée de Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire ? Difficile d’y voir autre chose que de la paresse, ce qui fait finalement écho à d’autres éléments du jeu, en commençant évidemment par la maniabilité non corrigée des personnages.
En l’état, les affrontements sont à la fois excessivement pénibles, mais aussi d’une difficulté parfois surhumaine, la faute à un level design trop exigu, laissant un millier d’ouvertures aux ectoplasmes, mais trop peu d’échappatoires au joueur… qui aura, quoi qu’il arrive, toutes les peines du monde à diriger son personnage…
Mais, puisqu’il faut bien aborder l’éléphant dans la pièce, l’aspect visuel est lui-aussi une preuve supplémentaire de cette paresse qui fait beaucoup de peine à voir. Si artistiquement le titre s’en sort très bien, et parvient même à s’offrir quelques très rares espaces intéressants, l’ensemble souffre d’une technique absolument abyssale. Difficile de croire qu’un travail de refonte a été entrepris, tant les textures se révèlent affligeantes de pauvreté, et l’ensemble manque d’âme. Même les effets de lumière, qui devaient assurément fonctionner sur Wii, perdent toute leur saveur en 2023. Finalement, à part en ce qui concerne les protagonistes, le travail de refonte ne saute pas aux yeux…
Alors que reste-t-il à Project Zero : Le Masque de l’Éclipse Lunaire ? Eh bien peu de choses, excepté son ambiance. Son scénario ne manque pas de bonnes idées, mais il ne les exploite pas aussi bien qu’escompté. Et quand bien même, difficile de rester éveillé face à la mollesse de l’ensemble, tant dans la mise en scène que dans le gameplay, ce dernier étant désagréable de bout en bout. C’est dommage, car on aurait pu pardonner beaucoup d’errances à petit prix, pour souligner le plaisir ressenti au contact de cette licence qui manque dans le paysage vidéoludique actuel… Mais à près de 50 euros, cette version ne mérite pas votre intérêt.
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